Littérature Latino-américaine
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Paulo Coelho. - L'Alchimiste. (O Alqiumista, 1988, traduit du portugais par Jean Orecchioni). J'ai Lu. 191 pages. Le début de la préface est assez comique : "Il est important de prévenir que L'Alchimiste est un livre symbolique, à la différence du Pèlerin de Compostelle, qui est un travail descriptif. " (page 15). Enfin, ça nous ferait nous enfoncer dans ce grand débat sur Dieu, ce qu'Il peut ou doit faire pour nous, etc. Ce n'est pas le sujet, nous ne sommes pas chez Dostoïesvki, seulement chez notre ami Paulo.
On notera que le texte est court, et que Paulo n'a pas retenu cette leçon d'Oscar Wilde. Moi non plus, d'ailleurs. En effet, l'Alchimiste est (nous apprend wikipedia), "inspiré d'une très courte nouvelle (un petit peu plus d'une page) de Jorge Luis Borges, Le conte des deux rêveurs. " Le récit intitulé Les deux qui rêvèrent ("Historia de los dos que soñaron", 1934), se trouve dans l'Histoire universelle de l'infamie (voir pages 352-353 du tome I de La Pléiade). Il est vrai que la fin de l'Alchimiste est exactement celle du récit de Borges. Et cette histoire est elle-même inspirée d'une histoire des Mille et Une Nuits (nuits 351 et 352 dans la numérotation de Burton, apprend-on dans une note). Bon, revenons à L'Alchimiste. Décidément, il est plus intéressant de parler d'autre chose, mais ceci est quand même une critique de l'Alchimiste, alors allons-y. "Santiago, un jeune berger andalou, part à la recherche d'un trésor enfoui au pied des Pyramides.", c'est ce que dit la quatrième de couverture, qui ne se trompe pas. Les parents de notre héros avaient voulu faire de lui un prêtre, "motif de fierté pour une humble famille paysanne qui travaillait tout juste pour la nourriture et l'eau, comme ses moutons. Il avait étudié le latin, l'espagnol, la théologie. Mais, depuis sa plus petite enfance, il rêvait de connaître le monde, et c'était là quelque chose de bien plus important que de connaître Dieu ou les péchés des hommes. Un beau soir, en allant voir sa famille, il s'était armé de courage et avait dit à son père qu'il ne voulait pas être curé. Il voulait voyager." (page 30). Plutôt que de devenir prêtre et de s'occuper de ses ouailles, il devient donc berger et s'occupe de ses moutons. Notre sémillant héros a fait deux fois le même rêve... Etrange, non ? Il va voir une vieille femme qui sait interpréter les rêves. Dans son rêve, un enfant le prend par la main et l'emmène jusqu'aux Pyramides d'Egypte. Là, "le gosse me disait : « Si tu viens jusqu'ici, tu trouveras un trésor caché. » Et, au moment où il allait me montrer l'endroit exact, je me suis réveillé." (page 36). Voici l'interprétation de la vieille : il faut que notre sémillant héros aille du côté des Pyramides d'Egypte, il y trouvera le trésor. Quelle interprétation remarquable ! Vous trouvez ça crétin ? Notre sémillant héros aussi. "Le berger s'en alla, déçu, et bien décidé à ne plus jamais croire aux songes." (page 38). Heureusement (tadam !), il rencontre un mystérieux vieillard. Ah, j'oubliais que notre héros est amoureux de la fille d'un commerçant. Il se dit qu'il va tondre des brebis devant elle, que la jeune fille va être subjuguée par ce fascinant spectacle. Mais revenons à notre trépidant héros. Il rencontre donc un mystérieux vieillard, qui lui dit : "« Je suis le Roi de Salem »" (page 43). Mais pourquoi donc un roi bavarde avec un berger ? (là, je fais comme Coelho avec Oscar Wilde, je paraphrase. J'ai bien retenu les leçons du Maître). "- Il y a plusieurs raisons à cela. Mais disons que la plus importante est que tu as été capable d'accomplir ta Légende Personnelle. » Le jeune homme [c'est ainsi que Paulo appelle notre trépidant héros] ne savait pas ce que voulait dire « Légende Personnelle ». « C'est ce que tu as toujours souhaité faire. Chacun de nous, en sa prime jeunesse, sait quelle est sa Légende Personnelle." (page 43). Là, notre trépidant héros se dit qu'il est en train d'apprendre des trucs rudement profonds, et que "la fille du commerçant allait en rester bouche bée." (page 43). "[...] car il y a une vérité en ce monde : qui que tu sois et quoi que tu fasses lorsque tu veux vraiment quelque chose, c'est que ce désir est né dans l'Âme de l'Univers. c'est ta mission sur la Terre." (page 44). On notera qu'il est toujours plus profond de parler d'"Univers" que d'"univers", de "Légende Personnelle" que de "légende personnelle", bref que les Majuscules ça fait Drôlement Profond quand on n'a Rien à dire. Et là, à cette page 44, on va retrouver une phrase dont notre ami Paulo va se gargariser tout au long du bouquin (et qu'elles sont longues, ces 191 pages !) : "« Et, quand tu veux quelque chose, tout l'Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir. »" Rarement on aura lu une phrase aussi stupide. Ainsi, l'Univers a conspiré avec Staline, Hitler et Pol-Pot (entre autres) à massacrer des millions de personnes... Peut-être alors pourrait-on intenter une action en justice contre l'Univers en tant que personne morale ? Après cette révélation, et peut-être pour alléger un peu sa portée profonde (il ne faut pas trop stimuler le cortex cérébral du lecteur dès le début), Paulo commence à parler de pop-corn. Je ne sais pas ce qu'il a, notre ami Paulo, mais il semble faire une fixation sur un marchand de pop-corn, qui a une petite carriole, et qui semble faire quelques affaires dans le patelin andalou. Si, si. On néglige trop souvent la passion que les Andalous portent au pop-corn. Passion qui n'a pas échappé à l'oeil perspicace de notre ami Paulo. On notera particulièrement cette phrase, une Vérité Profonde de l'Univers, sans aucun doute : "Les gens préfèrent marier leurs filles à des marchands de pop-corn plutôt qu'à des bergers." (page 45). Ah ! Mon dieu, l'eussé-je su, je ne me serais point fait informaticien, je serais devenu marchand de pop-corn ! Le drame de ma vie ! Enfin, n'oublions pas ce que disait Paulo au début de son pensum : "Il est important de prévenir que L'Alchimiste est un livre symbolique." Le pop-corn, serait-ce finalement le symbole de la Société de Consommation ? Décidément, on n'a pas fini d'analyser les profondeurs de ce bouquin. Mais continuons. Parfois, malgré lui, Paulo peut faire réfléchir. Il écrit par exemple : "Et si tu améliores le présent, ce qui viendra ensuite sera également meilleur." (page 130). Asimov, dans son roman La Fin de l'Eternité, a bien montré que, si on y réfléchit un peu, ça n'est pas forcément vrai (comme toutes les phrases à l'emporte-pièce de notre ami Paulo). Si on réfléchit deux secondes, on se rend compte, au-delà de l'ineptie totale de la fin du roman, du caractère désagréable de l'idée sous-jacente : il n'est pas besoin d'apprendre quoi que ce soit, l'enseignement ne sert à rien, écoute ton coeur, voyage, ça suffit bien. Les livres ne servent finalement à rien, et penser ne débouche sur rien non plus. Regarde, ne cherche pas à comprendre.
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