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PEKIC Borislav

(Podgorica, Monténégro, 04/02/1930 - Londres, 02/07/1992)

borislav pekic


Borislav Pekic (Podgorica, Monténégro, 4 février 1930 - Londres, 2 juillet 1992) était un écrivain serbe. Il est né en 1930 dans une famille aisée du Monténégro, alors membre du Royaume de Yougoslavie. De 1945 jusqu'à son départ pour Londres en 1971, il a vécu à Belgrade. Il est considéré comme l'un des plus importants écrivains serbes du 20e siècle.
(merci http://fr.wikipedia.org/wiki/Borislav_Pekic).

Son oeuvre majeure est la Toison d'Or (7 tomes).

l'homme qui mangeait la mort

- L'homme qui mangeait la mort (Covec koji je jeo smrt, traduit du serbo-croate par Mireille Robin). Agone. 2005. 73 pages.

Le livre raconte la vie de Jean-Louis Popier, greffier du Tribunal révolutionnaire. Nous sommes en France, pendant la Révolution. C'est même la Terreur.
Le narrateur, comme celui de Un Amant vétilleux (d'Alberto Manguel), déduit toute une vie à partir de données lacunaires.
Jean-Louis Popier passait inaperçu. On trouverait toutefois sa trace sur un croquis de David…

"Il est des gens dont la vie n'est qu'un rond dans l'eau. On ne les voit pas, on ne les entend pas, ils sont irréels, leurs pas ne s'impriment pas dans le désert de sable de l'humanité." (page 9).
"Si vous me demandez pourquoi j'ai décidé d'évoquer Jean-Louis Popier comme s'il avait bel et bien existé alors que je n'en ai pas de preuves, ou qu'elles sont, si j'en ai, si confuses et si contradictoires qu'on ne saurait s'en contenter, je vous répondrai que rien ne prouve non plus qu'il n'a pas existé ou que, si de telles preuves existent, elles sont tout aussi confuses et contradictoires, bref, insuffisantes." (page 12).

Bref, voici Jean-Louis Popier, greffier :
"Comme on peut le constater d'après une reconnaissance de dette jointe à la pièce n°3, Popier avait une écriture qui répondait tout à fait aux exigences de la Révolution : d'une angulosité puritaine, d'une clarté romaine, d'une lisibilité patriotique, sans aucune de ces fioritures susceptibles de rappeler les chartes royalistes. Toute en formes stéréométriques et en angles aigus, elle rappelait les églises gothiques et la pique des sans-culottes, au bout de laquelle on avait promené la tête de la princesse de Lamballe, lors des massacres de septembre, et celle du gouverneur Delaunay, le jour de la prise de la Bastille." (page 17)
"Son travail était simple. Il enregistrait les sentences qui tombaient et les transmettait à un autre fonctionnaire qui dressait la liste des personnes à exécuter." (page 18 ).
La sentence est remise au juge de service, qui assiste à l'appel des condamnés, puis "Lorsque les têtes roulaient dans la paille sous la guillotine, que les condamnés "éternuaient dans le sac", il transformait sur-le-champ, d'une signature, leur condamnation en acte de décès." (page 18 ).

Pour être précis, le travail de Popier consistait à inscrire "l'état civil des condamnés, sans entrer dans les détails afin d'accorder plus de place au contenu de l'acte d'accusation. Il lui fallait fournir un effort intellectuel considérable pour résumer les crimes contre-révolutionnaires, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la Révolution s'affirmait.[…]
Heureusement, la procédure fut simplifiée. Il aurait pu autrement arriver que la Convention, suivant ses principes humanistes, supprimât la peine de mort pour les condamnés à venir et ne fît plus guillotiner que ceux qui l'étaient déjà. La loi du 22 prairial 1794 supprima le droit à la défense. Celle-ci fut proclamée dénoter un manque de confiance contre-révolutionnaire envers le tribunal populaire. Pour prouver le caractère entier de la Vertu, on interdit toute sentence autre que la peine de mort ou l'acquittement.
" (pages 19-20).

Dans ce contexte, un jour que Popier mange à son bureau (il y a tellement de travail qu'il a à peine le temps de manger… ce qui tombe plutôt bien, car le temps est plutôt à la disette), le bruit court soudain que l'Incorruptible arrive… "Popier n'eut pas le temps de songer à l'invraisemblance de cette visite, il saisit un papier sur son bureau, en enveloppa les restes de son repas et les glissa dans sa poche puis, ayant pris la première condamnation de la pile de ce jour, il se pencha sur son registre." (pages 30-31).
Ainsi, il a sauvé une vie malgré lui… Plus tard, il perfectionnera la système en avalant petit bout par petit bout une condamnation… Mais qui choisir ? Sur quel critère ?
Comment ne pas se faire remarquer ? Comment vaincre sa peur ?
Et pourquoi sauver des gens ?

"Nous pouvons encore moins supposer qu'il avait lu Jean-Jacques Rousseau et appris de lui que les hommes sont bons par nature, incapables d'inventer la guillotine, qu'ils n'ont été conduits à pareille invention que par le mode de vie perverti qu'on les contraint d'adopter.
Toutes les suppositions sont donc permises, mais aucune ne saurait suffire à expliquer comment un modeste greffier vêtu d'une jaquette noire élimée a pu, dans l'antichambre de l'abominable Tribunal révolutionnaire où il était entouré de gens vivant dans la méfiance, le soupçon et la peur – sentiments indissociables de la vigilance révolutionnaire -, alors qu'il était lui-même paralysé par l'angoisse, oser dévorer les condamnations, s'opposant ainsi, de son propre chef, à la volonté souveraine du peuple, au cours naturel de la justice révolutionnaire et aux décisions de plus forts et plus sages que lui.
" (page 39).

Beaucoup d'humour dans ce petit livre.
On ne peut évidemment manquer de faire de nombreux parallèles (notamment le jargon) avec certaines dictatures qui ont sévi il n'y a pas bien longtemps....



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