Littérature Francophone
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"Éric Faye est un journaliste de l'agence de presse Reuters.
Il publie sa première fiction, Le Général Solitude, une nouvelle, dans la revue Le Serpent à Plumes en 1992. Trois ans plus tard, il a développé cette nouvelle en un premier roman, éponyme. (merci Wikipedia) - Nagasaki. (2010). 108 pages. Stock. Grand Prix du roman de l'Académie française 2010. Le livre commence par une citation de Pascal Quignard : "On raconte que les bambous de même souche fleurissent à même date, meurent à même date, si éloignés que soient les lieux où ils ont été plantés dans le monde". Dès le début, on sait que le livre que l'on a entre les mains relève de la Littérature. "Il faut imaginer un quinquagénaire déçu de l'être si tôt et si fort, domicilié à la lisière de Nagasaki dans son pavillon d'un faubourg aux rues en chute libre. Et voyez ces serpents d'asphalte mou qui rampent vers le haut des monts, jusqu'à ce que toute cette écume urbaine de tôles, toiles, tuiles et je ne sais quoi encore cesse au pied d'une muraille de bambous désordonnés, de guingois. C'est là que j'habite. Qui ? Sans vouloir exagérer, je ne suis pas grand-chose." (page 11). Notre héros est un célibataire quinquagénaire qui travaille dans un service météorologique. Il a une vie banale, bien réglée... Et on le lit avec plus d'attention encore, car dans un livre écrit par un auteur non japonais mettant en scène des Japonais, on cherche la petite bête, le détail qui dénoncerait le gaijin... En fait de détails, certains sont curieux. Et puis, d'autres détails apparaissent : le mot "gobelin" (page 55), est sans doute peu connu des Japonais ; à la même page, on parle d'Herculanum... Est-ce une ville bien connue au Japon ? Tellement peu, semble-t-il, que le narrateur parle de "gaz asphyxiants" (page 55), ce qui est bien sûr assez idiot, car les gaz étaient avant tout brûlants, tuant en cramant bien avant d'avoir le temps de tuer par asphyxie... Sans compter que Herculanum a été recouvert d'une coulée de boue brûlante (contrairement à Pompéi, je crois, qui a été surtout recouvert de pierres et de cendres). Enfin, je chipote. Et je peux difficilement reprocher d'un côté de trop connaître la culture européenne, et de l'autre de ne pas assez la connaître. Tout ce flou est vraiment étrange. Est-ce fait exprès, pour exprimer quelque chose du flou des connaissances et de la vie du narrateur ? Dans le roman, une autre personne, qui a fait quelques études à l'université mais sans grand succès, parle spontanément de Troie, de fil d'Ariane... Tout cela sent quand même l'écrivain occidental (ou bien les cours portaient-ils sur la civilisation occidentale). Et puis, dans une lettre écrite par une personne qui, est-il précisé, "n'aime guère écrire, et, pour tout dire, l'a rarement fait", on lit : "Non que j'attendisse d'eux un quelconque salut [...]" (page 102)... Argh, l'imparfait du subjonctif... C'est le problème de ces textes qui veulent faire littéraire : ils vont jusqu'à nuire à la vraisemblance. Une lettre écrite dans un roman qui se veut bien écrit n'a pas nécessairement à être aussi bien écrite que le reste du livre ! Malgré l'intrusion (anecdotique) de l'Armée rouge japonaise, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe (pour tenter d'apporter une dimension autre au texte ?), et malgré tous les détails un tout petit peu agaçants et artificiels, Nagasaki est vite lu et franchement intéressant (particulièrement ce qui est dit dans la première partie, et ce qui n'est pas dit dans la deuxième) ; mais ce qui fascine, c'est finalement la part d'histoire vraie là-dedans. En tout cas, on s'interroge sur la différence culturelle entre le Japon et, mettons, la France, différence qui a sans doute nécessité que l'histoire se déroulât là-bas plutôt qu'ici (un imparfait du subjonctif dans une phrase, ça peut aussi faire très moche).
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