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UMEZAKI Haruo ( 梅崎春生 )

(15/02/1915 - Fukuoka, 19/07/1965)

umezaki haruo

"Né à Fukuoka, Umezaki fréquente le 5e lycée puis étudie le japonais et la littérature à l'université impériale de Tokyo.
Il travaille ensuite dans cette même université pour la faculté des sciences de l'éducation (kyōiku).

Il termine la guerre au service du chiffre de la préfecture de Kagoshima. Après la guerre, il travaille à la rédaction du journal Sunao (素直) de Shin’ichi Eguchi (1914-1979), dans lequel paraît également son Sakurajima [écrit en 1946]. En 1954 il est lauréat du prix Naoki pour Boroya no shunjū. Il meur d'une cirrhose du foi en 1965.

Umezaki fait partie de la première génération des écrivains d'après-guerre.
" (Wikipedia)

le cerf-volant fou
Illustration de Lorenzo Mattotti (au style si caractéristique).

Le Cerf-volant fou (Kurui-dako, 狂ひ凧, 1963). Traduit du japonais par Jacques Lalloz. Editions du Rocher. 217 pages.
On est dans l'après-guerre. Le narrateur va visiter Eisuke, un ami de longue date. Ils ont la quarantaine tous les deux. Eisuke, un prof, a fait une chute en descendant du bus...
"Le médecin de famille arriva bientôt. C'était un brave homme appréciant la boisson, qu'Eisuke aimait bien car, vous aviez beau être malade, il ne vous imposait aucun interdit catégorique." (page 17).

"- Sans doute n'avez-vous pas absorbé assez de calcium étant enfant.
Eisuke approuva de la tête. Il se remémora cette époque. Effectivement, il en avait peu absorbé. Simultanément, il pensait à Jôsuke."
(page 21).
Jôsuke était son frère jumeau.

"- Quand on est jumeaux, on se partage ce qui vient de la mère, le calcium entre autres choses. Ce qui expliquerait que j'ai les os naturellement fragiles, les muscles peu développés. Vous n'êtes pas de cet avis ?
- Euh, eh bien...
Le médecin sourit. Il devait se dire qu'Eisuke badinait.
- Votre frère aussi présentait la même faiblesse ? Vous venez de dire qu'il était mort...
- Non. Il n'est pas mort de maladie. Et il avait les os plus costauds que moi, il était plus musclé aussi. C'est ce qui me fait dire que ma part en a peut-être été réduite d'autant...
- Je ne pense pas, dit le médecin en replaçant le cliché dans son enveloppe.
" (page 22).
Le lecteur avisé, c'est-à-dire celui qui ne lit pas les quatrièmes de couverture, ne sait pas exactement de quoi est mort le frère.

Parmi les personnages importants du roman se trouve l'oncle, le chef de la famille, qui se débrouille plutôt bien (il est dans le commerce) et en impose, contrairement au père des jumeaux, Fukujirô.

"Diplômé de son obscure école professionnelle, le petit fonctionnaire qu'était Fukujirô était bien placé pour connaître l'importance cruciale que l'établissement d'origine a dans une carrière. Il souhaitait que ses enfants continuent leurs études. Ce désir était certainement plus fort chez les parents d'autrefois que chez ceux d'aujourd'hui. Car un diplôme universitaire, c'était autant dire la garantie d'une réussite immédiate." (page 36).

L'oncle, lui, a de l'argent, mais pas d'enfants...

Au fur et à mesure des rencontres et des discussions entre le narrateur et Eisuke, le lecteur va être plongé dans le passé des deux frères, et reconstituer ce qui est arrivé au mystérieux Jôsuke : l'avant-guerre, puis l'ordre de mobilisation, le départ vers une destination inconnue... C'est la guerre. Et après, la société a changé...

On voit la difficulté à joindre les deux bouts des petites gens de l'immédiate avant-guerre, la montée des idéologies révolutionnaires... l'Histoire est en marche.


Le roman est en partie autobiographique, dit le dictionnaire "Le Japon" (Bouquins, Robert Laffont), et ça se sent : les détails font vrai.
"Le débarras était sombre ; une ampoule nue pendait au plafond. Nul doute non plus que la tension électrique était basse. À cette époque, les ampoules n'avaient pas, comme de nos jours, un cul bien arrondi et lisse, elles se terminaient en véritable aiguille affilée. Cette pointe existe parce qu'on a fait le vide à l'intérieur, avait appris un jour Eisuke par son père. Ce qui faisait que, pour éviter de la heurter du crâne, on l'accrochait bien plus haut qu'il ne fallait. D'où la pénombre qui régnait." (page 61).


Un bon livre, même s'il fait partie de ceux qui s'arrangent pour retarder certaines révélations, accrochant ainsi évidemment plus le lecteur (ce qui n'est valable, une fois de plus, que si on n'a pas lu la quatrième de couverture).


Pour finir, il y a une référence à une petite histoire amusante que j'aime bien, ainsi racontée dans une note par Jacques Lalloz : "Histoire du répertoire comique faisant intervenir le gouverneur d'Edo devenu légendaire pour son intégrité, Ôoka Echizen no kami. Un charpentier perd 3 pièces d'or (ryô), que lui rapporte un plâtrier, mais il refuse de reconnaître qu'elles sont à lui. L'affaire passe devant Echizen no kami qui la règle en ajoutant 1 ryô à la somme et récompense ainsi chacun des deux hommes de 2 ryô. Moralité : « Chacun des trois perd 1 ryô »" (page 69)

 

illusions
Illustration de Lorenzo Mattotti, extraite de Feux (éditions du Seuil, 1997).

- Illusions (Genka ; 1965). Traduit par Jacques Lalloz. Editions du Rocher. 159 pages.

Le roman se déroule dans la première moitié des années 1960. Il commence ainsi, abruptement:
"Gorô redressa le buste et regarda vers la terre, tout en bas.Toujours la même mer de nuages gris cendré, rien d'autre." (page 9).
Nous sommes dans un avion.
"Gorô porta son regard vers le moteur du côté droit.
« Encore à ramper », songea-t-il.
Il « les » avait découverts en train de ramper peu après le départ de l'aéroport d'Ôita. Quelque chose comme des grains ovales qui se déplaçaient peu à peu, du moteur vers l'aile. Il avait observé la chose, qui s'était alors soudain évanouie, tandis qu'une forme identique apparaissait un peu plus loin et commençait à se mouvoir imperceptiblement. Difficile de dire s'il s'agissait des même bestioles ou si c'en était d'autres. « Ou alors, serait-ce une illusion ? » s'inquiéta-t-il.
Cela lui arrivait souvent avant son hospitalisation. Une fourmi se promène sur le mur clair ; il a beau regarder sous tous les angles, c'est bien une fourmi qu'il voit. Il s'approche et tend le doigt pour la retenir, mais ne rencontre que le vide.
" (page 9).
Gorô, un homme de quarante-cinq ans, vient de passer un mois et demi dans un hôpital psychiatrique dont il est parti en douce, sans autorisation et bien sûr sans beaucoup d'argent.
Que lui était-il arrivé ?
"Un jour qu'il jouait au go avec un ami, il s'était tout à coup senti mal. Un malaise indéfinissable." (page 21). De temps à autre, il a une crise. Alors, il se dépêche de retourner chez lui. Un verre de saké froid, et ça va mieux.
"Aussi Gorô buvait-il. Dans son lit, ou devant la télévision. Et il se surprenait à songer à la mort. Non qu'il y réfléchît en termes philosophiques, ni qu'il envisageât de se supprimer. Cela restait dans le champ des simples rêveries." (page 21). Souvent, il se met à fredonner une chanson militaire. Il a fait la guerre.

Dans l'avion, il rencontre un certain Nio, un vendeur de films qui fait le tour des cinémas pour placer des films. Curieux homme, dont on a parfois l'impression qu'il est une émanation de l'esprit de Gorô, quelque chose de symbolique (mais peut-être ne l'est-il pas dès le début ? c'est également possible).
L'avion atterrit dans la préfecture de Kagoshima, au sud du Japon. On va vite se rendre compte que Gorô retourne sur les lieux de son passé, d'un événement qui a eu lieu pendant la Seconde Guerre Mondiale.


Illusions est un curieux roman, au sens pas toujours clair, qui laisse parfois un peu perplexe.

"En 1959, il [Umezaki Haruo] avait été hospitalisé pour névrose : ce sera le point de départ de sa dernière oeuvre Genka (Hallucination [on notera la différence entre cette traduction et celle retenue]), considérée souvent comme la plus importante et écrite en 1965, l'année de sa mort. Ce roman, relativement court, repose sur la question qui était déjà celle de Shijimi : notre responsabilité est-elle vraiment engagée dans le destin d'autrui, et dans quelles limites ? Sont repris également les thèmes de l'incommunicabilité humaine et du suicide. Haruo Umezaki meurt d'une cirrhose du foie le 19 juillet 1965 : il continuait de boire malgré l'interdiction formelle des médecins." (Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, II, nrf Gallimard, page 465).


Egalement disponibles en français :
- De minuscules coquillages (nouvelle faisant partie de l'Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, tome II, Gallimard)

 


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