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MULLER Herta
(Nitzkydorf, Roumanie, 17/08/1953 - )
Herta Müller est une femme écrivain née en Roumanie et appartenant à la minorité allemande.
Elle est enseignante, et appartient à un groupe d'intellectuels roumains germanophones surveillés par la Securitate.
Elle a des problèmes avec la censure ; son deuxième roman, Niederungen, paraît en édition non censurée en Allemagne.
En 1987, elle émigre en Allemagne avec son mari, Richard Wagner (un écrivain, pas un compositeur, bien sûr).
Elle obtient le Prix Nobel de Littérature en 2009.
Ses thèmes de prédilections sont la dictature, l'injustice, la Roumanie.
- L'Homme est un grand faisan sur terre. (Der Mensch ist ein grosser Fasan auf der Welt, 1986). Traduit en 1988 par Nicole Barry. 124 pages.
Plus qu'un roman, il s'agit d'une sorte de récit déstructuré.
Les phrases sont globalement très courtes.
Le livre commence ainsi :
"" (page 9).
Windisch, meunier de son état, va au moulin et y rencontre le veilleur de nuit.
"" (page 12).
Wouah.
Ça en jette... mais qu'est ce que cela veut dire ?
Sur wikipedia, on peut lire :
"En comparant les deux langues, elle relève qu'un concept simple, comme une étoile filante peut être interprétée de façon différente.", ce qui est explicité sur un autre site, celui du Nouvel Observateur :
"Ce titre est emprunté à un dicton roumain et reflète la double culture de l'écrivain : en Allemagne, le faisan évoque l'orgueil et la présomption. En Roumanie, au contraire, c'est un oiseau en fuite qui ne sait pas voler et qui se cache dans les broussailles, un perdant...".
Le lecteur en est donc réduit à chercher sur internet, car le livre ne présente aucune note, et même pas d'explication un peu pertinente ou intéressante en quatrième de couverture (qui parle de "pasteur", alors qu'il s'agit d'un "curé" dans l'histoire).
Pour peu que l'on ne sache pas que l'auteure est d'origine roumaine, on n'aurait aucun moyen, pendant plusieurs dizaines de pages, de savoir que le texte se passe en Roumanie.
Mais revenons au livre lui-même. Le texte est plein de superstitions. Par exemple :
"" (page 14).
"Depuis que le meunier Windisch veut émigrer, il voit la fin partout dans le village", nous dit la quatrième de couverture.
Le lecteur n'en sait rien, qui ne peut pas savoir si Windisch ne voyait pas déjà la fin partout, auparavant (avant de vouloir à toute force obtenir un passeport ; en gros, c'est ça, l'histoire, ou plutôt la trame).
Toujours est-il qu'il n'est pas très net dans sa tête :
"" (pages 21-22).
Un peu plus loin, c'est encore pire, d'une certaine façon : " " (page 24).
Parfois, c'est vraiment bien écrit dans sa simplicité :
"" (page 41).
D'autres passages laissent le lecteur perplexe. Par exemple : "La mère du menuisier a respiré le parfum du dahlia. Elle a humé très longuement l'odeur des pétales blancs. Elle a inhalé leurs senteurs." (page 17).
C'est étonnant. Souvenons-nous des Poèmes saturniens de Verlaine, et plus particulièrement de Un Dahlia :
"
".
Ben oui. Un dahlia, ça ne sent rien. Qu'est-ce à dire ? Herta Müller peut-elle l'ignorer ? Est-ce signifiant ? Sans doute, en tout cas, le lecteur l'espère vivement. Mais il suffit qu'il s'imagine de la profondeur pour qu'elle soit là, non ?
On notera, parmi les échos autobiographiques, que la femme de Windisch "est restée cinq ans en Russie" (page 99), comme la mère de l'auteure, déportée au Goulag en Sibérie. C'est l'occasion d'un beau passage (si l'on peut dire), très sobre, sur la survie.
C'est un texte pas toujours agréable à lire (mais un livre doit-il être agréable ? certes non), parfois très beau, mais très fragmenté, tordu, obscur (et parfois avec des facilités, les gens d'Eglise étant, ici comme souvent, des obsédés - je ne dis pas que ça n'existe pas en vrai, mais dans certains romans, c'est systématique, à la limite du cliché).
Les parties sont, je crois, meilleures que l'ensemble, en tout cas pour un lecteur français à qui il manque de nombreuses clefs qu'il aurait été très utile d'avoir. Les notes, parfois, ça peut servir à quelque chose, et ce texte en manque cruellement.
Ce n'est sans doute pas le livre par lequel aborder l'oeuvre de Herta Müller, encore que ce soit le seul que j'ai lu d'elle.
On pourra lire le discours donné par Herta Müller lors de la réception du Nobel le 7 décembre 2009. Il est disponible en Français (ainsi qu'en Anglais, Allemand, Espagnol et Suédois) sur : http://nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/2009/muller-lecture_fr.html
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