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John Fante
(Denver, Colorado, 08/04/1909
- Los Angeles, Californie, 08/05/1983)


john fante

"Fils d'immigrants italien, John Fante naît au Colorado, États-Unis, en 1909, au sein d'une famille croyante et conservatrice. Son enfance de gamin des rues turbulent se fera au sein d'une école jésuite, où Fante découvrira douloureusement le besoin de liberté, la sexualité, et l'écriture. Il commence à écrire très tôt et, si on en croit ses romans autobiographiques, se montre comme un enfant particulièrement sensible, enflammé, charismatique et avide de la beauté du monde.

À 20 ans, il se rend à Los Angeles (en 1929) où il travaille dans une conserverie de poisson (évoqué dans La Route de Los Angeles). Avide de littérature, le jeune homme se nourrit spirituellement avec Knut Hamsun, Dostoïevski, Nietzsche, Jack London et Sinclair Lewis, et fait ses premières gammes en écriture.
Ses premières nouvelles attireront l'attention du célèbre H. L. Mencken, rédacteur en chef de la prestigieuse revue littéraire The American Mercury, qui publiera régulièrement, dès 1932, la prose du jeune Fante (sa première nouvelle est publiée alors qu'il a 26 ans, mais il se fait passer pour plus jeune, par orgueil et goût de la mise en scène de son propre talent) [...].

En 1933, son roman La Route de Los Angeles est refusé car jugé trop cru et trop provocant (malgré une correction de son ébauche vers 1936, le roman ne sera publié qu'en 1986, après sa mort).
Son premier roman, Bandini, parait en 1938. Largement autobiographique, on y suit les pérégrinations du jeune Arturo Bandini, fils d'immigrés italiens, habile rhéteur, manipulateur, joueur et jouisseur, chercher une place au soleil à partir de son Colorado natal. L'œuvre est habile, élégante, montre un Bandini/Fante sûr de lui et de sa folie, bien en adéquation avec la personnalité de Fante : menteur, joueur, il n'a pas hésité ici, et comme il ne cessera de le faire, de travestir la réalité, pour lui donner plus de substance, plus de goût, plus de puissance. [...]

Bandini constitue le premier quart d'un cycle autobiographique constitué de La Route de Los Angeles, Demande à la poussière, et beaucoup plus tardivement de Rêves de Bunker Hill.
L'autre cycle de Fante, Molise, comprend Les Compagnons de la grappe et Mon chien Stupide.

À l'époque de Demande à la poussière (publié en 1939), Fante est encore un gamin torturé et impulsif, qui s'est installé dans un petit hôtel tenu comme une pension de famille par une dame patronnesse. Fante vit alors seul, envoie de l'argent à sa mère dès que tombe un cachet de l'American Mercury, prophétise le monde, est sans cesse tendu entre deux abîmes : les femmes et la littérature." (Wikipedia).

Puis, il épouse une étudiante fortunée en 1937, publie son plus grand succès commercial, Pleins de vie (Full of Life, 1952), qui lui permet d'acheter une maison à Malibu. Dans la foulée, il devient scénariste pour Hollywood.
Mais il tombe dans un oubli littéraire relatif, d'où il sera tiré par Charles Bukowski, qui fait rééditer Demande à la Poussière à la fin des années 70 : le grand public le redécouvre. Fante est alors aveugle et cul-de-jatte, à cause du diabète.
Il a quatre enfants, dont l'écrivain Dan Fante. Il décède en 1983.

 

la route de Los Angeles

Photographié à Old Plaza, Los Angeles, le 25/06/2012.

- La Route de Los Angeles (The Road to Los Angeles). Traduit de l'anglais en 1987 par Bruce Matthieussent. 260 pages. Domaine Etranger 10/18.
Le roman commence ainsi :
"J'ai dû faire de nombreux boulots dans le port de Los Angeles parce que ma famille était pauvre et que mon père était mort. Peu après la fin du lycée, j'ai commencé comme terrassier. Le soir j'avais tellement mal au dos que je ne parvenais pas à dormir. Nous creusions un trou dans un terrain vague, il n'y avait pas d'ombre, le soleil tapait droit sur nous d'un ciel sans nuages, et j'étais au fond du trou à creuser avec deux malabars qui adoraient ça ; ils riaient et plaisantaient sans arrêt, ils riaient et fumaient du tabac fort." (page 9).
Logiquement, le narrateur, Arturo Bandini, change de boulot. "Ensuite j'ai été plongeur. Chaque jour je regardais par un trou de la fenêtre, j'apercevais d'immuables tas d'ordures survolés par des mouches vrombissantes, je ressemblais à une ménagère au-dessus de sa pile d'assiettes sales, mes mains se révoltaient quand je les voyais barboter dans l'eau bleuâtre comme des poissons morts." (page 10).

Il trouve alors un boulot dans une épicerie. Un jour que les clients affluent, le type qui s'occupe de l'épicerie ne parvient pas à trouver notre héros, qui se trouve alors aux toilettes : "Je lisais Nietzsche, j'apprenais par coeur un long passage sur la volupté. [...]
« Mannaggia Jesu Christi ! » il a beuglé. « Sors de là ! »
" (page 13).
Bien sûr, il se fait virer.

Bandini lit des textes qui le dépassent, mais qu'importe : il fait un gros complexe de supériorité. "J'ai trouvé qu'il avait l'air d'un crétin. Avait-il lu Spengler ? Savait-il que l'Occident déclinait ? Que faisait-il pour empêcher la catastrophe? Rien ! C'était un ignare, un demeuré. Qu'il aille se faire voir." (page 17).
Même quand il parle avec sa mère : " « Il est parfaitement évident que tu souffres d'un complexe de fixation. »
Elle a blêmi.
« D'un quoi ? »
« Laisse tomber », j'ai fait. « Inutile de discuter avec les rustres, les culs-terreux et les imbéciles. L'homme intelligent choisit avec discernement ses auditeurs. »
" (page 23).
(on remarque une parenté avec un dialogue signé Michel Audiard : "Je ne parle pas aux cons, ça les instruit.")
Quant à sa soeur bigote : "Elle regardait ma mère de haut. Elle était plus intelligente que ma mère, mais, mais selon moi jamais elle n'approcherait l'intelligence subtile de mon propre esprit." (page 29)

Arturo Bandini cherche à épater avec des grands mots et de grandes phrases ampoulées.
Puis, un jour, c'est la révélation. Il va casser la graine Chez Jim, et pendant qu'il mange, Jim lui parle.
" « Tu lis tout le temps », il m'a dit. « T'as jamais essayé d'écrire un livre ? »
Ça a fait tilt. Dès cet instant, j'ai voulu devenir écrivain. « J'en écris un en ce moment », j'ai dit.
Il a voulu savoir quel genre de livre.
« Ma prose n'est pas à vendre », j'ai répondu. « J'écris pour la postérité. »
« J'ignorais ça», il a fait. « T'écris quoi ? Des nouvelles ? Ou de la fiction pure ? »
« Les deux. J'suis ambidextre.»
« Oh. J'ignorais ça aussi. »
Je me suis dirigé vers les rayons pour acheter un crayon et un calepin. Il voulait savoir ce que j'écrivais actuellement.
« Rien. Je prends seulement des notes pour un ouvrage à venir sur le commerce extérieur. Curieusement, ce sujet m'intéresse. Une sorte de violon d'Ingres. »
Quand je suis parti, il me regardait bouche bée.
" (pages 40-41).

Il y a de nombreuses scène très drôles. Par exemple, lorsqu'il massacre des crabes ("J'étais le Dictateur Bandini, l'Homme de Fer au Pays des Crabes", page 48), et que le passage se transforme en pages délirantes de combats, de putsch, etc.
C'est une scène particulièrement édifiante : Bandini veut qu'on le mette sur un piédestale, qu'on le supplie, mais lui, sans pitié car totalement conscient de sa supériorité, ne fera de cadeau à personne. Son courage, ses exploits - ou plus exactement la réalisation de ses envies de violence et d'écrasement - ont toujours lieu dans ses fantasmes, ou bien contre des animaux sans défense. Là, il est toujours très fort.

Et, comme Ignatius Reilly, le héros de La Conjuration des imbéciles (de John Kennedy Toole), à qui il fait très souvent penser (mépris des autres, utilisation de mots compliqués mal compris), les raisins sont trop verts dès qu'on lui refuse un travail : "Je n'accepterais pas le moindre boulot dans cette usine, même si l'on me l'offrait sur un plateau !" (pages 68-69).
On trouve un peu le même type d'humour dans ces deux livres. Et tous les deux, refusés par les éditeurs, n'ont été publiés que bien des décennies après leur écriture. Mais Ignatius va plus loin : il est grotesque, ce que Bandini n'est pas : il finit toujours par se confronter au réel, même s'il fait mine de l'ignorer en continuant ses affabulations.

A condition qu'on s'intéresse à ce drôle d'anti-héros vantard, prétentieux et affabulateur - et, curieusement, presque en dépit de la logique, il est intéressant ! - , La Route de Los Angeles donne vraiment envie de poursuivre les aventures de Bandini.

 

 

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