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Hella S. HAASSE
(Bruges, 05/04/1929 - Anvers, 2008)
 

hella s haasse

"Hélène Serafia (Hella S.) Haasse est née le 2 février 1918 à Batavia (anciennes Indes néerlandaises). Sa mère est la pianiste Katherina Diehm-Winzenhöhler et son père Willem Hendrik Haasse, inspecteur des finances au Gouvernement. Hella Haasse a grandi aux Indes néerlandaises, sauf de 1924 à 1928, années où sa mère suivait une cure au Sanatorium néerlandais à Davos, Suisse. Passionnée de lecture et de théâtre, elle écrit à 11 ans son premier roman historique. Pendant ses années de lycée, elle découvre la poésie. En 1938 elle part aux Pays-Bas pour des études de littérature et d'art dramatique à Amsterdam. Elle termine l'école de théâtre en 1943, mais déjà en 1944, année où elle se marie avec Jan van Lelyveld, rédacteur de Propria Cures, elle abandonne cette voie pour se vouer à plein temps à l'écriture, d'abord de la poésie (Stroomversnelling, 1945), des petites pièces de théâtre et des textes de cabaret, mais très vite elle se tourne vers la prose.

Sa nouvelle Oeroeg (1948, titre français : Le Lac noir), écrite pour un concours, lui vaut le premier prix et une renommée nationale. Cette nouvelle se situe en Indonésie. Le thème qui s'en dégage est l'influence réciproque entre colons et colonisés. Oeroeg a été adapté à l'écran en 1993 par Hans Hylkema. Sa jeunesse dans les Indes est une riche source d'inspiration aussi pour d'autres livres. Le roman Heren van de Thee (1992, titre français : Les Seigneurs du thé) a reçu des lecteurs le prix du Meilleur Livre de 1992 et a été en nomination pour le prix européen de littérature. [...]

Elle occupe des postes universitaires prestigieux en obtenant en 1986/1987 une chaire de professeur invitée de littérature à l'université catholique de Brabant à Tilburg ; puis elle est nommée membre d'honneur de l'Académie royale belge de linguistique et de lettres néerlandaises à Gand. Elle devient docteur honoris causa à l'université d'Utrecht en 1988, et en 1991, membre honoraire de la Société des lettres néerlandaises à Leyde." (extraits de la notice de Wikipedia)

les seigneurs du thé
Les Seigneurs du Thé devant l'Hôtel des Indes de La Haye, 05/08/2014.


- Les Seigneurs du thé (Herren van de Thee, 1992). Points. 328 pages. Traduit en 1996 par Anne-Marie de Both-Diez. Présentation de Gérard Meudal.

1869. Rudolf Eduard Kerkhoken, notre jeune héros, est à Delft.
"Devant la fenêtre donnant sur le Brabantse Turfmarkt plongé dans la paix dominicale, il lut la lettre envoyée des Indes. Son père écrivait qu'après de nombreuses formalités compliquées il avait pu prendre à bail pour une durée de vingt ans le terrain sur lequel il voulait installer une exploitation de thé. Il couvrait presque trois cents hectares de terres encore en friche, depuis toujours le terrain de chasse des chefs locaux. Les travaux d'aménagement battaient leur plein ; la plantation avait déjà reçu un nom, Arjasari, ce qui signifiait en sondanais quelque chose comme « Prospérité embaumée »." (pages 25-26).
Rudolf se sent attiré par ce pays à la nature luxuriante.
"Il savait que son propre avenir était aussi là-bas. Dès qu'il aurait terminé ses études à Delft, il ferait ses bagages." (page 26). La traversée prend six mois.
"Java était une constante dans la vie de sa famille. Ses parents s'y étaient installés deux ans plus tôt, après que de nombreux membres de la même souche les y avaient précédés au cours de deux décennies." (page 26)
"Les enfants de ces familles grandissaient dans la pleine conscience que leur réalité s'étendait bien au-delà de l'équateur." (page 27).

Vers le début du livre, il y a des passages intéressants : on assiste à la mise en place d'une plantation, on voit quelles sont les différentes formes d'organisation (par exemple, partager les terres de sorte que la cueillette de chaque parcelle puisse se faire en une journée, ce qui est très astucieux car, étant donné la rapidité de la pousse des feuilles, cela permet de faire la récolter au bon moment - cf page 96).
On accompagne Rudolf, on voit avec lui comment se fabrique le thé : on fait "flétrir" les feuilles, puis :
"Au bout de plusieurs heures, selon le temps qu'il fait, le plus souvent après une nuit, il faut rouler les feuilles ; mes employés le font à la main, quelquefois avec les pieds, mais je n'y tiens pas." (page 83).
Puis vient la fermentation, étape qui dure trois ou quatre jours. "Nous laissons les feuilles de thé roulées fermenter dans des casseroles, au-dessus d'un feu de charbon de bois, cela s'appelle les "faire cuire", puis nous les faisons sécher. Je cultive du souchong, c'est la récolte que les gens préfèrent." (page 84).

On note au passage, à propos des types de thés : "Comme en Chine ou au Japon, les gens d'ici préfèrent pour leur consommation ce que l'on appelle le thé vert." (page 87).
Faut-il se mettre au thé vert ou non ? "Le marché européen ne s'intéresse pas au thé vert" (page 87). C'est sûr qu'il ne se prête pas au nuage de thé britannique.

À la plantation, il y a une scierie pour fabriquer les caisses destinées à contenir le thé.
"Comme tu vois, rien que dans la fabrique, j'ai au moins une centaine d'hommes à l'oeuvre. Il semble qu'il existe aujourd'hui des machines à rouler le thé. Mon assistant est très partisan de l'acquisition d'un tel appareil ; cela économise du temps, bien sûr, et cela signifie aussi une réduction du nombre d'ouvriers.
- C'est donc avantageux ?
- Absolument. Mais notre intention est précisément de procurer du travail à la population. Je ne sais pas encore ce que je vais faire [...]
" (page 84)
Il y a donc une relation intéressante (paternaliste ?) avec les indigènes. Ces Néerlandais veulent introduire de nouveaux procédés agricoles, montrer aux indigènes les avantages qu'ils procurent en terme de rendement, les impliquer en leur confiant un lopin de terre.

La question se pose de savoir s'il faut utiliser des machines ou sauvegarder le travail parmi la population locale. Sujet très intéressant et très important... Et puis on n'en parle plus, comme si ce questionnement n'était plus de mise. Dommage.

martinus johannes hack
Martinus Johannes Hack (1871-1939) : L'Homme et la Machine (1913). Rijksmuseum, Amsterdam. Photo 8 août 2014.
"Cette statue était située à l'entrée des bureaux d'une société qui exportait des machines à des entreprises néerlandaises des anciennes Indes Orientales Néerlandaises. Le Javanais, nu et assis les jambes croisées, symbolise la colonie. Le moteur à diesel moderne dans son giron fait référence aux activités commerciales de la société, de même qu'au progrès que les Pays-Bas espéraient apporter à l'Indonésie." (notice du musée).

L'évolution de la technique est vue avec l'installation du téléphone, l'apparition des voitures. Tout cela améliore la communication, désenclave. Mais quel est l'impact sur les travailleurs indonésiens ? On n'en a pas la moindre idée. Encore une fois : dommage.

Au lieu de s'intéresser à tous ces sujets, le livre se focalise sur le héros, Rudolph Kerkhoven. Il lui faut apprendre à monter à cheval, à tirer, etc. C'est bien rendu, de même que la différence de climat avec les Pays-Bas, le fait que ceux qui retournent au Pays ne s'y sentent plus vraiment chez eux.

Rudolph cherche toujours à bien faire, mais ses bonnes intentions sont systématiquement mal perçues, et prises pour autre chose qu'elles ne sont : on l'accuse de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Le fait est qu'il a quasiment toujours raison avant les autres, mais il est un Cassandre au masculin : personne ne le croit jamais.
Il faut vraiment qu'il puisse prouver ses affirmations par a+b, sans l'ombre d'un doute possible, pour qu'on daigne reconnaître du bout des lèvres et presque à contrecoeur qu'il a raison. Cela arrive une fois : c'est son beau-frère qui admet, après avoir regardé des comptes, qu'il est dans la bonne direction. Sinon, quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, on ne lui fait jamais confiance.
À la longue, c'est un peu pénible. Si encore le roman était raconté à la première personne, on pourrait se dire que Rudolph se ment à lui-même, qu'il se cache les raisons qui font que les gens ne lui font pas confiance.
Ses parents favorisent de façon outrancière son frère cadet, qui peut se la couler douce, mais on ne sait pas pourquoi il y a une telle disparité de traitement. Lui s'en étonne, et nous aussi, mais il ne pose jamais la question à ses parents, il accepte tout - et nous, lecteurs, n'avons pas notre mot à dire.
Autre temps, autre moeurs, sans doute.

Alors, le livre tire en longueur. Puis, quasiment à la fin, Hella S. Haasse met le turbo en décrivant des photos, ce qui laisse la curieuse impression d'un livre bancal.

"Je suis de plus en plus fascinée par les archives et la possibilité qu'elles offrent de savoir exactement ce que pensaient les gens, la manière dont ils s'exprimaient, le fait qu'ils racontent d'eux-mêmes à travers leur correspondance ou un journal intime ce que fut leur propre vie. La récalcitrante comme Les seigneurs du thé sont basés sur des documents authentiques que je livre tels quels, car je trouve bien plus intéressant de donner leur point de vue plutôt que le mien." (voir : http://www.lexpress.fr/culture/livre/l-art-de-conter-d-hella-haasse_807660.html )



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