Littératures Grecque et Romaine
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Le Temps à soi. Lettres choisies et traduites du latin par Daniel Stissi. Arléa. 208 pages. (le livre est aussi disponible en format poche). "Les historiens ont trouvé une mine pour leur documentation sur le siècle de Trajan, les critiques et les écrivains les ont quelque peu boudés. Montaigne, qui apprécie le talent de narrateur de Pline, qualifie sa philosophie d'« ostentatrice et parlière ». Les modernes lui reprochent de ne pas être Tacite. Attentes déçues ; mais étaient-elles fondées ?" (Daniel Stissi, introduction, pages 7-8). "Humaniste avant tout, il est imprégné de culture grecque. Les Romains de cette époque parlent grec, pensent grec. La philosophie stoïcienne met le sujet pensant au centre de ses préoccupations et parle d'identité humaine. Pline considère ses esclaves comme des hommes, à l'instar de Sénèque cinquante ans plus tôt." (page 12). Le livre présente un florilège de ces lettres organisé par thèmes : "Dominer le temps", "Les Lettres et les Arts", "Sagesse", "Ces êtres familiers", "Terroir", "Les Ombres et les songes", "Morale et politique". On trouvera les livres 1 à 5 (format pdf) dans la traduction de C.Sicard sur : http://www.ebooksgratuits.com/details.php?book=1741 et les livres 6 à 10 sur : http://www.ebooksgratuits.com/details.php?book=1742 Dans la première partie, Dominer le temps, Pline le Jeune s'interroge sur le temps qui file, les occupations futiles : mieux vaut quitter Rome pour travailler en paix. Voici par exemple la fin d'une lettre adressée à Minicius Fundanus (I, 9). On notera que Pline écrit "Muses" en grec :
Pline sait finir ses lettres par l'anecdote ou la citation qui fait mouche. Dans une autre lettre, il revient sur ces deux composantes du temps à soi : "Pour moi, dans ma villa, je suis partagé entre l'étude et la paresse, les inséparables rejetons du temps à soi." (A Paulinus, II, 2, page 116) (Ipse ad villam partim studiis, partim desidia fruor; quorum utrumque ex otio nascitur.) Il pense que son oeuvre lui survivra, c'est ce qui le motive. Voici une lettre à Paulinus (IX,3)
"Façonne, cisèle une oeuvre qui soit à jamais la tienne ! Les biens qui te survivront changeront de maîtres au gré du sort, mais celui-ci, dès qu'il sera à toi, personne ne pourra te l'enlever." (Lettre à Caninius Rufus, I,3, page 36). ("Effinge aliquid et excude quod sit perpetuo tuum. Nam reliqua rerum tuarum post te alium atque alium dominum sortientur : hoc nunquam tuum desinet esse, si semel cœperit.").
Le travail, le travail... Voici notre ami Pline qui part à la chasse aux sangliers. Eh bien, il emporte avec lui tablettes et stylet, comme il l'explique dans une Lettre à Tacite (I, 6) : "Je méditais et prenais des notes dans l'idée de rapporter au moins ces tablettes pleines, si je devais revenir les mains vides ! Ne dédaigne pas cette façon de travailler : tu aurais tort. C'est inouï de voir à quel point la promenade et les mouvements du corps éveillent l'esprit. Et puis les forêts et la solitude qui vous enveloppent, ce merveilleux silence même qu'exige la chasse sont de parfaits aiguillons pour la pensée ! Ainsi, crois-moi, quand tu iras chasser, emporte bien sûr ta panetière et ta gourde, mais surtout n'oublie pas tes tablettes ! Tu verras que Minerve n'erre pas moins que Diane dans les montagnes !" (page 37) "Parfois, je vais chasser, mais jamais sans mes tablettes, afin de rapporter quelque chose, même bredouille." (lettre à Fuscus, IX, 36). Bien sûr, comme tout le monde (cf Okakura, Le livre du thé : "mais quand donc le monde ne fut-il point décadent ?" ; Tanizaki, Eloge de l'Ombre : "l'homme qui avance en âge semble toujours enclin à croire que jadis, à tous égards, était préférable à naguère", etc.), il pense que tout se dégrade, que c'était mieux avant : "Ah, quand je pense aux temps de nos pères !" (page 40). Alors, à cette époque, il y avait des auditeurs qui se pressaient en nombre aux lectures publiques ! L'empereur Claude lui-même avait assisté à l'improviste à une lecture publique de Nonianus, intrigué par des acclamations... Mais voici que nous sommes arrivés dans la partie Sagesse.
Il y a des lettres qui commencent sur un thème plus personnel, et qui débouchent sur une réflexion. Par exemple, Pline demande à Bébius Hispanus (I, 24) de vendre à prix correct à Suétone un petit domaine qu'il cherche à vendre.
Dans la deuxième lettre (20, VI), Pline le Jeune raconte ce qui lui est arrivé à lui ainsi qu'à sa mère. Dans d'autres lettres, Pline aborde la façon de bien gouverner (partie "Morale et politique"). Voici deux extraits d'une lettre à Maximus (VIII, 24) : "D'ailleurs, comme tu l'as souvent lu ou entendu dire, il est bien plus déshonorant de perdre sa réputation plutôt que de ne pas en acquérir." (page 196).
Ces lettres de Pline le Jeune, outre qu'elles sont bien écrites, vivantes, sont vraiment très intéressantes à différents titres : pensées, relations de faits hors du commun (le Vésuve), jugements portés sur cette époque par un contemporain cultivé...
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