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STIFTER Adalbert
(Oberplan, Bohême - actuellement Horní Planá, 23/10/1805 - suicidé à Linz, le 28/06/1868)
Ecrivain, peintre, une des figures du Biedermeier. Fils de paysans, il passe son enfance dans les bois et les montagnes de Bohême. Puis, après des études dans une abbaye bénédictine, au lieu de faire des études de droit à Vienne, il se consacra aux sciences naturelles, à la peinture...
Amoureux d'une jeune femme, Fanny Greipl, il ne peut pas l'épouser à cause de l'opposition de ses parents à elle. Il ne s'en remit jamais.
Cette figure féminine est d'une grande importance dans sa production littéraire.
Il épousa finalement Amalia Mohaupt, une femme qu'il n'aima pas, ne fut pas heureux, et malgré son désir d'avoir des enfants, n'en eut point.
Il gagna sa vie comme enseignant, puis publia, et s'imposa comme un des grands stylistes de la langue allemande.
Affecté par des deuils, malade, il se suicide en se tranchant la gorge.
Son créneau, c'est la Nature - plus grande que l'homme, belle, immuable mais changeante sous la lumière -, qui l'apaise, qui est presque une divinité, une entité. Et puis, on a des gens polis, cultivés, intelligents, qui se disent des choses généralement polies, cultivées et intelligentes (sur l'Art, le Beau, le sens de la vie, les devoirs, la morale...).
Der Königsee mit dem Watzmann, 1837, Wien, Österreichische Galerie.
La plupart de ses textes sont courts, mais on peut citer un très beau pavé, L'Arrière-Saison (aussi appelé "L'Eté de la Saint-Martin", 1857) : c'est son chef-d'oeuvre. On espère pouvoir lire un jour un autre pavé, le roman historique Witiko (1865-1867).
Beaucoup de gens très bien ont dit des choses très gentilles sur lui : Nietzsche, Hofmanstahl, Kundera, Handke, Hermann Hesse (qui, dans "Une bibliothèque de Littérature universelle", y place "l'Arrière-Saison, Witiko, les Etudes et les Roches multicolores d'Adalbert Stifter, le dernier prosateur classique de la langue allemande.", voir Une Bibliothèque idéale, Rivages, page 42).
Je vais me joindre à ces personnes (pour ce que ça vaut).
Il reste qu'Adalbert Stifter (plus encore que Theodor Fontane) est très peu connu en France.
La couverture reproduit une oeuvre de Stifter, Mondaufgang, 1855. 23,1 x 27,7 cm.
L'Homme sans postérité (Der Hagestolz, 1851 ; 146 pages). Traduit et présenté par G-A Goldschmidt. Phébus libretto.
Dans son introduction, G-A Goldschmidt cite Nietzsche qui écrit dans Le Voyageur et son Ombre : "" (page 9).
Plus loin, Goldschmidt écrit : "" (pages 9-10).
Exactement !
Notre héros, un jeune homme prénommé Victor, a perdu sa mère très jeune. Son père s'est remarié avec une femme qui avait déjà une fille, Hanna, puis décède. C'est donc sa belle-mère, une brave femme, qui l'élève. Un jour arrive où il doit partir pour occuper un poste, mais il doit d'abord passer quelques jours chez un oncle, le frère de son père, un homme étrange qui vit reclus.
Le roman commence ainsi :
"" (page 21).
Le lecteur voit tout de suite qu'il est différent des autres. Il est très sérieux, grave.
Victor revient chez lui.
"" (page 37).
Comme le héros de L'Arrière-Saison, Victor fait méthodiquement, posément, ses paquets, emballe ses livres. Il s'apprête à partir.
C'est très beau, tout le monde pleure beaucoup.
"" (au passage, on sent qu'il est ému, il serre des mains comme ça, quasiment en aveugle, l'absence de précision est très significative).
Un peu plus loin, sa mère parle : "[...] " (page 57).
Et Victor quitte la maison.
"" (page 58). Il a fallu attacher le chien, qui hurle furieusement : il veut partir avec son maître. Brave toutou.
Il s'éloigne. "" (page 58).
"" (page 62)
Car c'est à pied qu'il doit rendre visite à son oncle, homme riche et reclus, sans doute pas sympathique... Victor va bien sûr grandir, mûrir, et se poser les bonnes questions sur ce qu'il veut faire de sa vie.
Un très beau roman, qui en fera bâiller certain(e)s, mais que d'autres, peut-être minoritaires, trouveront très beau, délicat, pour tout dire : excellent.
Brigitta (1844 ; traduit de l'allemand par Marie-Hélène Clément et Silke Hass). Fourbis, 122 pages, 1990.
Tout comme L'Homme sans Postérité, ce récit fait partie de la série des Etudes (qui comprend également Condor, Les Grands Bois, etc.)
Notre héros, comme souvent les narrateurs chez Stifter, se promène de par le vaste monde (c'est-à-dire en Europe), cherche à multiplier ses expériences en visitant divers pays, en apprenant à connaître les gens, les langues et les coutumes. Il espérait "" (pages 10-11).
En Italie, il fait la connaissance d'un major, avec qui il sympathise.
"" (page 11).
Un jeune qui a tout ou presque (enfin... l'essentiel, le profond, et pas le superflu) à apprendre et qui est invité par un ami, un parent plus âgé, c'est un schéma bien classique chez Stifter. Mais ici, l'action se situe en Hongrie, et non plus en Bohème.
Il y a un petit peu d'exotisme, les descriptions changent. Le soleil se couche :
"" (pages 42-43). Comme on le voit, c'est très beau.
Le temps passe : "[je] " (page 56).
Bien sûr, comme toujours, il y a un petit quelque chose sous-terrain qui semble troubler la quiétude : "[...] " (page 59).
On apprend aussi que le major, entre autres, donne le bon exemple quant à de nouveaux procédés d'agriculture. "[...] " (pages 62-63). C'est du classique, l'homme éduqué, éclairé, qui veut sortir les paysans de leurs méthodes ancestrales, leurs préjugés, en leur démontrant que les nouvelles méthodes sont beaucoup plus efficaces que les leurs.
Et, bien sûr encore, il y a une voisine, une dame d'un certain âge : c'est Brigitta...
Bref, ce récit a beaucoup de points communs avec L'Arrière-Saison (notamment), mais il n'en a toutefois pas l'ampleur, la profondeur de pensée.
C'est une oeuvre bien écrite, bien menée, plaisante, mais quand même un peu mineure comparée à L'Arrière-Saison ou même à L'Homme sans Postérité.
Paris, sur le pont de Bir Hakeim, le 13 mars 2011. On voit un ballon, dans le fond...
Le Condor (1841 ; traduit de l'allemand par J.Chambon). Editions Jacqueline Chambon, 47 pages.
Le narrateur est un jeune peintre. Sans doute pour cela, la nouvelle est découpée en tableaux. Ce n'est sans doute pas un hasard, et c'est une idée qui vient à tout le monde (elle m'était déjà venue, il y a des années, c'est dire que ce n'est pas génial).
Le premier tableau se déroule pendant "La nuit" (c'est le sous-titre) et commence ainsi :
"" (page 5).
Que fait notre narrateur
? Il attend de voir apparaître un ballon dans le ciel.
"" (pages 10-11).
C'est la première nouvelle publiée de Stifter, et cela se sent : elle n'est pas complètement aboutie. On y trouve certes déjà les thèmes qu'il va développer plus tard, l'art, l'amour, le voyage qui est à la fois voyage physique et "moral", si je puis dire, l'occasion de mieux se connaître soi-même, mais il y a une sensation de flottement, le sens n'est pas toujours très clair. L'amertume est plus explicitement présente que dans ses oeuvres ultérieures (du moins, celles que j'ai lues) :
"" (page 42)
Photographié à Leipzig, le 10 juillet 2011. Au fond, l'église Saint Thomas où repose Jean-Sebastien Bach.
Fleurs des champs (Feldblumen, 1841 ; traduit de l'allemand par Sibylle Muller). Circé, 138 pages.
Chaque chapitre est nommé d'après une fleur ou une plante : Primevère, violette, centenille minime, campanule, julienne des dames, barbe-de-bouc, gentiane bleue, fumeterre officinal, aristoloche, ..., lierre terrestre et silène rosa coeli. Il doit y avoir un rapport, une teinte, une tonalité, une symbolique... cela m'a échappé : en bon citadin, je connais tellement mal les plantes...
L'histoire commence en 1834.
Le narrateur est peintre ; il écrit son journal en s'adressant à un ami à lui, pour une raison qui sera expliquée.
"" (page 9).
Comme dans tout Stifter qui se respecte, le narrateur aime les promenades :
"" (page 10).
Un jour, avec son ami Lothar, il suit "". Il entrevoit de nouveau son "modèle", une jeune fille qu'il appelle également sa "statue grecque", et à qui il n'a jamais adressé la parole.
"" (page 19).
Et avec elle se trouve une personne, un homme que le narrateur croise partout, où qu'il aille. "
"" (page 20).
Notre héros et son compagnon se renseignent à l'auberge, mais personne ne sait qui étaient ces personnes. Alors que le narrateur dessine le portrait de la tenancière de l'auberge, " [...]
" (page 20).
"" (page 21)
Les paris sont ouverts !
Comme toujours chez Stifter, ou du moins très souvent, tout le monde est gentil, cultivé (ou désireux de l'être). Cela ne ferait pas vraiment une histoire... du coup, les protagonistes se créent quelques problèmes (grâce au hasard, à un quiproquo) qu'ils mettent un peu de temps à résoudre... Une franche explication, cela permet pourtant de lever des doutes.
Un texte agréable à lire, assez fleur bleue (pour rester dans le domaine des plantes)... mais c'est quand même assez loin d'être du meilleur Stifter.
On notera plusieurs petites fautes dans le texte : "des rideaux fait d'une soie grise (page 13); "er puis" (page 13), "nous avons avancé des plusieurs lieues" (page 22)...
Le Cachet (das alte Siegel, 1844 ; traduit de l'allemand en 2012 par Sibylle Muller). Circé. 118 pages.
" [...]" (page 7).
Veit Hugo père, déjà âgé, finit par prendre femme et va habiter dans son "".
Puis, après le décès prématuré de sa femme, élève seul son fils - "" (page 8) - en lui enseignant tout ce qu'il sait. Ce faisant, il lui inculque plus que des mots : "[...] " (pages 8-9).
De sa mère, il a hérité la beauté.
Mais voici qu'il a vingt-et-un ans (page 9). Son père lui donne des pièces d'or, une lettre de recommandation, et lui dit d'aller à la capitale.
Il lui prodigue aussi bon nombre de conseils : "[...] " (page 10)
Hugo part donc à la ville. Comme tout héros Stifterien qui se respecte, il va mener une vie bien réglée, s'astreindre à des heures d'études, faire des promenades... Pourtant, il y a une différence majeure : il n'a pas de "mentor", d'homme d'expérience, pour le guider dans sa découverte du monde. Tout ce qu'il sait vient de son père, qui était déjà âgé à sa naissance, homme d'un autre temps, qui lui a enseigné ses valeurs trop tôt pour que le jeune Hugo puisse les comprendre pleinement, les choisir. Il y a un âge pour tout, ce qu'une éducation réussie - grand sujet stiftewrien - doit respecter.
Un jour, Hugo est dans sa chambre, il doit consacrer l'heure et demie qui suit aux mathématiques. On frappe à la porte, c'est le facteur qui lui remet une lettre étrange : "" (page 32).
Il ira, bien sûr.
Homme mystérieux (un peu comme dans Fleurs des Champs), belle jeune femme qui a un secret... Pendant la plus grande partie du texte, cela ronronne un peu (quand on n'en est pas à son premier Stifter, du moins), et on s'attend à ce que cela continue comme un Stifter de série.
Mais non.
Alors, quelle différence avec les Stifter lus précédemment ? Généralement, le héros découvre les valeurs qui lui sont propres, guidé par un maître. Il comprend les raisons des choses, les intègre. Ou bien, il va se confronter à la Nature, pour en percer les secrets picturaux. Le héros Stifterien cherche à se former en découvrant le monde, à multiplier les expériences.
Ici, ces valeurs lui ont été données pour ainsi dire livresquement, à l'écart du monde. Lorsqu'il va à la ville, c'est pour faire de grandes choses, certes, mais dans l'optique de ce que son père lui a inculqué. Et il se choisit un but dans l'optique de la pensée de son père.
Même si ce n'est pas un texte majeur de Stifter, cette longue nouvelle est intéressante, notamment dans sa fin.
Ne surtout pas lire la quatrième de couverture qui dit que "le secret n'y concerne pas [censuré] [...] mais [censuré] qui demeure caché jusqu'à la surprise du dénouement".
Un modèle de quatrième de couverture qui se fiche du lecteur. C'est une postface que l'éditeur a cru bon de mettre en quatrième de couverture !
A noter, pour finir, que le style ne cherche vraiment pas à faire oublier qu'on lit un texte : "" (page 49).
Couverture : Adalbert Stifter, Felspartie (Moldauenge), 1841 (détail).
Descendances (Nachkommenschaften, 1864). Nouvelle traduite de l'allemand par Jean-Yves Masson. Préface de Jacques Le Rider. 151 pages. Editions Jacqueline Chambon.
Le texte commence ainsi :
"" (page 33) .
Le narrateur est un peintre appelé Friedrich Roderer. Il a quelque bien, et vit de manière très raisonnable, de sorte qu'il n'a pas besoin de travailler pour vivre. Il peut se permettre d'être très exigeant quant à sa peinture, et détruire tout ce qui n'est pas parfait, c'est-à-dire tout.
"" (pages 44-45)
Notre peintre doit donc se dépêcher de peindre le marais
avant qu'il n'ait disparu. On ne peut pas dire qu'il choisisse les coins les plus riants. Quant à ses convictions d'un point de vue esthétique, les voici :
"" (pages 100-101).
C'est sans doute aussi l'auteur qui parle. En effet : "" (préface de Jacques Le Rider, page 7)
Adalbert Stifter : Im Gosautal (1834)
Comme souvent dans l'oeuvre de Stifter, il va y avoir des discussions (qui relèvent en fait plus du long monologue) avec un homme plus âgé, une sorte de sage. Ces discussions vont avoir pour objet principal les passions, comment mener sa vie. Mais le livre aborde aussi le rôle de l'art.
"" (préface, pages 12-13).
Le livre donne l'étrange impression d'être parfois un peu bancal, pour plusieurs raisons :
"" (préface, pages 13-14).
"" (pages 22-23)
"" (pages 25-26).
Cette longue nouvelle n'est bien sûr pas le chef-d'oeuvre de l'auteur, mais ses défauts mêmes (forcément volontaires) lui ajoutent finalement de l'intérêt en le rendant moins lisse, plus mystérieux.
Quelques toiles de Stifter :
Mondaufgang (um 1855) ; Seestück bei Mondbeleuchtung, um 1840, Linz, Stadtmuseum ;
Flussenge Die Teufelsmauer bei Hohenfurt-Fassung I ; Die Rax (um 1841).
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