Livre.gif (217 octets) Littérature Japonaise Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour Japon <-

retour
page d'accueil

 


EDOGAWA Ranpo

(1894-1965)

 

Edogawa Ranpo, de son vrai nom Hirai Tarô, est né à Nabari (proche d'Ise) en 1894. Il choisit le nom d'Edogawa Ranpo ("Flânerie au bord du fleuve Edo") pour sa ressemblance avec un auteur qu'il admire : Edgar Poe. Jusqu'au milieu des années 1930, il écrit des nouvelles et des romans policiers mâtinés de fantastique plus ou moins macabre.

Comme Edgar Poe, il est très intéressé par la logique (un peu à la manière du Scarabée d'Or de Poe, comme dans La pièce de deux sen) et en même temps par les psychologies tordues (La Chambre Rouge, à rapprocher peut-être du Démon de la Perversité de Poe) ou parfois même plus (La Chenille, brillant concentré de fétichisme, sadisme, masochisme, etc.). Puis il se tourne vers la littérature enfantine (mais néanmoins policière), genre dans lequel il aura moins de problèmes avec la censure.
Après la guerre, il a créé un prix qui porte son nom et qui est une des références actuelles dans le domaine du thriller au Japon.


la chambre rouge

La Chambre Rouge (nouvelles écrites entre 1923 et 1929, 126 pages - traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier). Contient les nouvelles suivantes : La Chenille, La Chaise humaine, Deux vies gâchées, La Chambre rouge, La Pièce de deux sen.
La Chenille (1929) est une nouvelle impressionnante dans sa description d'un corps horriblement mutilé par la guerre et de ses relations avec sa jeune femme. Dans La Chaise Humaine (1926), un artisan difforme trouve un moyen d'approcher des gens et de les voler sans qu'on le remarque. Dans La Chambre Rouge, un criminel hors du commun raconte ses crimes, exceptionnels dans le sens où à chaque fois tous les témoins - et souvent la victime elle même - croient qu'il cherche à sauver sa victime alors qu'en fait il la perd.
L'auteur se joue de ses lecteurs, cherche à les piéger. Mais lorsque l'on a lu quelques unes de ses nouvelles, on se doute un peu où il veut nous emmener. Très bonnes nouvelles.

la bête aveugle

La Bête Aveugle (1931, 157 pages - traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, chez Picquier poche).
La "bête" dont il question dans ce roman est un masseur aveugle à la recherche de la beauté ; sa nature artiste le conduit à créer un art tactile inédit. Assasinats, morbidité extravagante, machiavélisme, le tout est teinté d'un humour nettement macabre, notamment vers la fin.
Vraiment très bien.

ile panorama

L'Ile panorama (1926-1927, 157 pages - traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, chez Picquier poche).
Un étudiant rêveur, touche à tout en dillettant et fasciné par les utopies, développe une vision personnelle d'une sorte d'art total, concurrent de la nature. Grâce à sa ressemblance physique avec un millionnaire, il va pouvoir passer du stade d'une volonté créatrice un peu molle à celui d'exécutant volontaire. Il y a une certaine parenté avec l'artiste de la Bête Aveugle en ce qui concerne l'idéal artistique déviant. On retrouve également le thème du double... en fait, on retrouve plein d'idées, d'intentions qu'on avait déjà vues et lues ailleurs dans son oeuvre, et en mieux.
L'Ile Panorama fait un peu l'effet d'un catalogue : bien si on ne connaît pas du tout l'oeuvre d'Edogawa Ranpo, un peu redondant dans le cas contraire.



le demon de l'île solitaire

Le Démon de l'Île Solitaire (Kotō no oni , 孤島の鬼, 1929). Traduit du japonais par Miyako Slocombe. Editions Wombat. 312 pages.

Au début de son introduction, le narrateur parle de son physique : alors qu'il a à peine la trentaine, ses cheveux sont déjà tout blancs. Et sa femme a une cicatrice atrocement large au niveau des hanches. Que s'est-il passé dans leur vie ? C'est ce qu'il va raconter.
Dès la fin de l'introduction, il écrit :
"Pour commencer par les faits divers marquants, il y eu d'abord deux décès étranges - deux meurtres - survenus en l'espace de deux mois, comme dans ce qu'on appelle les romans de détectives ou romans à mystère ; mais cette histoire a ceci de particulier que, avant même qu'on entre au coeur de l'affaire, Hatsuyo Kizaki, la fiancée du héros (ou du deuxième héros) que je suis, est assassinée - puisque Kôkichi Miyamagi, un détective amateur que j'admirais et que j'avais prié d'enquêter sur la mort suspecte de Hatsuyo, est assassiné à son tour. En outre, les morts mystérieuses de ces deux personnages ne constituent que le point de départ des événements extraordinaires que je m'apprête à vous raconter ; au coeur du sujet est le récit, plus surprenant encore, de ma rencontre avec un mal d'une nature effroyable, une abomination telle que personne encore n'avait osé l'imaginer." (page 8).
Il n'y a pas beaucoup de romans qui annoncent ainsi l'assassinat de deux des personnages principaux... Mais il faut dire que le livre est tout d'abord paru en feuilleton pendant plus d'un an: cette annonce était donc vraisemblablement destinée à accrocher immédiatement les lecteurs.

On a ensuite une succession d'événements incroyables se déroulant en 1925 : un assassinat en chambre close, suivi d'un autre assassinat encore plus mystérieux si c'est possible (et ça l'est !)... Et que de personnages inquiétants ! Un étrange vieillard annonciateur de morts, des bossus, des êtres difformes, véritables monstres de foire... Et la fameuse île du titre. Aux forces malfaisantes et insaisissables s'opposent des enquêteurs amateurs mais très forts... et qui connaissent leurs classiques sur le bout des doigts (Edgar Poe, Gaston Leroux...).
Parmi les personnages principaux, on notera un homosexuel (homosexualité "expliquée" par une enfance traumatisante...) très attiré par le narrateur. Edogawa Ranpo en parle dans une note en fin de livre.

Le narrateur se plaint de ce que les détectives fassent mystère de leurs avancées et parlent dans un langage sibyllin :
"Pourquoi les détectives ne s'expriment-ils que par sous-entendus ? Pourquoi jouent-ils cette puérile comédie ? Aujourd'hui encore il m'arrive de me poser la question. Et cela me met hors de moi." (page 55).
Eh oui, c'est bien beau de garder ses réflexions pour soi, mais quand on se fait brutalement assassiner, cela ne facilite pas l'enquête !
Mais le narrateur lui-même procède de la même façon, et est coutumier, en fin de chapitre, de phrases du genre : "Je n'imaginais pas les difficultés, les dangers auxquels j'allais faire face, et cet enfer sur terre comme surgi d'un autre monde qui m'attendait." (page 46).

Le Démon de l'Île solitaire est un très bon roman feuilletonesque, avec un méchant très méchant, des rebondissements incroyables, des hasards parfois un peu tirés par les cheveux, et des aventures palpitantes. Et on retrouve (oserais-je dire : avec plaisir ?) le goût de l'auteur pour une certaine perversité hors du commun...



Autres livres traduits en français :
- La Proie et l'Ombre (1925-1928) (rien à voir avec le tome 12 de Yoko Tsuno !)
- L'Enfer des Miroirs (1926)
- Mirage (1929) : 2 nouvelles
- Le Lézard Noir (1934) - adapté au théâtre par Mishima puis au cinéma (voir ci-dessous)


Quelques films adaptés de son oeuvre :
- Le Lézard Noir (Kurotokage, 1968), film réalisé par Fukasaku Kinji (1930-2003), connu notamment pour des films comme Guerre des Gangs à Okinawa et surtout son dernier film achevé : Battle Royale (en 2000). Le Lézard Noir est en fait basé sur l'adaptation faite par Mishima Yukio qui joue d'ailleurs un petit rôle ;
le lezard noir
- Edogawa ranpo taizen: Kyofu kikei ningen (1969), de Ishii Teruo. Semble vaguement inspiré de L'Ile Panorama.
- La Bête aveugle (Môjuu, 1969) film réalisé par Masumura Yasuzo (notamment connu en France pour un film très fort, l'Ange Rouge). L'adapatation n'a retenu, grosso modo et en la modifiant, que la première moitié du livre, même si la fin du film est une vraie fin, paroxystique... Un personnage a été ajouté : la mère de l'aveugle. Ceci est l'occasion pour la prisonnière de monter ses deux ravisseurs l'un contre l'autre, au moyen d'arguments nettement freudiens ou en suscitant la jalousie de la mère qui, comme il se doit, est plutôt du genre possessive. L'esprit d'Edogawa a été conservé (Masumura partage de toute manière des centres d'intérêts avec lui), mais on y reconnaît bien le réalisateur de l'Ange Rouge : alternance de scènes chocs et de scènes calmes, avec jolie musique au clavecin. Très bon film, donc. A noter que, malgré le caractère quelque peu violent de la fin, et peut-être à cause de lui, les spectateurs avaient un grand sourire lorsque la lumière se fit dans la salle... Etions-nous une bande de joyeux pervers ? J'ai été pris d'un doute fugitif... ;

- Rampo (1994) de Rintaro Mayuzimi et Kazuyoshi Okuyama.
rampo le film
En fait, ce film est basé sur la vie d'Edogawa Rampo. Il est très moyen (intrigue confuse - un livre d'Edogawa Rampo dans lequel une femme assassine son mari est censuré ; puis l'auteur lit dans le journal que sa création a pris vie, il doit écrire une nouvelle conclusion... - , ce qui plaît énormément à certains : un film confus peut facilement passer pour de l'Art ; il faut tout de même lui reconnaître certaines qualités esthétiques), mais on peut y trouver une très bonne séquence en animation ;
- The D-Slope Murder Case (D-Zaka no satsujin jiken, 1998) ;
- Gemini (Sôseiji, 1999), film réalisé par Tsukamoto Shinya (le réalisateur de Testuo I et II, Tokyo Fist, Bullet Ballet...). Il s'agit grosso modo d'une histoire de double assez classique, avec le gentil docteur et le méchant. Le résultat donne un film vraiment très moyen, et surtout curieusement lisse, ce qui est contraire à l'esprit d'Edogawa Rampo. Tsukamoto Shinya a opté pour un style léché, très classique, bref complètement à l'opposé de ce qu'il fait d'habitude ;
gemini
- La Bête Aveugle contre le Nain (Môjuu tai Issunbôshi, 2001), apparemment un mixage de deux oeuvres d'Edogawa. Il s'agit du 88° et dernier film réalisé par Ishii Teruo (01/1924-08/2005 ; interview en français disponible sur http://www.hkmania.com/Dossiers/teruoishii-fr.html). A noter la présence de Tsukamoto Shinya comme acteur.
- Ranpo jigoku (2005) : il s'agit de l'adaptation de quatre nouvelles, par quatre réalisateurs : Jissoji Akio et Kaneko Atsushi, Sato Hisayasu et Takeuchi Suguru

- Ningen-isu (2007), réalisé par Satô Keisaku.
- Yaneura no sanposha (2007), réalisé par Mihara Mitsuhiro.
- Inju, la bête dans l'ombre (2008), réalisé par Barbet Schroeder, avec Benoît Magimel. Ce n'est malheureusement pas un chef-d'oeuvre.

- Shitsuren satsujin (2010), réalisé par Kubota Shoji.
- Le Soldat Dieu (Kyatapirâ, 2010), réalisé par Wakamatsu Koji. Le scénario est inspiré de La Chenille.

De très bonnes critiques... et une certaine déception. Réalisation moyenne, dans certains plans la caméra est au plafond, on ne sait pas pourquoi. Le film est tourné en numérique vraiment pas beau (du moins au cinéma, cela passe peut-être mieux à la télévision). Certains pensent que c'est fait exprès, pour réveiller le spectateur, que le fond et la forme coïncident... En effet, il y a bien les horreurs attendues (le soldat tronc, ses besoins...), mais l'ensemble m'a paru quand même un peu trop outré, si je puis dire.


- Retour à la page Littérature japonaise

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)