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| Auður Ava Ólafsdóttir
(1958 - )
Auður Ava Ólafsdóttir est unefemme écrivain islandaise. Professeur d'art à l'Université, elle publie son premier roman en 1998 (Upphækkuð jörð - Terre relevée
) et un deuxième roman en 2004 Rigning í nóvember (Pluie de novembre ; Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík).
Son troisième roman, Rosa Candida (2007), gagne des prix et est traduit dans plusieurs langues.
Elle a écrit une pièce de théâtre.
Couverture : David Pearson
- Rosa Candida. 2007. Traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson en 2010. Zulma. 333 pages.
"" (page 11).
Le gentil héros-narrateur est un spécialiste des plantes, un pro du jardinage.
Il va quitter l'Islande pour un pays non précisé, et plus exactement un monastère fameux depuis des siècles pour sa roseraie. "" (page 62).
Il
laisse au pays un gentil père (qui expérimente de gentilles recettes), veuf d'une gentille femme. Et puis il a un gentil frère, pas un demeuré, non, mais plutôt du genre un peu autiste. Il est dans une institution, le gentil frère, mais il revient manger chez papa toutes les semaines.
Le livre dans son ensemble ne fait pas très islandais, je veux dire qu'il ne se déroule quasiment pas en Islande, et le lecteur en mal de dépaysement froid n'en aura pas pour son argent. Par contre, on a une notation intéressante, page 279 :
""
C'est vrai que ce détail si américain, le père qui construit une cabane dans un arbre pour son rejeton, un des pires lieux communs de la culture américaine, paraît quasiment magique dans un pays qui a si peu de vrais arbres (il y a la fameuse blague islandaise : "si tu es perdu dans une forêt, lève-toi").
"" (page 193), lui dit quelqu'un à qui il a montré la photo de sa fille. Parce qu'il a une fille, notre gentil héros. Un petit bout de chou super gentil. J'oubliais de préciser que sa mère est méga-gentille et drôlement sympa.
Pour alimenter un peu l'histoire (il n'y a pas de drame - à part la mort de la mère, mais c'est avant le livre, et ça sert à mettre un petit peu de gravité et d'émotion, et tout le monde est super gentil), on voyage avec notre gentil héros jusque dans le joli monastère qui abrite des gentils moines. Il lui arrive deux ou trois trucs, à notre héros, il rencontre quelques personnes (très sympathiques), et puis on se rend compte que tous les personnages ont un trait original, pour bien les caractériser, et rendre le tout intriguant. Notre héros est un pro des roses, sa fille sera probablement une latiniste distinguée, le père est toujours avec les recettes de sa défunte femme, le frère est ce qu'il faut d'autiste pour intriguer, mais point trop n'en faut. Et puis il y a un moine cinéphile multilingue (il parle 19 langues). Original, non ?
Alors, si on cherche vraiment à gratter le verni de gentillesse, il y a des fêlures, mais elles sont invisibles de la plupart des lecteurs (je ne me vante pas : j'ai l'esprit tordu, et ce n'est pas forcément le cas de tout le monde), il faut lire avec attention. Par exemple, le moine cinéphile, il a l'air normal, comme ça, enfin pour un moine cinéphile, bien sûr. Mais lisons attentivement l'ouvrage. Page 146, on lit : "." (page 146). Et hop, page 20, on peut lire : "" Curieux, non ?
Qu'est-ce à dire ? Peut-être que notre gentil moine a des problèmes liés à l'âge. Mémoire ? Ou pire ? Premiers signes d'une démence cachés sous une grande gentillesse ?
De même, notre héros.
Il a l'air à peu près normal, comme ça. Mais en fait, il semble sexuellement attiré par les plantes. Il est père, bien sûr : il a couché avec une fille, de manière impulsive, dans une serre, donc parmi plein de végétaux. Et après ça, le bébé s'appelle Flóra Sól, quoi de plus normal ! Quand il n'y a pas de plantes à proximité, il a plus de mal avec les filles.
Et on en a la preuve, en lisant attentivement. Page 113 : "Elle avait une belle bouche" (il parle de celle avec qui il a eu une gosse)... ce que l'on comprend mieux page 196 (eh oui, près de 80 pages d'un incroyable suspens : pourquoi la bouche de la fille est-elle belle ?) : c'est qu'elle est en forme de cerise ! Eh oui ! Et ça le fascine tellement, notre héros, qu'il a oublié qu'il lui trouvait une belle bouche 80 pages plus tôt :
"" (page 196).
C'est très étonnant, finalement, tant de profondeur laisse songeur et quasiment harassé.
Pour résumer, serait-on en présence d'un roman subtil sur une perversion peut-être inédite en littérature, le type sexuellement porté sur les plantes ? Ou encore à une vaste métaphore sur l'oubli : les langues qui disparaissent (il y est fait mention à plusieurs reprises), les contradictions d'un bout à l'autre du roman... Tout se tient !
Ou bien tout simplement un gentil et sympathique roman mal relu, ce qui expliquerait les problèmes de cohérence ?
Et un livre un peu léger, parce que l'auteur ne dit pas dans quel pays le monastère est situé, ce qui est bien pratique : aucune recherche à effectuer, pas de documentation à compulser, l'auteur écrit ce qu'elle veut, c'est tellement plus facile ; et puis la cinéphilie du moine se résume à vraiment pas grand chose, Godard et Andreï Roublev, c'est à la portée de n'importe qui : le lecteur qui s'attend à découvrir des pépites du cinéma Tchouktche en sera pour ses frais.
Et pourquoi malgré tous les clichés et tous les câbles, ne puis-je pas dire vraiment du mal de ce bouquin, qui est franchement sympa, une gentille détente qui se lit très vite ?
C'est que ça peut être désarmant, la gentillesse, parfois.
A défaut de roses, et pour finir avec des fleurs, voici des violettes de Dürer :
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