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Hjalmar SÖDERBERG
(Stockholm, 02/07/1869 - Copenhague, 14/10/1941)

hjalmar söderberg

 

 

Romancier, dramaturge, poète et journaliste.
Il devient célèbre avec son roman Egarements (Förvillelser, 1895), qui fait scandale et est taxé de pornographie.

"Né à Stockholm en 1869, donc de vingt ans plus jeune que Strindberg, Hjalmar Sôderberg appartient à cette génération d'écrivains fin de siècle, influencée par le positivisme et le naturalisme, qui s'insurge contre les débordements romantiques.
[...]
Dans son oeuvre, ce n'est pas l'amour qui tue les personnages, mais les personnages qui tuent l'amour. Le véritable tragique - le tragique quotidien - consiste à constater que l'amour est mort, définitivement, irrémédiablement, et qu'il ne laisse après lui que la solitude du coeur [...]" (Maurice Druzy, préface à Gertrud).

Sa pièce Gertrud (1906) a été adaptée par Dreyer en 1964.
Il quitte la Suède et s'installe au Danemark.

Ses oeuvres comportent souvent de la mélancolie et des personnages malheureux en amour.

Il est un des grands écrivains suédois.

 

 

gertrud


- Gertrud. (Gertrud, 1906). Pièce de théâtre traduite du suédois par Vincent Dulac. Préface de Maurice Druzy. Editions Esprit ouvert. 147 pages.

En exergue à la préface se trouve une citation du livre : "« Je crois à la volupté de la chair et à l'irrémédiable solitude de l'âme. »". Acte III, scène 2.

La préface de Maurice Drouzy est très intéressante. Bien sûr, il ne faut la lire qu'après la pièce pour ne pas gâcher son plaisir de lecture et mieux la comprendre.
Il résume et analyse très bien les motivations de chaque personnage ; il met en évidence la structure de la pièce ; il parle également du caractère autobiographique du texte et de la différence avec le film de Dreyer qui, lui, "a pu utiliser les renseignements publiés par Sten Rein et, dans un épilogue, illustrer et confirmer la justesse des intuitions de Söderberg [...]".

Il y a quatre personnages principaux, le pivot étant Gertrud, la femme de Gustav Kanning.

Au début, nous sommes dans le cabinet de travail de Kanning.

"KANNING
Gertrud !
[...] C'est un homme d'une quarantaine d'années. Crâne chauve, yeux clairs et froids, traits réguliers et distingués.
Gertrud apparaît dans le cadre de la porte qui donne entrée dans le salon. Elle est grande et svelte. Sa chevelure est brune et abondante.


GERTRUD
Que veux-tu ?

KANNING
Je voulais seulement te dire bonjour.
" (page 26).

En fait, Kanning a quelque chose à annoncer à sa femme, mais il tourne un peu autour du pot. Ils parlent de choses et d'autres, et en viennent à évoquer un compositeur.
Gertrud, qui s'y connaît en musique - elle était chanteuse classique - dit de lui : "Je suis sûre que c'est un génie." (page 29).
"KANNING
... Les génies forment une race à part. Dieu sait si j'en ai rencontré, mais je n'ai jamais pu les comprendre. On parle avec une certaine irrévérence du bon sens comme d'une chose très ordinaire, une chose qu'ont en commun tous les gens instruits et comme il faut... c'est au contraire la chose la plus rare qui soit - bien plus rare que le génie. Je suis à tu et à toi avec au moins quinze génies, mais c'est à peine si j'en connais un qui ait du bon sens. Si. Un, peut-être. Un, tout au plus.
" (page 30).

C'est à la fois sarcastique, amusant et sans doute pas totalement faux, quoique je ne puisse me prononcer sur le sujet : je ne suis pas sûr d'avoir un entourage aussi débordant de génies que notre ami Kanning.

On apprend tout aussitôt le retour de Gabriel Lidman, un écrivain qui fut l'amant de Gertrud avant qu'elle ne se marie avec Kanning. Il était en Italie pendant des années. Une réception est prévue en son honneur.

"KANNING
[...] Quant à sa liaison avec toi... oui, c'était avant notre rencontre. C'est si loin, à présent. C'est une affaire réglée, finie, une bonne fois pour toutes. C'est ce que tu as toujours dit, et je te crois, sans réserve. En cela comme en tout... en tout.
" (page 34).

Dans le fait même de préciser qu'il la croit en tout, cette insistance, on sent qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Et, plus loin :
"Je cherche ta bouche et tu me donnes ta joue. Et cela fait bientôt un mois que la porte de ta chambre m'est fermée.
Gertrud se tait.
" (page 41)

Kanning intellectualise beaucoup, notamment ses sentiments. Il ne se veut pas jaloux.
Dit-il.
On sent que Gertrud veut lui dire quelque chose, mais elle a du mal. Elle qui, d'habitude, est d'une franchise assez désarmante.

Sur ces entrefaites arrive la mère de Kanning. On parle de choses et d'autres. Il paraît que le vieux poète Harald Vigert, sans doute un ancien amant de Madame Kanning, n'est pas au mieux.
"MADAME KANNING
Ah ! Seigneur Dieu... Harald Vigert. Il n'y a plus personne aujourd'hui pour composer des poèmes comme les siens.

KANNING
Mais ce n'est plus nécessaire, maman, puisqu'ils sont déjà écrits. En revanche, il semble que les jeunes chanteurs d'opéra chantent tout aussi bien qu'avant.

MADAME KANNING
Oh ! ne m'en parle pas ! Il y a une grande différence entre aujourd'hui et hier. Les choses ne sont plus ce qu'elles étaient
." (page 45).

Kanning, qui a un cabinet d'avocats, annonce finalement qu'il va sans doute devenir ministre.
Réaction de sa mère :
"MADAME KANNING
Combien gagnerais-tu ?

KANNING
Douze mille.

MADAME KANNING
Ah ! mais c'est une misère ! C'est moins que tu ne gagnes actuellement. Tu vas refuser, j'imagine.

KANNING
Chère maman, l'intérêt général demande des sacrifices.

MADAME KANNING
N'y pense plus, Gustav, tu n'en retireras que de l'ingratitude.
" (page 47).

C'est souvent spirituel. Il y a des considérations qui restent très pertinentes sur la politique, l'armée, la nécessité d'avoir un ennemi extérieur qui ait une certaine crédibilité (un grand moment de cynisme réaliste), et puis des discussions sur la musique, l'art en général, ainsi ce passage où plusieurs messieurs discutent :
"LE PALE
A propos, es-tu allé à l'Exposition ?

LE GROS
Je ne vais jamais aux expositions. Je ne suis pas fou. On ne peint que des paysages en ce moment. J'en ai par-dessus la tête de ces sempiternels paysages - tout de même, la campagne, on sait de quoi ça a l'air ! Non, moi si j'étais un artiste, je peindrais des femmes nues.

LE PALE
Ça aussi, on sait ce que c'est. Mais si nous prenions un cigare ?
" (pages 74-77).

Ah oui ! Comme l'écrivait Kipling dans un poème, "And a woman is only a woman, but a good Cigar is a Smoke".

Tout ce petit monde n'a plus beaucoup d'illusions.

"LIDMAN
On a fait beaucoup de beaux discours, du reste. Dieu merci, l'art de mentir n'est pas encore oublié dans cette vieille Suède.
" (page 88).

Il y a beaucoup d'humour triste, de phrases bien écrites qui font mouche.

Du côté des indications scéniques, elles sont très précises. A tel point qu'on a même : "LIDMAN, souriant intérieurement" (page 90) ! Il doit falloir un sacré acteur pour que ce sourire intérieur soit perceptible même au dernier rang.

Du côté du texte français, il y a de nombreuses petites fautes d'orthographe ("et" au lieu de "est"...), et il y a même une note fausse (pour ne pas dire une fausse note) : lorsque Gertrud dit qu'elle veut chanter "Ich grolle nicht", une note explique qu'il s'agit d'un "Lied de Schumann, extrait de Frauenliebe und Leben - L'Amour et la vie d'une femme 1840".
Mon exemplaire emprunté à la bibliothèque comporte une note un peu énervée d'un lecteur ou d'une lectrice écrite au stylo : "non mais de la Dichterliebe opus 48 7° Lied".
Eh oui.

"Une lecture superficielle de la pièce pourrait laisser supposer qu'elle est à classer dans la catégorie « théâtre de boulevard ». [...]
Ses contemporains du reste ne s'y sont pas trompés qui, tout de suite, ont compris que Gertrud n'était ni un drame de boulevard ni du sous-Strindberg, mais faisait entendre des harmoniques - et des dissonances - inconnues jusqu'alors. Immédiatement la pièce connaît un immense succès." (préface, pages 8-9)

Succès mérité, la pièce est excellente.

 


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