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Bjørnstjerne Bjørnson

(Kvikne, 08/12/1832 - Paris, 29/04/1910)

bjornson

Romancier, dramaturge, novelliste, journaliste, poète.

"Il a été présenté comme l'un des quatre plus grands écrivains de l'histoire de la littérature norvégienne avec Henrik Ibsen, Jonas Lie et Alexander Kielland par la maison d'éditions Gyldendal. Il a écrit les paroles de l'hymne national de Norvège. Il reçut le prix Nobel de littérature en 1903." (wikipedia).

Bjørnstjerne est fils d'un pasteur, et d'ancienne souche paysanne. Il entre à l'Université d'Oslo, qu'il abandonne pour se consacrer à la littérature.
Il écrit des romans paysans.
A 25 ans, il est directeur du théâtre de Bergen. Quelques années plus tard il possède son propre théâtre à Christiania.
Il voyage longuement en Italie, aux Etats-Unis, en France et en Allemagne, ses opinions nationalistes l'obligeant à rester loin de la Norvège.
Il "prône un retour aux sources nationales et au folklore paysan contre la domination danoise." (Dictionnaire des Auteurs, collection Bouquins).
Puis il se met à écrire des romans et des pièces de théâtre à thèse, sur des sujets d'actualité.
"Son éloquence calme et vigoureuse ne fut pas sans effet dans la solution pacifique du conflit [avec la Suède], et dans la conquête de l'indépendance politique de la Norvège, officiellement sanctionnée par le plébiscite de 1905.
En 1903, Bjørnson reçoit le Prix Nobel de littérature." (Dictionnaire des Auteurs).

Comparé à Ibsen, "il aura obéi plus littéralement aux mots d'ordre de l'heure. C'est un peu aussi pourquoi des pans entiers de son oeuvre se sont effondrés." (Régis Boyer , Dictionnaire des littérature scandinaves, Fayard, page 187).

au-delà

- Au-delà des Forces I et II. Traduit du norvégien et présenté par Eric Eydoux en 2010. Les Belles Lettres. 232 pages.
1/ Au-delà des Forces I (Over evne, I ; 1883). 68 pages.
"Considérée comme la meilleure de Björnson, cette pièce en deux actes est aussi une des grandes réussites des lettres norvégiennes. Drame contemporain tout à fait réaliste, l'oeuvre baigne en même temps dans une atmosphère de mysticisme et d'irréalité qui s'accorde parfaitement avec le cadre envoutant de la Norvège septentrionale." (Eric Eydoux, page 19)
"A un certain moment de sa vie, Bjornson, frappé par les pouvoirs de thaumaturge qu'il avait observé chez un homme du peuple, fut amené à réfléchir sur la nature intrinsèque du miracle et, suivant les recherches cliniques de Charcot et de Richter, il parvint à la conviction que le miracle est le résultat d'une puissance hypnotique." (Dictionnaire des Oeuvres, Au-delà des forces humaines).

C'est essentiellement l'histoire de Klara Sang et de son mari, le pasteur Adolphe Sang.
"La pièce se passe au printemps, dans la maison du pasteur Sang en Norvège du Nord.
"Une pièce misérable aux murs en rondins. [...] Sur le devant de la scène, légèrement décentré vers la droite, un lit placé de façon à ce que le chevet soit dans l'axe de la porte. A côté du lit, une petite table avec des bouteilles et des soucoupes.
"
Klara est malade. Elle parle de son mari à sa soeur, Hanna :
"KLARA - [...] Nous avons des natures si différentes, lui et moi. Encore que ce ne soit pas cela non plus. Si Sang avait été comme d'autres hommes, il aurait donné des ordres, tonitrué, il n'y aurait pas eu de problème, enfin peut-être ! Mais bien avant qu'il ne me connaisse, toute sa force - et de la force il en a, tu peux me croire - il était accaparé par la mission qu'il s'était assignée, elle s'était transformée en amour, en abnégation. Et c'était tellement beau ! Rends-toi compte : jamais dans notre maison, on n'a élevé le ton, jamais il n'y a eu la moindre scène ! Et cela va faire bientôt vingt-cinq ans que nous sommes mariés. Chaque jour, il irradie d'une joie véritablement dominicale. Car pour lui, c'est dimanche toute l'année.
HANNA - Grand Dieu, qu'est-ce que tu peux l'aimer !
KLARA - C'est trop peu dire que je l'aime. Sans lui, je ne suis pas. Et toi qui parles de résister ! Même si parfois j'ai dû m'y résoudre lorsque cela allait bien au-delà de mes forces.
HANNA - Que veux-tu dire par là ?
KLARA - Je te l'expliquerai plus tard. Mais comment résister lorsqu'en face de soi l'on ne trouve que bonté, joie et abnégation au service des autres ? Et de même, comment résister lorsque sa foi d'enfant et son pouvoir surnaturel entraînent tout le monde à sa suite ?
" (page 33-34).

Le pasteur Sang est habité par Dieu, il est pure bonté, pur dévouement, pure croyance. Il élève ses enfants, Elie et Rachel, sans les contrarier. "Jamais de réflexion, uniquement l'inspiration. Arrivés à l'âge adulte, c'est à peine s'ils savaient lire et écrire" (page 41).
Klara est contrainte de les envoyer à l'étranger pour qu'ils puissent rattraper leur retard.
Elie, Rachel et leur mère n'arrivent plus à suivre le pasteur dans sa voie.
Elie est perturbé, car les idéaux proclamés par son père proviennent en fait de plus loin, d'avant le Christ, "par des illuminés".
Le pasteur Sang dit notamment :
"L"amour de Dieu n'est pas un privilège réservé aux croyants. Le privilège des croyants, c'est de sentir son amour, de s'en réjouir et aussi d'oeuvrer en son nom pour que l'impossible devienne possible." (page 59).
Sa femme malade, saura-t-il la guérir ? Ses enfants retrouveront-ils la foi ? Ne cherche-t-il pas à aller "au-delà des forces humaines" ?
C'est une bonne pièce, d'apparence simple (la trame), mais qui ne l'est finalement pas tant que cela (les personnages).
Il y a du mystère, des choses à creuser.

2/ Au-delà des Forces II. 1895. 134 pages.
On suit maintenant les deux enfants, qui ont grandi.
"Cette pièce idéologique est mal construite, elle manque de poésie et les caractères ont des contours assez faibles", dit le Dictionnaire des Oeuvres.
Sans aller jusque là, c'est sûr qu'elle est beaucoup plus bavarde, plus explicite, moins subtile.

La première pièce parlait de religion, la deuxième parle de social (et la social, ça vieillit plusvite que la religion). L'exploitation des ouvriers par ceux qui possèdent les moyens de production. On a de grands discours de riches détestables (même si tous ne le sont pas, dans le livre). Et, de l'autre côté, on a les discours de ceux qui prônent des actions pacifistes, si je puis dire (la grève), et ceux qui prônent des moyens plus radicaux.
"Aucune loi n'interdit de priver les petites gens du soleil et du plaisir de la vie ; car ceux qui ont le soleil sont aussi ceuxqui ont fait la loi. [...] (Tonnerre d'acclamation). Et pour ce faire, il suffira qu'une génération frappe le grand coup qui permettra à toutes les générations futures de jouir de la vie bienfaisante du soleil." (page 120). Car, bien sûr, les riches habitent des maisons au soleil, tandis que les pauvres (qui sont pourtant, par leur travail, à l'origine de la richesse des possédants), sont relégués dans l'obscurité.
Il y a bien sûr du vrai dans tout ça, mais c'est un peu long, et trop explicite et appuyé.
"RACHEL - Dis-moi, Elie, sincèrement, est-ce que tu crois en la grève ?
" (page 156)
Il n'y croit pas. Il croit en des moyens autrement plus expéditifs.

Le frère et la soeur parlent de leur enfance :
"ELIE - [...] Et maintenant, je vais te dire très exactement ce qui de tout cela est seul à survivre : le besoin d'infini." (page 160).
Et plus loin :
"ELIE - Je vais te dire, Rachel : j'ai parfois l'impression d'avoir des ailes. Pas de limite ! Vers l'infini !
RACHEL - Mais, Elie, la mort est l qui fixe des limites.
ELIE, se levant - Non, au-delà de la mort, surtout au-delà.
" (page 161).

La religion, l'amour des autres, la fusion avec la nature, a été remplacée par la lutte sociale, avec plus d'intransigeance, de volonté d'aller au-delà de ce qui se fait habituellement.
"RACHEL - Tu pars déjà ?
ELIE - Il faut que je parte. Mais j'ai l'impression que quelque chose me retient.
RACHEL - Eh bien, reste !
ELIE - Il y a quelque chose que ni toi ni moi n'avons jamais goûté.
RACHEL - N'en parlons pas. Ce qui nous a été donné est plus grand.
ELIE - Même au milieu de ce qu'il y a de plus grand... il y a des moments où nous aspirons à connaître ce qui ne nous a pas été donné.
RACHEL - Des moments de faiblesse...
" (page 165).

Il y a donc de beaux passages... ceux qui rappellent la première pièce. Les discours des patrons, notamment, sont vraiment un peu longs et appuyés. Peut-être sont-ils tout simplement datés, la situation des ouvriers ayant quand même bien changé (heureusement) depuis cette époque.

La première pièce, qui a une vraie profondeur, est donc bien meilleure que la deuxième, qui a du mal à dépasser le cadre d'un problème social de son temps, aussi douloureux soit-il.

Finissons en lisant ce qu'en pense Régis Boyer, dans sa très bonne Histoire des littérature scandinaves (Fayard, page 190) :
"Le pasteur Sang a voulu prêcher un christianisme de sagesse et de bonté : c'est un idéal au-delà des forces humaines. Ses enfants ont apporté le même zèle à la défense des idéaux socialistes [...]. Indépendamment de ces thèmes, il faut admirer la peinture très réussie des oscillations entre foi et doute, entre angoisse et espoir, la force de conviction de l'auteur même lorsqu'il respecte nos errements, et l'art de la mise en scène, tandis qu'un attention comme douloureuse à la qualité humaine de ses héros , alors même qu'il s'agit (dans le seconde volet) de développements sociaux, lutte es classes, confère à ces drames une indéniable grandeur. Une phrase du pasteur Sang résume certainement le propos essentiel de l'auteur : « Il faut que quelqu'un commence à pardonner »"




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