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COELHO Paulo
(Rio de Janeiro, Brésil, 24/08/1947 -)

 

Paulo Coelho.
Un des auteurs vivants qui a vendu le plus de livres. Il "siège à l'Académie brésilienne de littérature depuis 2002. Il est également chevalier de l'ordre natinal de la Légion d'honneur en France."(source : L'Alchimiste, J'ai lu).
Son plus grand succès est l'Alchimiste.

- L'Alchimiste. (O Alqiumista, 1988, traduit du portugais par Jean Orecchioni). J'ai Lu. 191 pages.
"Comment, tu n'as jamais lu de Marc Lévy ?", m'a-t-on demandé, avec de la pitié dans les yeux et la voix. Ben non. Et je n'avais jamais lu l'Alchimiste non plus. Cela ne me manquait pas spécialement, il y a tellement de livres plus attractifs...
Mais il vient un jour où l'on se dit : "Et si je me trompais ? Et si ce livre, vendu à 65 millions d'exemplaires, était vraiment bien ? Ceci dit, il a peut-être vendu 65 millions d'Alchimiste, mais en tout "seulement" 75 millions de livres, ce qui tendrait à indiquer que les lecteurs de l'Alchimiste n'ont pas forcément eu envie de prolonger la route...
Bref, il faut parfois savoir prendre des risques dans la vie. Tâchons de mettre ces préjugés de côté.

Le début de la préface est assez comique : "Il est important de prévenir que L'Alchimiste est un livre symbolique, à la différence du Pèlerin de Compostelle, qui est un travail descriptif. " (page 15).
Pas possible. Ça commence mal : j'ai un peu l'impression qu'on me prend pour un crétin fini, ça n'est jamais très agréable (même si ça n'est pas toujours faux, bien sûr, on est tous le crétin de quelqu'un).
Plus loin, Paulo écrit qu'il a étudié l'alchimie pendant onze ans, qu'il a rencontré des prétendus alchimistes qui lui demandaient des fortunes pour lui apprendre leur art... Et il s'est rendu compte qu'en fait, tout ça ne fonctionnait pas !
Eh oui, quelqu'un qui demande une fortune pour t'apprendre à transformer le plomb en or, ça ne te met pas la puce à l'oreille, Paulo ?
Ah la la... Et tout de suite, je suis impatient de lire une leçon de sagesse écrite par quelqu'un d'aussi naïf. Il a pris le lecteur pour un crétin en début de préface, mais peut-être n'était-ce finalement que de la gentillesse naïve.
Après, il dit avoir passé les six année suivantes de sa vie "dans une sorte de scepticime à l'égard de tout ce qui était lié au mysique. Dans cet exil spirituel, j'ai appris plusieurs choses importantes : nous acceptons une vérité seulement quand, au préalable, nous l'avons niée du fond de notre âme ; nous ne devons pas fuir notre propre destin ; et la main de Dieu est infiniment généreuse, en dépit de Sa rigueur" (page 16).
Eh oui, les fadaises commencent, c'est une vérité que j'accepte sans l'avoir niée du fond de mon âme (Paulo se trompe donc totalement sur ce point).
Quant à la main de Dieu infiniment généreuse, une image valant toujours mieux qu'un long discours, voici une photo de Kevin Carter (1993 ; il s'est suicidé l'année suivante).

Enfin, ça nous ferait nous enfoncer dans ce grand débat sur Dieu, ce qu'Il peut ou doit faire pour nous, etc. Ce n'est pas le sujet, nous ne sommes pas chez Dostoïesvki, seulement chez notre ami Paulo.

Voyons, où en étions-nous ?
Le livre commence donc par un petit texte datant de 2008, qui explique dans quel état d'esprit se trouvait Paulo lorsqu'il a écrit le livre en 1988. Puis, après une citation de la Bible (Luc, X, 38-42), on a une préface. Et après la préface, un Prologue (on va y arriver).

Le Prologue, c'est en fait le meilleur passage, parce qu'on y trouve l'Alchimiste qui lit du Oscar Wilde. Là, de la part de Coehlo, c'est toujours de la naïveté, mais de la naïveté suicidaire.
Le texte d'Oscar Wilde est un des six poèmes en prose - celui intitulé Le disciple (1893). Plutôt que la version légèrement racourcie par Paulo, voici la traduction du texte original (traduction Albert Savine, domaine public, voir http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Disciple_(Oscar_Wilde)):

" III – Le disciple

Quand Narcisse mourut, la mare de ses délices se changea d’une coupe d’eaux douces en une coupe de larmes salées et les Oréades vinrent, en pleurant, à travers le bois, chanter près de la mare et la consoler.
Et quand elles virent que la mare s’était, de coupe d’eaux douces, transformée en coupe de larmes salées, elles relâchèrent les boucles vertes de leurs cheveux et crièrent à la mare.
Elles disaient :
- Nous ne nous étonnons pas que vous pleuriez aussi sur Narcisse qui était si beau.
- Mais Narcisse était-il si beau? dit la mare.
- Qui pouvait mieux le savoir que vous ? répondirent les Oréades. Il nous a négligées, mais vous il vous a courtisée, et il s’est courbé sur vos bords, et il a laissé reposer ses yeux sur vous et c’est dans le miroir de vos eaux qu’il voulait mirer sa beauté.
Et la mare répondit :
- J’aimais Narcisse parce que, lorsqu’il était courbé sur mes bords et laissait reposer ses yeux sur moi, dans le miroir de ses yeux je voyais se mirer ma propre beauté."

When Narcissus died the pool of his pleasure changed from a cup of sweet waters into a cup of salt tears, and the Oreads came weeping through the woodland that they might sing to the pool and give it comfort.

And when they saw that the pool had changed from a cup of sweet waters into a cup of salt tears, they loosened the green tresses of their hair and cried to the pool and said, 'We do not wonder that you should mourn in this manner for Narcissus, so beautiful was he.'

'But was Narcissus beautiful?' said the pool.

'Who should know that better than you?' answered the Oreads. 'Us did he ever pass by, but you he sought for, and would lie on your banks and look down at you, and in the mirror of your waters he would mirror his own beauty.'

And the pool answered, 'But I loved Narcissus because, as he lay on my banks and looked down at me, in the mirror of his eyes I saw ever my own beauty mirrored.'
La fin est magnifique. Ca, c'est de la littérature !
On notera que le texte est court, et que Paulo n'a pas retenu cette leçon d'Oscar Wilde.
Moi non plus, d'ailleurs.

En effet, l'Alchimiste est (nous apprend wikipedia), "inspiré d'une très courte nouvelle (un petit peu plus d'une page) de Jorge Luis Borges, Le conte des deux rêveurs.
" Le récit intitulé Les deux qui rêvèrent ("Historia de los dos que soñaron", 1934), se trouve dans l'Histoire universelle de l'infamie (voir pages 352-353 du tome I de La Pléiade). Il est vrai que la fin de l'Alchimiste est exactement celle du récit de Borges.
Et cette histoire est elle-même inspirée d'une histoire des Mille et Une Nuits (nuits 351 et 352 dans la numérotation de Burton, apprend-on dans une note).

Bon, revenons à L'Alchimiste. Décidément, il est plus intéressant de parler d'autre chose, mais ceci est quand même une critique de l'Alchimiste, alors allons-y.

"
Santiago, un jeune berger andalou, part à la recherche d'un trésor enfoui au pied des Pyramides.", c'est ce que dit la quatrième de couverture, qui ne se trompe pas.

Les parents de notre héros avaient voulu faire de lui un prêtre, "
motif de fierté pour une humble famille paysanne qui travaillait tout juste pour la nourriture et l'eau, comme ses moutons. Il avait étudié le latin, l'espagnol, la théologie. Mais, depuis sa plus petite enfance, il rêvait de connaître le monde, et c'était là quelque chose de bien plus important que de connaître Dieu ou les péchés des hommes. Un beau soir, en allant voir sa famille, il s'était armé de courage et avait dit à son père qu'il ne voulait pas être curé. Il voulait voyager." (page 30).
Plutôt que de devenir prêtre et de s'occuper de ses ouailles, il devient donc berger et s'occupe de ses moutons.

Notre sémillant héros a fait deux fois le même rêve... Etrange, non ?
Il va voir une vieille femme qui sait interpréter les rêves. Dans son rêve, un enfant le prend par la main et l'emmène jusqu'aux Pyramides d'Egypte. Là, "
le gosse me disait : « Si tu viens jusqu'ici, tu trouveras un trésor caché. » Et, au moment où il allait me montrer l'endroit exact, je me suis réveillé." (page 36).
Voici l'interprétation de la vieille : il faut que notre sémillant héros aille du côté des Pyramides d'Egypte, il y trouvera le trésor. Quelle interprétation remarquable ! Vous trouvez ça crétin ? Notre sémillant héros aussi.
"
Le berger s'en alla, déçu, et bien décidé à ne plus jamais croire aux songes." (page 38).
Heureusement (tadam !), il rencontre un mystérieux vieillard.

Ah, j'oubliais que notre héros est amoureux de la fille d'un commerçant. Il se dit qu'il va tondre des brebis devant elle, que la jeune fille va être subjuguée par ce fascinant spectacle.

Mais revenons à notre trépidant héros. Il rencontre donc un mystérieux vieillard, qui lui dit : "
« Je suis le Roi de Salem »" (page 43).
Mais pourquoi donc un roi bavarde avec un berger ? (là, je fais comme Coelho avec Oscar Wilde, je paraphrase. J'ai bien retenu les leçons du Maître).
"
- Il y a plusieurs raisons à cela. Mais disons que la plus importante est que tu as été capable d'accomplir ta Légende Personnelle. »
Le jeune homme [c'est ainsi que Paulo appelle notre trépidant héros] ne savait pas ce que voulait dire « Légende Personnelle ».
« C'est ce que tu as toujours souhaité faire. Chacun de nous, en sa prime jeunesse, sait quelle est sa Légende Personnelle.
" (page 43). Là, notre trépidant héros se dit qu'il est en train d'apprendre des trucs rudement profonds, et que "la fille du commerçant allait en rester bouche bée." (page 43).
"[...]
car il y a une vérité en ce monde : qui que tu sois et quoi que tu fasses lorsque tu veux vraiment quelque chose, c'est que ce désir est né dans l'Âme de l'Univers. c'est ta mission sur la Terre." (page 44).
On notera qu'il est toujours plus profond de parler d'"Univers" que d'"univers", de "Légende Personnelle" que de "légende personnelle", bref que les Majuscules ça fait Drôlement Profond quand on n'a Rien à dire.
Et là, à cette page 44, on va retrouver une phrase dont notre ami Paulo va se gargariser tout au long du bouquin (et qu'elles sont longues, ces 191 pages !) :
"
« Et, quand tu veux quelque chose, tout l'Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir. »"
Rarement on aura lu une phrase aussi stupide. Ainsi, l'Univers a conspiré avec Staline, Hitler et Pol-Pot (entre autres) à massacrer des millions de personnes... Peut-être alors pourrait-on intenter une action en justice contre l'Univers en tant que personne morale ?
Après cette révélation, et peut-être pour alléger un peu sa portée profonde (il ne faut pas trop stimuler le cortex cérébral du lecteur dès le début), Paulo commence à parler de pop-corn. Je ne sais pas ce qu'il a, notre ami Paulo, mais il semble faire une fixation sur un marchand de pop-corn, qui a une petite carriole, et qui semble faire quelques affaires dans le patelin andalou. Si, si. On néglige trop souvent la passion que les Andalous portent au pop-corn. Passion qui n'a pas échappé à l'oeil perspicace de notre ami Paulo.
On notera particulièrement cette phrase, une Vérité Profonde de l'Univers, sans aucun doute : "
Les gens préfèrent marier leurs filles à des marchands de pop-corn plutôt qu'à des bergers." (page 45).
Ah ! Mon dieu, l'eussé-je su, je ne me serais point fait informaticien, je serais devenu marchand de pop-corn ! Le drame de ma vie !
Enfin, n'oublions pas ce que disait Paulo au début de son pensum : "
Il est important de prévenir que L'Alchimiste est un livre symbolique." Le pop-corn, serait-ce finalement le symbole de la Société de Consommation ? Décidément, on n'a pas fini d'analyser les profondeurs de ce bouquin.

Mais continuons.
"Le jeune homme se prit à envier la liberté du vent, et comprit qu'il pourrait être comme lui. Rien ne l'en empêchait, sinon lui-même.
Les brebis, la fille du commerçant, les champs d'Andalousie, ce n'étaient que les étapes de sa Légende Personnelle.
" (page 49).
A cette époque (mais de quelle époque parle-t-on ? En fait, aucune, ce qui est bien pratique car tous les anachronismes sont justifiés - page 89, il est fait mention de l'esperanto, qui date de la fin des années 1870...), notre trépidant héros n'avait pas vu de Walt Disney, sinon il aurait été familier de sa philosophie au rabais : "follow your heart". La Légende Personnelle ou le coeur de Pocahontas, c'est du pareil au même.
Un peu plus loin, le lecteur se coltine des concepts presque aussi profonds que la "double pensée" orwellienne : "Principe Favorable","La Chance du Débutant"... et des phrases telles que "Parce que la vie veut que tu vives ta Légende Personnelle". (page 50).
Bref, c'est Affligeant.

Comme Paulo ne se fie pas trop à la mémoire de ses lecteurs (on a bien compris qu'il s'adressait au plus grand monde, pardon, au Plus Grand Monde), il fait des résumés, de temps à autre : notre trépidant héros se remémore les événements."« Plus on s'approche de son rêve, plus la Légende Personnelle devient sa véritable raison de vivre. », pensa-t-il." (page 97).

On notera également une phrase pseudo profonde exemplaire :
"« Peut-être Dieu a-t-il créé le désert pour que l'homme puisse se réjouir à la vue des palmiers », pensa-t-il." (page 114).
S'interroger sur la Volonté de Dieu, c'est toujours classe. Rajouter "peut-être", c'est encore mieux : ça fait modeste, et en plus ça implique le lecteur, l'amène à réfléchir, ou à faire semblant de réfléchir. Et ça marche à tous les coups. Essayons pour rire :
"Peut-être Dieu a-t-il créé les fleurs pour faire naître l'Idée de Beau dans le Coeur des Hommes"
"Peut-être Dieu a-t-il créé le cinéma pour divertir le Peuple".
"Peut-être Dieu cache-t-il présentement le Sacré-Coeur devant mes yeux pour me le faire réapparaître plus beau tout à l'heure".
"Peut-être Dieu a-t-il inventé les spaghetti à la sauce tomate pour augmenter le chiffre d'affaires des teinturiers".
"Peut-être Dieu a-t-il inventé les tournesols pour donner de l'huile à l'Homme".
etc.

Parfois, malgré lui, Paulo peut faire réfléchir. Il écrit par exemple : "Et si tu améliores le présent, ce qui viendra ensuite sera également meilleur." (page 130). Asimov, dans son roman La Fin de l'Eternité, a bien montré que, si on y réfléchit un peu, ça n'est pas forcément vrai (comme toutes les phrases à l'emporte-pièce de notre ami Paulo).

"Il n'y a qu'une façon d'apprendre, répondit l'Alchimiste. C'est par l'action. Tout ce que tu avais besoin de savoir, c'est le voyage qui te l'a enseigné." (page 153). Et un peu plus loin, page 155 : "Dieu l'a créé [ce monde] pour que, par l'intermédiaire des choses visibles, les hommes puissent comprendre Ses enseignements spirituels et les merveilles de Sa sagesse. C'est cela que j'appelle l'Action. [...] Tu n'as même pas besoin de comprendre le désert : il suffit de contempler un simple grain de sable, et tu verras en lui toutes les merveilles de la Création.
- Comment dois-je faire pour me plonger au sein du désert ? [c'est notre trépidant héros qui pose la question à l'Alchimiste]
- Ecoute ton coeur. Il connaît toute chose, parce qu'il vient de l'Âme du Monde, et qu'un jour il y retournera.
"
Et voilà, finalement, on y est arrivé, à la Philosophie Disney : Follow your heart ! Ca n'est pas plus compliqué. On touche là au Cliché Ultime.

Ah, on notera au passage que l'histoire de grain de sable est repompée de William Blake (1757-1827) :
"To see a World in a Grain of Sand
And a Heaven in a Wild Flower,
Hold Infinity in the palm of your hand
And Eternity in an hour..." (extrait de Auguries of Innocence).
newton
Newton, par William Blake.

Si on réfléchit deux secondes, on se rend compte, au-delà de l'ineptie totale de la fin du roman, du caractère désagréable de l'idée sous-jacente : il n'est pas besoin d'apprendre quoi que ce soit, l'enseignement ne sert à rien, écoute ton coeur, voyage, ça suffit bien. Les livres ne servent finalement à rien, et penser ne débouche sur rien non plus. Regarde, ne cherche pas à comprendre.
C'est plus que consternant. Est-ce vraiment cela, le message de "sagesse" que véhicule ce livre vendu à 65 millions d'exemplaires ?

Quoi d'autre ? Faut-il encore citer "... aucun coeur n'a jamais souffert alors qu'il était à la poursuite de ses rêves, parce que chaque instant de quête est un instant de rencontre avec Dieu et avec l'Eternité" (page 158). C'est une fois de plus une généralisation d'une rare stupidité.


Il reste une question, insoluble : pourquoi ce livre, très mauvais, mal écrit, beaucoup trop long, qui ne contient pas une seule idée originale, s'est-il autant vendu ?
Et pourquoi ai-je écrit autant de lignes que personne ne lira sur ce mauvais livre ? Pour me défouler ? Oui, sans doute.
Ou alors, parce que j'ai un fond méchant. Ou pas de coeur.



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