PHOTOS ---> Le Japon au fil des saisons au Musée Cernuschi. (27 septembre 2014)
Exposition du 19/09/2014 au 11/01/2015.
"A une époque où les problèmes environnementaux sont au centre des préoccupations, cette exposition se propose de montrer les liens affectifs et profonds qui unissent les Japonais à la Nature. C’est au travers de 60 peintures sur papier et sur soie qu'est suggérée l’essence de leur culture: Figurant des végétaux, des animaux et des paysages dont les thèmes sont liés à une saison ou à un mois de l’année, ces œuvres témoignent toutes de cette sensibilité et réceptivité particulières des Japonais face à la Nature.
Les représentations naturelles (fleurs, oiseaux, paysages) ne sont pas dans la culture japonaise de simples motifs décoratifs, mais sont toujours associées à une symbolique établie par les poètes depuis le VIIIe siècle. Cette codification littéraire fut, par la suite, reprise par les peintres et artistes japonais. A l'époque d'Edo, les artistes enrichissent cette iconographie en y adjoignant des thèmes d'origine chinoise.
[...]
Sont exposées les œuvres des artistes des mouvements sinisants du Nanga, réalistes de Maruyama-Shijō et décoratifs de Rimpa, sur des supports différents : rouleaux verticaux, horizontaux et paravents." ( http://www.cernuschi.paris.fr/fr/expositions/le-japon-au-fil-des-saisons : à noter que dans la partie "Espace presse" de cette page, il est possible de télécharger plusieurs pdf et notamment le dossier de presse, qui contient les textes explicatifs que l'on peut lire lors de la visite).
Les oeuvres présentées font partie de la collection Robert et Betsy Feinberg.
Vidéo de présentation :
Le Japon au fil des saisons | Musée Cernuschi par paris_musees
On verra :
1/ le courant
Nanga (mouvement sinisant)
2/ l’école Maruyama-Shijo (mouvement réaliste)
3/ les courants picturaux influencés par Maruyama Ōkyo
4/ le courant pictural Rinpa (mouvement décoratif)
5/ le courant Nihonga
Chaque courant est présenté par un texte explicatif.
Les "points techniques sur la peinture" sont eux aussi explicités :
Mais, de façon générale il manque des explications concernant les oeuvres en particulier. L'avantage, c'est que les visiteurs ne s'attroupent pas pour lire, mais on sent qu'on perd beaucoup de choses (la symbolique...). Et, certes, un certain nombre d'oeuvres sont commentées dans le petit fascicule fourni. Mais, très souvent, on sent que ce n'est pas suffisant.
Bien sûr, une fois l'expo vue, on pourra acheter l'intéressant catalogue de l'exposition....
Tout d'abord, quelques mots sur la nature et les saisons dans la peinture japonaise.
1/ On commence par le courant Nanga (ou Bunjin-gan, voir Wikipedia).
Il s'agit d'une peinture fortement influencée par la Chine.
"A la différence de la Chine, où les lettrés constituent une classe sociale définie par sa capacité à administrer l’empire, les peintres japonais sont issus de classes variées, fils de marchand, de médecin, de pharmacien, de samurai qui vivent de la vente de leurs œuvres." (concernant la peinture chinoise, on pourra lire également l'article Peinture de lettrés sur Wikipedia).
Yamamoto Baiitsu (1783-1856) :
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Vues d'Arashimaya au printemps et du mont Takao en automne. 1832. Paire de paravents à six feuilles. Couleurs et feuilles d'or sur papier :
- Fleurs et insectes du printemps et de l'été.
On peut passer un bon moment à chercher toutes les petites bêtes : insectes, escargot... et araignée.
A titre de comparaison, voici une autre araignée (non présente à l'exposition), oeuvre de Maruyama Oshin (1790-1838) : Araignée au bout de son fil. Encre sur papier. The Ruth and Sherman Lee Institute of Japanese Art at the Clark Center.
Nabayashi Chikutō (1776-1853) :
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Fleurs et oiseaux des quatre saisons : l'hiver.
- Fleurs des quatre saisons : automne.
Ike no Taiga (1723-1776) :
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Bambous dans la tourmente.
Rouleau vertical (kakemono), encre et lavis bleu sur papier. 129,9 x 46,6 cm
- Lettré dans un ermitage de montagne regardant les bourgeons printaniers (1771). Rouleau vertical (kakemono). Encre et couleurs légères sur papier.
Okamoto Shūki (vers 1807-1862) :
Aigrettes et martin-pêcheur parmi les lotus.
Rouleau vertical (kakemono), encre et couleurs sur soie.
120 x 49,4 cm
Okuhara Seiko (1837-1913) : Lotus en automne (1872). Poème autographe : « Mon esquif glissant joyeusement sur l'eau, je remets le retour à plus tard. La lune est suspendue dans le ciel parfumé de lotus à des lieues à la ronde. »
Tani Bunchō (1763-1840) :
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Le Mont Fuji (1802). Peinture en largeur (yokomono) montée en rouleau vertical (kakemono), encre sur papier. 94 x 170,6 cm.
- Lune claire par une nuit d’automne (1817).
Peinture en largeur (yokomono) montée en rouleau vertical (kakemono), encre sur soie. 82,8 x 168 cm.
2/ L'école Maruyama Shijo (voir Wikipedia).
"Ōkyo apporte les volumes, la perspective linéaire et les ombrages nécessaires à traduire l’ambiance caractéristique de cette nature. Par ailleurs, son travail est marqué par le style coloré de la peinture chinoise de fleurs et oiseaux de l’époque Ming, importé par les peintres Shen Nanpin (présent à Nagasaki entre 1731 et 1733) et Song Jiyuan (en 1758). Ce réalisme allié à un goût décoratif attire les riches marchands de Kyōto et propulse Ōkyo au premier rang de la scène artistique."
Maruyama Ōkyo (1733-1795) : Paon et pivoines (1768). Encre et couleurs, lavis d'or sur soie.
Matsumura Goshun (1752-1811) : Pruniers en fleurs dans la brume et dans la neige
"Les idées et techniques enseignées par Maruyama Ōkyo à ses nombreux élèves ont un impact considérable sur la constitution de nouveaux ateliers qui se tournent vers la recherche d’un réalisme pictural allié à un goût décoratif prononcé. À la fin du XVIIIe siècle, ces écoles picturales répondent aux besoins d’une clientèle nouvellement enrichie de citadins et de marchands, mais se mettent également au service de temples. N’étant pas enfermées dans les règles strictes des écoles officielles Kanō et Tosa, elles connaissent un engouement remarquable, tant sur la scène artistique de Kyōto, la capitale impériale, qu’à Edo (actuelle Tōkyō), la capitale shogunale."
Plusieurs écoles apparaissent : l'école Mori, fondée par Mori Sosen, artiste qui adopte le réalisme d’Ōkyo", et qui s'intéresse notamment aux singes ; l'école Kishi, fondée par Gankun (et qui comprend également son fils, Gantai). "Son style éclectique associe le courant réaliste de l’école Shijō à des éléments picturaux chinois dans un pinceau vigoureux. Les thèmes animaliers, en particulier les oiseaux et les tigres, sont prédominants"
Mori Sosen (1747- 1821) : Singes dans les pins devant une cascade
Ganku (1749 ou 1756-1838) :
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Oiseaux sur une branche sous la neige. Encre sur soie.
- Aigle perché devant une cascade (esquisse préparatoire). Vers 1837-1838. Encre et couleurs sur papiers joints. A droite, gros plan sur le "petit oiseau apeuré, tentant de fuir le redoutable prédateur" (catalogue, page 94).
A titre de comparaison (oeuvre non présente à l'exposition), voici une peinture sur papier de Hokusai (1760-1849) : Aigle sur un rocher dans une tempête de neige (1847).
Il semble que les aigles étaient rares au Japon.
"Sa présence aurait été signalée pendant l'hiver 1847, à Kazusa, et il aurait été capturé quelques mois plus tard à Sunamura; Hokusai reçut alors la commande d'exécuter un « portrait » de cet aigle et aurait ainsi eu tout le loisir de l'observer, de l'examiner, afin de traduire avec une extrême justesse le plumage, les pattes, le bec et même le « comportement » de l'animal. Le sens très particulier qu'avait Hokusai de la vie rend perceptible le plumage de l'oiseau, ébouriffé pour lutter contre le froid, et la mollesse glacée de la neige sous ses serres." (Nelly Delay, Soleil Rouge, Chefs-d'oeuvre de la peinture japonaise, page 104). Ce genre d'histoire - la difficulté qu'avaient les artistes à voir en vrai certains animaux - fait penser au Rhinocéros de Dürer.
Gantai (1782-1865) : Cacatoès sur une branche d’érable en automne.
Rouleau vertical (kakemono), encre et couleurs sur soie.
104,5 x 37,7 cm
Nagasawa Rosetsu (1754-1799) : Perroquet et sa cour. Encre et couleurs sur soie.
4/ Le courant pictural Rinpa (voir Wikipedia), "qui se définit par des formes épurées mises en valeur par des couleurs vives et des compositions d'une grande lisibilité [...]. Les oeuvres Rinpa sont parfois considérées comme décoratives. [...] L'art Rinpa couvre toute l'époque d'Edo (1615-1868), voire au-delà, certains peintres au XX° siècle se considérant comme leurs successeurs. Surtout, il a attiré l'attention des Occidentaux dès l'ouverture du Japon à l'Occident, à la fin du XIX° siècle, et a joué un rôle non négligeable dans la définition du japonisme." (catalogue, page 47) :
Tawaraya Sōri (actif vers 1764-1780) : Erables en automne. Paravent à six feuilles, encre et couleurs sur un fond de feuilles d’or
sur papier 68,7 x 211,2 cm
Suzuki Kiitsu (1796-1858) :
Grues.
Paire de paravents à deux feuilles, encre, couleurs, fond de couleur dorée sur papier.
Chaque paravent : 175 x 164,8 cm
Sakai Hōitsu (1761-1828) :
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Trois mejiro sur un arbre à kakis. Inscription par Kameda Ryôrai (1778-1853) :
« Le vent du soir souffle, apportant la pluie jusqu'à mon ermitage sylvestre
Les feuilles du kaki, soulevées par le vent, tournoient et rougissent ;
Dessus, je trace un poème
La Xiao et la Xiang [s'écoulent] à l'infini,
[emportant] mon esprit vers les fleuves et les océans
Un vase à vin et une perche se font face, [ils me ravissent]
Ryôrai Shi le pêcheur. »
- les 12 peintures des « Fleurs et oiseaux des 12 mois »,
Voici le dixième mois (lilas de Perse ou arbre à chapelets ; geai)...
... et le douzième mois : prunier (ume) et ardisia (yabukôji) ; moineaux. On notera particulièrement la neige, rendue grâce à des taches de peinture :
5/ Le courant Nihonga (voir Wikipedia) :
"La restauration impériale de Meiji (1868) met fin à l'époque d'Edo (1615-1868) et à l'isolement du Japon. Le pays, souhaitant entrer sur la scène internationale, décide alors de se moderniser en adoptant les techniques et les sciences occidentales. La peinture n’échappe pas à ces transformations et le terme Nihonga («peinture japonaise») est utilisé pour désigner la peinture japonaise à partir de l’époque Meiji (1868-1912). Il ne peut se comprendre qu’en opposition au terme Yōga («peinture occidentale»)."
Mochizuki Gyokusen (1834-1913) : Lune au fil des saisons
Il faut deviner où se trouvent les différentes saisons... ça n'est pas toujours évident. La petite brochure n'en parle pas.
"Le quatriptyque présenté ici figure les phases de la lune ; en parallèle, la végétation discrète qui se déploie sur les encadrements illustre le passage des saisons. C'est là une des originalités de cette oeuvre : les pièces de tissu servant de montage au kakemono et qui, habituellement, sont réalisées en brocart de soie, sont recouvertes d'un décor en lien direct avec le sujet de l'image centrale." (catalogue de l'exposition, page 140).
Le coucou (sur la deuxième oeuvre à partir de la droite) désigne l'été. La pleine lune (deuxième oeuvre à partir de la gauche) représente l'automne, ce que savent les amateurs de haïkus : "La lune, sauf indication complémentaire, est un mot de saison de l'automne, parce que la tradition a considéré qu'à cette époque elle se laisse plus agréablement contempler." (Bashô, Issa, Shiki, L'Art du Haïku, textes présentés par Vincent Brochard et Pascale Senk, Le Livre de Poche, pages 113-114)
Watanabe Seitei (1851-1918) :
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Prêles et libellules :
Kôno Bairei (1844-1895) : Oies sauvages sous la lune d'automne (1893).
Suzuki Shōnen (1849-1918) : Lune dans les nuages.
Rouleau vertical (kakemono), encre, couleurs et or sur soie.
122,4 x 67,6 cm.
Après cette belle et intéressante exposition, on pourra prolonger avec le catalogue de l'exposition, mais aussi avec Soleil Rouge, Chefs-d'oeuvre de la peinture japonaise, de Nelly Delay, qui offre un panorama plus complet, pas limité par les oeuvres d'une collection :
Couverture : Sakai Hoitsu, Erables au printemps et en automne, détail. Collection privée, Osaka.
Faisons maintenant un tout petit tour dans les collections permanentes.
Voici une oeuvre impressionnante : le bouddha Amida (Amitâbha), en provenance du Japon. 4 mètres de hauteur. (voir : http://www.cernuschi.paris.fr/fr/collections/bouddha-amida-amitabha ).
- Cheval dansant. Terre cuite. Dynastie des Tang (618-907) :
- Oreiller. Grès à décor de pie. XII° - début XIII° siècle. Dynastie des Jin.
- Tête de sage taoïste (contemplant un visiteur). Grès. VIII° siècle. Dynastie des Tang (618-907).
Passons au contemporain.
Ado Oda (né en 1947) : Kobako (coffret). Grès à décor de bambous. Japon, Shigaraki, 2011. Don de l'artiste.
Yuriko Matsuda (née en 1943) : Arrosoir. Porcelaine. Emaux polychromes sur couverte. Japon, Yamanashi, 2012. Don de l'artiste.
C'est fini !