Livre.gif (217 octets) Littérature Japonaise Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour Japon <-

retour
page d'accueil

 


UCHIDA Hyakken (de son vrai nom Eizô Uchida, d'après la rivière Hyakkawa)

(29/05/1899-20/04/1971)

hyakken uchida

Né dans une famille de fabricant de saké, Hyakken Uchida étudie la littérature allemande à l'Université impériale de Tôkyô. Il devient le disciple de Sôseki. Il fait la connaissance d'Akutagawa et de Sôhei Morita.
Il enseigne l'allemand, et travaille à l'édition des oeuvres de Sôseki.
En 1922, il publie un recueil de nouvelles fantastiques, Meido. Puis, outre des nouvelles, il écrit des romans, des essais... jusqu'à sa mort.

"La modernité de Hyakken tient au minimalisme et au caractère parcellaire de son écriture, à l'ambiguïté des figures au service d'une vision expressionniste de l'homme." (Patrick Honnoré, introduction à La Digue, pages 8-9)
"[...] il y a chez Hyakken un respect des mots les plus simples quand ils disent ce qu'ils veulent dire. Et pourquoi dire "progresser" ou "déambuler" quand on veut dire "marcher" ? Le minimalisme assumé du vocabulaire de base, celui qui soutient l'action, amplifie l'impression d'absence de conscience agissante. Les verbes ont bien un sujet, mais ce sujet n'est pas nécessairement sujet d'une conscience. Les actions lui viennent malgré lui. Toute la richesse de Hyakken vient du fait que de ce sujet naît une conscience de l'absence de conscience." (page 11)
"L'amateur des films de David Lynch (le monde derrière le radiateur dans Eraserhead...) ne devrait pas avoir de difficulté à entrer dans son univers." (page 13).
Son oeuvre autobiographique a été adaptée par Kurosawa (Madadayo).
"Anticonformiste indécrottable, il refusa sa nomination à l'Académie japonaise des Arts en 1967 pour la raison restée célèbre : « Je ne veux pas parce que je ne veux pas ! »" (page 14).

 

 

la digue

La Digue . Traduit du japonais et présenté par Patrick Honnoré. 104 pages. Les Editions de l'Atelier n°8.
Il s'agit de huit nouvelles extraites des deux premiers recueils publiés par l'auteur, Meido (1922) et Ryojun Nyûjôshiki, 1934 - bizarrement, le même titre est donné à un roman de 1925, traduit par "Entrée triomphale à Lüshun", dans la notice à la nouvelle Airs Bohémiens, Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, Gallimard).
Ces nouvelles sont présentées et analysées en début de livre.

1/ La première nouvelle, Feux d'artifice, "donne le ton. Elle est comme un infinitif que les suivantes conjugueront" (page 15).
C'est bien vrai. Elle commence ainsi :
"Je me dirigeais vers le port d'Ushimado en passant par la longue digue de terre." (page 23).
Qui est ce "Je", d'où vient-il, nous ne le savons pas et, pourrait-on dire, lui non plus. Dans un cauchemar, on ne sait pas pourquoi on est là où l'on est.
Des vagues frappent la digue, le sol vibre. Tout est instable, le sens et la réalité.
Il aperçoit une femme habillé de violet. "Il me semblait avoir déjà vu ce visage, mais je ne parvenais pas à m'en souvenir." (page 24).
Il suit la femme. Il a envie de rentrer chez lui, mais rien n'y fait.
Il y a un feu d'artifice. La nuit tombe rapidement, comme par la suite dans quasiment toutes les nouvelles du recueil. La nuit n'est pas rassurante, qui sait quelle menace elle recèle...

2/ La nouvelle suivante, Echo, est mineure ("Une simple transposition en mineur", écrit Patrick Honnoré, page 16 ; pourquoi alors n'avoir pas retenu une autre nouvelle ?). Elle reprend la trame de la première. On se rend compte que les couleurs sont quasiment absentes des nouvelles, à part le noir (quand la nuit tombe), et le violet ou le rouge.

3/La troisième nouvelle, Les Lézards, est nettement plus intéressante.
"J'emmenai ma maîtresse au spectacle forain. Nous marchâmes longtemps dans un quartier immense, sans aucune ruelle de traverse. Aussi loin qu'on allât, pas une seule bifurcation." (page 41). On a déjà une forme de cauchemar, on voit le caractère inéluctable de ce qui va arriver : il n'y a pas de choix.
"Arriva le cortège publicitaire du spectacle forain. Sur une grande bannière verticale était peint un ours en train de dévorer le flanc d'un taureau. Le sang du taureau s'écoulait de la plaie et teignait la bannière en rouge. Ce dessin m'ôta toute envie d'aller voir le spectacle." (page 42). Sa maîtresse a une réaction bien différente :
"- Oh, ce que ça a l'air chouette ! Dépêchons-nous ! dit-elle. [...]
Des nuages noirs gonflaient l'horizon." (page 42). On a donc eu le rouge (sang) sur la bannière, et ce n'est pas la nuit qui arrive, mais les nuages noirs qui obscurcissent le monde. Accompagnés de vent, un autre élément que l'on retrouve tout au long des nouvelles.
Le spectacle et les spectateurs, tout sera étrange et cauchemardesque. Mais le cauchemar chez Hyakken sonne vrai : ça ne fait pas cauchemar ou rêve signifiant comme on en trouve fréquemment dans les livres. Il semble n'y avoir aucun sens, il y a une perte des repères : repère du passé, de la finalité, de la personnalité du narrateur. On est ballotté par des forces extérieures.

4/ La quatrième nouvelle s'intitule Potamot à feuilles de saule : c'est une plante aquatique d'eau douce, nous apprend une note. Encore un cauchemar, sous une forme un petit peu différente des deux premières nouvelles. Même si, ici encore, le narrateur marche, suit quelqu'un. Un poil trop symboliste.

5/ La cinquième nouvelle : Le Démon de la variole. "Midi était passé quand un homme que je n'avais jamais vu se présenta à l'entrée. J'allai voir, il me dit qu'il voulait parler à ma femme" (page 65). Sa femme et l'homme discutent, l'homme repart... mais, où donc est passée la femme du narrateur ? Il part à sa recherche. Étrange recherche.
"J'arrivai enfin au niveau des maisons. Je me remis à les longer en prêtant attention à ce qu'on entendait à l'intérieur. Et là, bien que les portes fussent fermées ici aussi, je commençai à entendre des choses, des gémissements d'hommes ou de femmes qu'on percevait travers les portes fermées jusque dans la rue." (pages 67-68).
Cette nouvelle est beaucoup plus intéressante que la précédente.

6/ La sixième nouvelle, Ambassadeur près de l'empire des Tang, change le décor. "Envoyé en mission diplomatique près le Grand Tang, je m'étais donc rendu en Chine. Qu'était-il advenu de ceux qui m'accompagnaient, je l'ignore. Seul à l'entrée d'une large avenue, je regardais le paysage." (page 77). Ici encore, comme dans Les Lézards, le narrateur n'a pas le choix : il est seul et il doit suivre l'avenue. Et, lorsqu'il n'y a pas de route toute tracée, il suit quelqu'un.
"Le soir va tomber, me dis-je, et je me sentis nerveux." (page 79). Toujours la menace de la nuit. Comme si des choses horribles, inimaginables, survenaient dès que l'obscurité recouvrait le monde. Le narrateur ne comprend bien sûr pas les mots qu'on lui dit (en Chinois, sans doute, mais qui sait ?), toutefois il en comprend le sens. Cet étrange phénomène, cette connaissance venue d'on ne sait où, accentue encore l'irréalité en même temps que le but inéluctable de l'histoire, comme si le sens venait d'ailleurs que des personnages présents.
Bonne nouvelle, aussi. Il y a même de l'humour, puisqu'il y a des ombres chinoises (page 86) !

7/ La septième nouvelle, La Neige, commence de façon choc : "Il me vint l'idée de tuer celle qui m'avait quitté et son complice." (page 89). Là encore, le narrateur n'y est pour rien : c'est l'idée qui vient à lui. Une courte nouvelle (4 pages), assez surprenante, et dont on peut réfléchir au sens, dont Patrick Honnoré parle tout au long de la première page de la préface (on pourra bien sûr préférer lire d'abord les nouvelles, avant la préface!)

8/ La huitième nouvelle, Tourbillon,voit le narrateur attendre la retour de sa maîtresse. Il est seul. "Elle ne revenait pas. La nuit avançait, le vent s'était calmé, tout était devenu silencieux. [...]
Appuyé contre un pilier, fixant un point du mur d'en face, je restais immobile. Je sentis mon visage enfler et grossir peu à peu.
" (page 97). Ah, là on se dit que tout peut arriver... Pas mal, mais pas la meilleure nouvelle du recueil.

 

Pour conclure : des nouvelles intéressantes, deux (Echo et Potamot à feuilles de saule) qui auraient sans doute pu être enlevées et remplacées par d'autres nouvelles, et à la fin, on a envie d'en lire d'autres : on a l'impression de n'avoir vu qu'un aspect de l'oeuvre de l'auteur. Ces nouvelles sont extraites de deux recueils, et finalement il n'y en a que huit, ici. Comment ont-elles été choisies ? De façon à former un ensemble plus ou moins homogène, peut-être ? Est-ce que les autres suivent un schéma similaire, ou bien... ?
Et à quoi peut ressembler un roman de l'auteur ?

 

anthologie de nouvelles japonaises contemporaines

Airs bohémiens (Sarasâte no ban, 1948 ; 16 pages). Nouvelle extraite de Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, Gallimard. Traduction de Alain Rocher. Le titre original parle de Sarasate, l'auteur des Airs bohémiens.
Cette nouvelle est plus longue que celles composant le recueil La Digue.
"Le vent qui, au crépuscule, faisait trembler les volets fermés et semblait les frapper à coups répétés avait cessé de souffler à mon insu. Je m'aperçus alors que la maison était enveloppée de silence." (page 119).
Le narrateur a un invité. Il est interrompu par une femme, la veuve d'un ami à lui, qui semble savoir quels sont les livres ou disques que son défunt mari avait prêtés au narrateur et qui sont restés chez lui. C'est bien mystérieux...
On trouve de vrais dialogues, les personnages ont plus de consistance, on n'est plus tout à fait dans le cauchemar. Néanmoins, à un moment, le narrateur et son ami (ce sont des souvenirs) cherchent leur chemin ; il y a des passants. "Nous en arrêtâmes un pour lui demander s'il n'y avait pas un pont dans les environs. Il parut comprendre notre question, mais nous ne pûmes rien entendre aux premiers mots de sa réponse. J'eus beau m'expliquer ce fait en me disant que je ne connaissais pas la région et que le dialecte m'était étranger, je ne pus dissiper l'impression d'être arrivé au bout du monde." (page 125). Un peu comme dans la nouvelle Ambassadeur près de l'empire des Tang.
Une nouvelle étrange (notamment la fin), plus construite, moins immédiatement cauchemardesque que celles du recueil La Digue.

 

 

Adaptations au cinéma :
-Tsigoineruwaizen (1980), réalisé par Suzuki Seijun. C'est l'adaptation de la nouvelle Airs bohémiens. De nombreuses récompenses, notamment à Berlin.
- Madadayo (1993), réalisé par Kurosawa Akira. Il s'agit de l'adaptation d'une oeuvre autobiographique de Hyakken. C'est le dernier film du réalisateur. Très bien, évidemment.



- Retour à la page Littérature japonaise

 

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)