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Vsevolod Garchine

(Ukraine, 14/02/1855 - Saint Petersbourg, 05/04/1888)

vsevolod garchine    garchine

Iya Repine : deux portraits de Vsevolod Garchine. A gauche : portrait de 1884 (metropolitan Museum of Art, New York). A droite : portrait de 1883 (Galerie Tretiakov)
"c'est ausssi l'époque de son amitié avec Répine, le grand peintre russe qui fit de lui deux portraits et l'utilisa comme modèle pour son tableau monumental où l'on voit Ivan le Terrible réalisant qu'il vient de tuer son fils (posé par Vsevolod) après lui avoir troué la tête avec un bâton ferré, dans un accès de colère." (Jean Gillès, Préface à La Fleur Rouge, Actes Sud, page 21).


ivan le terrible

Ivan le Terrible et son fils le 16 novembre 1581 (Galerie Tretiakov, Moscou).

"Vsevolod Garchine naît à Priyatnaïa Dolina, dans la province de Ekaterinoslav (actuellement Dnipropetrovsk, en Ukraine), d'un père officier1 et de la fille d'un propriétaire terrien. Ses ancêtres appartenaient à la noblesse tatare. Ses parents divorcent et sa mère l'emmène en 1863 à Saint-Petersbourg, où il fréquente le lycée de 1864 à 1874. Il s'inscrit ensuite à l'École des Mines, mais ne parvient pas à obtenir le diplôme d'ingénieur.

Durant la Guerre russo-turque de 1877-1878, le pacifiste Garchine se porte volontaire comme simple soldat dans l'infanterie. Il est apprécié dans son unité, aussi bien de ses camarades que des officiers. Il est blessé dans une bataille en Bulgarie et restera durablement marqué psychologiquement par la guerre.

Ses expériences militaires lui fournissent la base de ses premières nouvelles, dont la toute première, Quatre jours (en russe : Четыре дня), œuvre forte inspirée d'un incident réel. Le récit se présente comme le monologue intérieur d'un soldat blessé et laissé pour mort sur le champ de bataille pendant quatre jours, face à face avec le cadavre d'un soldat turc qu'il vient de tuer. La profonde empathie de Garchine pour tous les êtres apparaît déjà clairement dans cette histoire.

Garchine épouse une femme médecin, Nadejda Mikhaïlovna, et trouve une place de secrétaire à l'Administration des Chemins de fer ; ses publications ne lui suffisent en effet pas pour vivre.

En dépit de succès littéraires précoces, Garchine est tourmenté périodiquement par des accès de maladie mentale.

Le 31 mars 1888, à l'âge de 33 ans, en état de profonde dépression, il se suicide en sautant dans l'escalier de l'immeuble pétersbourgeois, où il habitait au cinquième étage. Il meurt de ses blessures le 5 avril 1888. Il est enterré à la Passerelle des écrivains du cimetière Volkovo de Saint-Pétersbourg.
" (Wikipedia)

 

fleur rouge
En couverture : Georgia O'Keeffe : Pavots d'Orient (détail), 1928, Minneapolis, Minnesota Universty Art Museum.

- La Fleur Rouge. Récits traduits du russe en 1990 par Jean Gillès. Actes Sud. 156 pages.

Une intéressante préface de Jean Gillès traite de la vie difficile de Garchine.
Il cite un biographe de l'auteur qui a écrit : "Son désir de vérité et de justice, de rapports véritablement humains entre les êtres, se heurtait continuellement à la réalité terrible et douloureuse du mensonge, de l'oppression et de l'inhumanité - et tout ce dont était trop plein le monde mal fait dans lequel vivait Garchine." (page 23)

Garchine s'est mis à douter de l'écriture. "Du reste à la même époque, tous les artistes russes, Tolstoï en tête, connaissaient une phase analogue de désenchantement, de perte de foi en la littérature. Rappelons que Nekrassov avait déclaré préférer le fromage à Pouchkine. Et Pisarev trouvait une paire de bottes - et donc n'importe quel cordonnier - plus utile que Shakespeare." (page 24)

Puis viennent 4 récits, qui représentent environ un quart de son oeuvre (nous dit la quatrième de couverture).

1/ La Fleur rouge (1883). 28 pages.
"Sa nouvelle la plus connue et la plus caractéristique est La Fleur rouge (Krasnyï Tsvetok), la première d'une longue série d'œuvres en rapport avec des asiles d'aliénés dans la littérature russe (la suivante par ordre chronologique est celle de Tchekhov, Salle no 6)." (Wikipedia)
Un homme est conduit dans un hôpital psychiatrique. Il a quelques moments de lucidité mais qui ne durent pas.
Le voici devant son docteur :
"- Pourquoi me dévisagez-vous de la sorte ? Vous n'arriverez pas à lire ce qu'il y a dans mon esprit, continua le malade, et moi je lis clairement en vous ! Pourquoi faites-vous le mal ? Pourquoi avez-vous rassemblé ici cette foule de malheureux et les retenez-vous ? Moi ça m'est égal : je comprends tout et je reste serein ; mais eux ? A quoi bon toutes ces souffrances ? Quand un homme a compris qu'il possède une grande idée, une idée essentielle, alors peu lui importe où il habite et ce qu'il ressent. Et même continuer de vivre ou non...
Mes sens se sont affinés, mon cerveau fonctionne mieux que jamais. Je sais instantanément, par intuition, ce que je ne pouvais connaître auparavant que par un long travail de suppositions et de déductions. J'ai vraiment atteint ce que la philosophie élabore. J'ai pu vérifier en moi-même la grande théorie qui affirme que le temps et l'espace ne sont que des fictions. Je vis dans toutes les époques.
" (pages 37-38)

"Il pouvait lire dans les pensées des autres ; il lisait dans chaque objet toute son histoire ; les grands ormes du parc lui racontaient toutes sortes de légendes des temps anciens." (pages 41-42).

Mais voici une révélation :
"Son attention était captivée par une fleur d'un ton écarlate extraordinairement vif, une sorte de pavot." (page 39)

Il voit, dans le jardin de l'hôpital, trois fleurs de pavot qui concentrent le mal du monde. La mission de notre malade - et il l'a acceptée, au péril de sa vie - est d'arracher ces fleurs. Ainsi, il sauvera la monde du mal.

Une bonne nouvelle. Honnêtement, je m'attendais à un texte peu plus fort encore. Mais quand même, avec le recul, il en reste quelque chose. C'est la meilleure du recueil.


2/ Un poltron (1879). 37 pages.
"La guerre ne me laisse décidément pas en repos. Je vois clairement qu'elle va traîner, mais il est très difficile de prédire quand elle prendra fin." (page 59).
Les journaux parlent des morts de la guerre. "Cinquante tués, cent mutilés, c'est ce qu'on appelle des pertes insignifiantes ! Alors pourquoi est-ce que nous sommes si choqués lorsque les journaux nous apprennent un meurtre qui n'a fait que deux ou trois victimes ? Pourquoi la vue des cadavres criblés de balles sur le champ de bataille ne provoque pas en nous une horreur aussi forte que l'intérieur d'une maison où il y a eu vol et assassinat ?" (page 60). Le narrateur, pacifiste, fera-t-il jouer ses relations pour échapper à la guerre ? (Il s'agit du conflit contre les Turcs). Des amis à lui, étudiants, se préparent à y aller, voire se portent volontaires.

Il y a dans cette nouvelle une petite part d'autobiographie. "En tant qu'étudiant et membre de la classe instruite, Garchine aurait pu facilement se dispenser d'aller à la guerre. La mobilisation forcée, c'était pour les moujiks (plus de quatre-vingt pour cent de la population). Mais il se porte volontaire. Il a vingt-deux ans. Il veut être aux côtés de son peuple pour partager ses souffrances." (Jean Gillès, préface, page 15)
Une bonne nouvelle.


3/ Une Rencontre (1879). 33 pages.
Vassili Petrovitch, le personnage principal de l'histoire, débarque dans une ville de province pour être professeur de lycée. Il est foncièrement honnête. Il va gagner sa vie petitement dans cette ville où il ne connaît personne, et quand il aura mis assez d'argent de côté, sa fiancée viendra le rejoindre.
Mais ne voilà-t-il pas qu'il rencontre un ami d'école, perdu de vue depuis des années !
Cet ami a fait d'autres choix de vie que les siens, à l'opposée de l'honnêteé de Vassili. L'exploitation du "système" semble bien tentant...
Pas mal du tout.


4/ Le Signal (1887). 16 pages.
"Sémione Ivanov était garde-voie aux chemins de fer. D'un côté douze verstes séparaient sn porte de la gare et de l'autre il y en avait dix. [...]
Sémione Ivanov était un homme malade et usé. Neuf ans auparavant il avait été à la guerre : il avait servi d'ordonnance à un officier et avait fait toute la campagne avec lu.
" (page 135).
Il va faire la connaissance d'un autre garde-voie qui sera victime d'une injustice.
Pas mauvais, mais il s'agit de la nouvelle la moins bonne du recueil.

Les nouvelles du recueil présentent généralement des combats entre le bien et le mal, mais les victoires du bien ne servent finalement à rien. Le cas le plus évident est la lutte du fou pour arracher des fleurs (qui repousseront sans doute...).


Le livre s'achève par un texte de Michel Niqueux, Une poétique de la lucidité.
Garchine ne fait pas de fioriture dans son style, il est très précis :
"Dans un article de 1909 K. Tchoukovski interprète cette minutie "arithmétique comme une "citadelle", une "barricade" contre la folie, que Garchine reconnaissait et redoutait plus que la mort (par laquelle il voulut la fuir)." (page 155).

"A la veille de sa mort, Tourgueniev reconnut en Garchine son "héritier". Avec Korolenko et Tchekhov (dont la Salle n°6 et Le Moine noir sont à rapprocher de La Fleur rouge, il allait assurer la relève de la littérature russe. Sa mort bouleversa toute la Russie cultivée. A sa mémoire, Tchekhov écrivit un récit, La Crise (ou Une attaque de nerfs, Pripadok, 1888), où il mit en scène "un jeune homme de la pâte de Garchine", sensible à toue le mal de l'humanité." (page 156).



Un bon recueil, qui permet de découvrir un auteur intéressant.

 

A noter que l'on peut trouver le texte de La Fleur Rouge, en traduction anonyme parue en 1884, sur : http://fr.wikisource.org/wiki/La_Fleur_rouge_(Garchine)

 


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