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UNDSET Sigrid

(Kalundborg, 20/05/1882- Lillehammer, 10/06/1949)
undset

(photo de Eivind Enger, Kristiania, 1905)

Bien que née au Danemark, Sigid Udset est une écrivaine norvégienne, sa famille s'étant installée en Norvège alors qu'elle avait deux ans.

Ses romans les plus célèbres sont Jenny, et surtout Kristin Lavransdatter.
Elle s'est convertie au catholicisme en 1924 et a obtenu le prix Nobel de littérature en 1928.

age heureux

- L'Age heureux, suivi de Simonsen (Den by Kehge Older, Simonsen, nouvelles traduites par V.Vinde, G.Sautreau et J.Jouquey). Bibliothèque Cosmopolite Stock. 142 pages.
Le titre de la première nouvelle, L'Age heureux, dépeint les espérances de jeunes filles qui débutent dans la vie, et leur confrontation à la réalité... et à ses désillusions. Ces jeunes filles ont des rêves, des espérances, des ambitions...

Uni rêve de devenir actrice de théâtre. En attendant, elle joue le rôle - si l'on peut dire - de gouvernante dans la famille. Elle rencontre Dagmar, une ancienne amie de collège qui vient de se marier à Christophe, un capitaine de bateau, et l'invite à passer chez elle ; Dagmar dit à Uni :
"« Donne des leçons de musique. Ecoute, un vrai talent arrive à percer, malgré toutes les difficultés. Et puis il n'y a pas que ta voix, tu joues merveilleusement bien et tu es si belle. Quel avenir, ma chérie.
»
Dagmar versait du porto et parlait toujours...
« On serait bien ensemble, tu viendrais souvent ici ; puis tu te marierais avec un ami de Christophe, tu aurais une belle maison, tu recevrais toute la belle société. Non, Uni, dit Dagmar en croisant les jambes, la vie n'est pas si mauvaise qu'on le dit. »
" (page 18).

Le temps passe... combien, on ne le sait pas, Sigrid Undset ne donne pas d'indication sur les années qui défilent...

Charlotte, une amie, se rêve écrivaine. Mais elle doute d'elle-même. "Je suis lasse de tout" (page 38), dit-elle à Uni.
"« C'est bizarre, je ne peux plus écrire !
- Ne pourrais-tu écrire sur toi-même ?
- Je voudrais parler de la ville. De toutes ces ruelles au visage indifférent où nous logeons, nous, modestes travailleurs. Ces rues sales et humides, aux trottoirs usés, bordées d'immeubles aux logements minuscules et de pauvres boutiques : le marchand de couleurs, le magasin de jouets avec des poupées en celluloïd, des nécessaires à ouvrage, des panoplies ridicules et des colliers de perles de verre que les petits gosses se partagent imaginairement. Je pense à tous ces pauvres petits désirs qui ont couvé les misérables objets de dix sous exposés dans les vitrines...
" (page 38).

Et plus loin :
"Je pourrais écrire ce livre sur toi, sur moi-même, sur n'importe qui de nous, employées de bureau. Nous avons un travail dont nous vivons, mais nous ne pouvons pas vivre pour ce travail. Il n'y a pas d'enjeu, ni gain ni perte, rien qui fasse vibrer nos nerfs, ni au bureau, ni au magasin, ni à l'école. Toi, tu veux faire du théâtre, moi je veux écrire, et les autres... Je les connais, toutes ces jeunes filles ; elles n'ont pas d'histoire, mais une suite d'histoires : une chambre dans une pension, un camarade dont elles font connaissance, qui leur donne des rendez-vous, qui sort avec elles. Puis cet homme disparaît - il y a eu une discussion, peut-être demeure-t-il maintenant dans un autre quartier et cet éloignement a rompu les relations, peut-être même est-il mort ! - alors une nouvelle chambre, un nouveau flirt pour lequel on s'habille, auquel on rêve... Et nous désirons toutes la même chose, peu importe la manière dont nous l'aurons.
« Vivre ne serait-ce qu'un seul instant, mais vivre de tout notre être une vie intérieure, une vie où nos yeux ne regarderaient plus dans le brouillard qui nous entoure, mais en dedans de nous-mêmes, dans notre coeur plein de désirs.
»" (pages 39-40).

Encore plus loin, alors qu'on est en septembre :
"Je ne peux supporter cette clarté qui me ronge. Ces nuits claires, on devrait les vivre toutes, car après c'est la Saint-Jean et tout s'éteint, nous entrons dans la nuit. Les feuilles jaunissent et la pluie les enlève... Noël... On sent bientôt de dimanche en dimanche, par la lumière, par l'air moins vif, que le printemps approche. De nouvelles feuilles, à nouveau des nuits claires... seulement nous avons un an de plus. Et le temps s'écoule au-dessus de nous et nous restons comme des cadavres sous l'eau, nous ne vivons pas.
- Evidemment, tu peux ne pas être contente de ta situation actuelle, Charlotte, mais il y en a qui sont plus à plaindre que toi. »
Charlotte esquissa un sourire distrait.
« Ce serait une consolation s'il n'y en avait pas de plus malheureux. »
" (pages 54-55).

Uni passe des auditions. Elle se sent différente des autres jeunes filles qu'elle connaît :
"Parce qu'ils n'avaient pas les mêmes idées qu'elle, qu'ils ne bâtissaient pas de châteaux en Espagne, elle méprisait également ses camarades de bureau et au fond d'elle-même se sentait vexée d'être obligée d'y travailler." (page 43).

Christian, le fiancé d'Uni, rêve lui aussi d'ailleurs : "Je voudrais partir pour l'Amérique." (page 43). Uni lui dit alors :
"-Mais, mon Dieu, as-tu oublié ce que Lars a enduré ; pendant plus d'un an il a souffert de la faim à Chicago...
- Je sais, mais c'est cela qui me tente, coucher sous les ponts, affamé, rêver de toi, m'éveiller et faire le tour de la ville pour chercher du travail comme une bête sauvage va à la chasse dans la forêt vierge.
" (page 44).

A une amie dont le fiancé vient de rompre :
"Uni aurait voulu l'embrasser, la consoler, mais que dire ? Que c'était inutile de pleurer, que cet homme n'en valait pas la peine, que, jeune, la vie s'ouvrait devant elle, que bonne comme elle était elle méritait tout le bonheur imaginable ? Non, cela n'était pas vrai, être bonne ne sert à rien qu'à souffrir..." (page 85).


Comme on le voit, une nouvelle pas très rigolote...


La deuxième nouvelle, Simonsen, n'est pas très rose non plus.
Ce Simonsen est "petit, presque sans cou, le visage gros et boursouflé avec des yeux pleins d'eau, renfoncés et cachés sous les paupières, des joues couperosées et un petit bout de nez bleuâtre au-dessus d'une moustache hérissée, d'un gris jaune." (page 100).
Il est veuf, a un grand fils (qui a une position sociale supérieure à la sienne), et vit avec Olga, une femme déjà mère d'un garçon, et dont il a une petite fille.
Il va de boulot en boulot, se faisant renvoyer à chaque fois, mais pensant toujours que c'est la faute des autres. Il recourt à son fils pour trouver un autre emploi.

Olga, elle, est à la tête d'un petit atelier de couture qu'elle tâche de maintenir à flots, vaille que vaille, malgré les dettes.

Simonsen drague les jeunes femmes qui viennent dans l'atelier faire des essayages :
"« - C'est étonnant comme cette couleur vous sied, mademoiselle Hellum... mais tout sied aux belles, comme on dit...
- Voulez-vous vous taire ! » fit Mlle Hellum en riant.
Jolie fille, cette demoiselle Hellum. Olga échancrait le col... l'autre courbait la nuque et se trémoussait un peu, car les ciseaux froids la chatouillaient... Elle avait une jolie nuque potelée où les cheveux blonds frisés descendaient très bas... et des bras ronds et souples.
« C'est cher, ça, je pense », dit Simonsen, et il tâta la soie... et le bras pendant qu'Olga allait chercher la manche.
« Fi donc ! Simonsen », dit Mlle Hellum en riant.
Olga avait l'air furieuse... elle le poussa de côté et enfila la manche.
" (pages 107-108).

Noël approche, Simonsen s'est encore fait renvoyer... Il se fait vieux, il est de plus en plus difficile pour lui de retrouver du travail.
Il va devoir faire des compromis...

Poids de la société, problèmes financiers, désespoir.
"Un instant la lumière fut sur le point de jaillir dans son esprit, de lui faire voir comme c'était triste. Ce fut une brûlure dans le reste de coeur que la vie avait laissé à Simonsen. [...] Mais il écarta ces pensées.
[...]
Il s'essuya les yeux. Il devait y avoir quelqu'un de plus grand qui décidait de ces choses. Il fallait bien se consoler avec cette pensée qu'il devait y avoir quelqu'un de plus grand qui en décidait.
" (pages 141-142).

Voilà.
Vous qui lisez peut-être ces lignes, vous êtes heureux, vous trouvez le monde formidable ? Lisez donc ces deux nouvelles, et on en reparlera... Il faudra prescrire un bon petit Riel ou un Paasilina pour remonter le moral !



Autres livres traduits en français :
- Vigdis la Farouche (1909)
- Jenny (1911)
- Printemps (1914)
- Christine Lavransdatter (1920-1922, paru en un volume, édition intégrale - 04/2007... 1176 pages, Editions Stock)


Au cinéma :
- Selma Brøter (1970), téléfilm réalisé par Per Bronken
- Jenny (1982), série réalisé également par Per Bronken, avec Liv Ullman

- Kristin Lavransdatter
, réalisé par Liv Ullman, la photo étant assurée par Sven Nykvist (qui a travaillé sur Persona, Fanny et Alexandre, Sonate d'Automne... de Bergman, mais aussi le Sacrifice, de Tarkovski... et avec Polanski, Louis Malle...)

Sigrid Undset a son portrait sur un billet de 500 couronnes norvégiennes :

500



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