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Pline le Jeune
(Côme, vers 61- région de Bithynie, 114)

 
Pline le Jeune


"Il vécut sous les règnes de six empereurs successifs : Néron,Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan.

Pline le Jeune a pour oncle maternel l’écrivain Pline l'Ancien. Celui-ci prend son neveu sous sa protection, après la mort de son père, surveille son éducation et l’adopte même par testament juste avant sa mort, survenue en 79 lors de l’éruption du Vésuve. Pline le Jeune se trouve à Misène, un village de la baie de Naples, lorsque ce désastre survient et le compte-rendu qu'il en donne à Tacite, vingt-sept ans après les faits, est parvenu à des historiens.
Après une éducation à Côme, puis à Rome, [...], il devient avocat et entre dans l’ordre sénatorial. [...]. Il devient l'ami intime de Tacite, de six ans son aîné, à qui il voue une profonde admiration pour son éloquence. La correspondance des deux amis témoigne de la proximité d'opinion des deux écrivains romains majeurs du siècle de Trajan. Tacite envoie à Pline la première version de ses Histoires, pour relecture et correction.
Il remplit ensuite la fonction de tribun militaire en Syrie, puis effectue une belle carrière sénatoriale sous Domitien en devenant successivement questeur en 89 ou 90, tribun de la plèbe en 92, préteur en 93 puis préfet de la trésorerie militaire en 95.

En 93, l’activité de Pline lui vaut de se mettre en danger auprès de l’autoritaire empereur Domitien. Ainsi il est chargé par le Sénat, principale force d’opposition à l’empereur, de soutenir les intérêts de la Bétique contre un des amis de Domitien, Baebius Massa. Cette même année, il vient en aide au philosophe Artémidore de Daldis au moment où l’empereur expulse les philosophes de Rome.
Il échappe de peu au sort réservé alors à nombre de ses amis proches : comme eux, la mort si Domitien n’avait été assassiné. De fait, son nom figure dans une lettre de dénonciation que Mattius Casus, un délateur, adresse à l’empereur.

Après la mort du tyran, Pline devient gérant de la trésorerie sénatoriale en 97/98 et continue son activité d’avocat. Sans doute, il devient aussi proche de l’empereur Trajan au moment de l’arrivée au pouvoir de celui-ci. [...]

Il devient ainsi, dès la mort de Domitien et pendant les règnes de Nerva et Trajan, l’un des idéologues et partisans les plus actifs du pouvoir impérial.

Après quelques années de dignités sénatoriales successives, Pline le Jeune devient en l’année 111 administrateur de la province du Pont-Bithynie comme légat extraordinaire de l’empereur et sous les titres officiels de proconsul et de legatus.
Cette période est marquée par une importante correspondance entre Pline et Trajan. Cette Correspondance avec l’empereur est une précieuse source de renseignements sur l’administration romaine de cette époque.
Il doit avoir occupé son poste jusqu’à sa mort (en 113 ou 114), qui n'est connue que par l’arrêt à cette époque de sa correspondance, abondante jusque-là.
" (Wikipedia).


"Dans l'histoire des lettres, il reste comme l'inventeur d'un genre nouveau, la « lettre d'art ». [...] contrairement à celles de Cicéron, elles n'ont jamais un objectif utilitaire. Jamais datées, elles ne réclament pas de réponse. Composées avec soin, elles développent leur thème avec une grande subtilité et témoignent d'une culture raffinée qui porte la marque d'Horace, d'Ovide et de Martial." (Guide de poche des auteurs Grecs et latins, Les Belles Lettres, page 166)

le temps à soi

Le Temps à soi. Lettres choisies et traduites du latin par Daniel Stissi. Arléa. 208 pages. (le livre est aussi disponible en format poche).

"Les historiens ont trouvé une mine pour leur documentation sur le siècle de Trajan, les critiques et les écrivains les ont quelque peu boudés. Montaigne, qui apprécie le talent de narrateur de Pline, qualifie sa philosophie d'« ostentatrice et parlière ». Les modernes lui reprochent de ne pas être Tacite. Attentes déçues ; mais étaient-elles fondées ?" (Daniel Stissi, introduction, pages 7-8).

Il ne reste quasiment rien de l'oeuvre de Pline le Jeune, à part ses lettres.
"Plus aucune trace de ses poèmes, sinon quelques citations de ses hendécasyllabes qui ne nous laissent pas imaginer qu'ils furent d'un grand art. Plus rien non plus de ses discours, si ce n'est le fameux Panégyrique de Trajan, prononcé en l'honneur de l'empereur lors de l'accession de Pline au consulat, en l'an 100, puis remanié, voire récrit par son auteur. Le style obscur et pompeux de ce discours d'apparat ne nous donne pas une image fidèle de l'extraordinaire orateur que fut Pline, capable de passionner sept heures durant la foule venue se masser au tribunal pour l'applaudir.
Mais les deux cent quarante-sept lettres ont survécu, réparties en neuf livres, que Pline a écrites de 97 à 104, adressées, et sans doute envoyées, à de très nombreux destinataires
[...] " (page 8).
Cependant :
"Les Lettres que publie cet homme de la caste sénatoriale, ami de Trajan, sont des lettres d'art. « Écrites avec soin », elles sont destinées à faire le tour de la société littéraire. Aucune spontanéité. La correspondance de Pline n'est que littérature, même si elle a réellement été échangée avec les personnages importants de l'époque et avec ses familiers. [...]

Il sait camper des personnages, rendre une atmosphère, des sentiments : l'admiration et l'inquiétude pour son oncle, la douceur pour sa mère qu'il prend par la main pour la sauver, lors de l'éruption du Vésuve, l'amour pour sa femme Calpurnia.
" (pages 11-12).

"Humaniste avant tout, il est imprégné de culture grecque. Les Romains de cette époque parlent grec, pensent grec. La philosophie stoïcienne met le sujet pensant au centre de ses préoccupations et parle d'identité humaine. Pline considère ses esclaves comme des hommes, à l'instar de Sénèque cinquante ans plus tôt." (page 12).
Même s'il ne remet pas en cause l'esclavage, bien sûr.

Le livre présente un florilège de ces lettres organisé par thèmes : "Dominer le temps", "Les Lettres et les Arts", "Sagesse", "Ces êtres familiers", "Terroir", "Les Ombres et les songes", "Morale et politique".

On trouvera les livres 1 à 5 (format pdf) dans la traduction de C.Sicard sur : http://www.ebooksgratuits.com/details.php?book=1741 et les livres 6 à 10 sur : http://www.ebooksgratuits.com/details.php?book=1742

Dans la première partie, Dominer le temps, Pline le Jeune s'interroge sur le temps qui file, les occupations futiles : mieux vaut quitter Rome pour travailler en paix.

Voici par exemple la fin d'une lettre adressée à Minicius Fundanus (I, 9). On notera que Pline écrit "Muses" en grec :

Texte original
Traduction Sicard
Traduction Daniel Stissi

Nulla spe, nullo timore sollicitor, nullis rumoribus
inquietor. Mecum tantum et cum libellis loquor. O rectam sinceramque vitam ! O dulce otium, honestumque, ac pæne omni negotio pulchrius ! O mare, o litus, verum secretumque μουσεῖον !
Quam multa invenitis, quam multa dictatis !
Proinde tu quoque strepitum istum inanemque discursum, et multum ineptos labores, ut primum fuerit occasio, relinque, teque studiis vel otio trade. Satius est enim, ut Attilius noster eruditissime simul et facetisime dixit, « otiosum esse, quam nihil agere. » Vale.

Aucune espérance, aucune crainte ne me trouble, nulle rumeur ne m'inquiète ; c'est avec moi seul et avec mes livres que je converse. Oh ! l'heureuse existence droite et pure ; oh ! la douce, la noble oisiveté, plus belle peut-être que toute activité ! O mer, ô rivage, ô véritable et paisible asile des Muses, combien vous fécondez mon imagination, que de pensées vous m'inspirez.
Ainsi donc vous aussi, quittez ce fracas, ce vain mouvement, ces frivoles travaux, à la première occasion, et livrez-vous à l'étude ou même au repos. Il vaut mieux selon le mot si profond à la fois et si spirituel de notre ami Attilius, vivre oisif que s'occuper à des riens. Adieu.
"Aucune attente, aucune crainte ne me trouble, aucune rumeur ne m'inquiète : mes seuls interlocuteurs, ce sont mes livres et moi-même. Ah, l'existence étroite et pure ! Douceur et noblesse de ce temps à soi, plus beau, peut-être, que toute activité ! Mer, rivage, temple des Muses, vrai et solitaire, quel monde vous découvrez ! Que de pensées vous inspirez !
Quitte toi aussi, à la première occasion, ce vacarme, cette agitation vaine, ces travaux dépourvus du moindre intérêt, et donne-toi à l'étude et au repos : comme le dit notre cher Atilius avec tant de profondeur et d'humour, mieux vaut être oisif que ne rien faire !
" (page 22)

Pline sait finir ses lettres par l'anecdote ou la citation qui fait mouche.

Dans une autre lettre, il revient sur ces deux composantes du temps à soi : "Pour moi, dans ma villa, je suis partagé entre l'étude et la paresse, les inséparables rejetons du temps à soi." (A Paulinus, II, 2, page 116) (Ipse ad villam partim studiis, partim desidia fruor; quorum utrumque ex otio nascitur.)

Il pense que son oeuvre lui survivra, c'est ce qui le motive. Voici une lettre à Paulinus (IX,3)

Texte original
Traduction Sicard
Traduction Daniel Stissi
Ac mihi, nisi præmium æternitatis ante oculos, pingue illud altumque otium placeat.
Etenim omnes homines arbitror oportere aut immortalitatem suam, aut mortalitatem cogitare ; et illos quidem contendere, eniti, hos quiescere, remitti nec brevem vitam caducis laboribus fatigare, ut video multos, misera simul et ingrata imagine industriæ ad vilitatem sui pervenire.
Et si cette récompense de l'immortalité ne brillait à mes yeux, ce qui me plairait serait l'indolence d'un profond repos. Car enfin tous les hommes doivent, à mon avis, songer à leur immortalité, soit à leur condition mortelle, et les premiers lutter, s'acharner, les seconds chercher le repos, la détente, et ne pas fatiguer une vie éphémère par des peines stériles, comme j'en vois beaucoup qui dépensent une misérable et fastidieuse apparence d'activité pour aboutir au mépris de soi-même. "Si je n'avais pas sans cesse à l'esprit de gagner l'immortalité, c'est plutôt un repos profond et complet qui me plairait. Je crois en effet que tous les hommes doivent penser qu'ils ont le choix entre l'immortalité et la condition de mortel. Dans le premier cas, il faut lutter, faire des efforts, dans l'autre, se reposer, se détendre, ne pas se fatiguer pour rien dans sa brève existence, comme je vois beaucoup de gens le faire, qui sont finalement amenés, en fournissant un semblant d'activité pitoyable et peu gratifiant, à avoir une piètre opinion d'eux-mêmes." (pages 27-28)

"Façonne, cisèle une oeuvre qui soit à jamais la tienne ! Les biens qui te survivront changeront de maîtres au gré du sort, mais celui-ci, dès qu'il sera à toi, personne ne pourra te l'enlever." (Lettre à Caninius Rufus, I,3, page 36). ("Effinge aliquid et excude quod sit perpetuo tuum. Nam reliqua rerum tuarum post te alium atque alium dominum sortientur : hoc nunquam tuum desinet esse, si semel cœperit.").


Les jeux du cirque ne l'intéressent absolument pas : "[...]jamais rien de nouveau, de différent : quand on en a vu un, on les a tous vus ! Cela m'étonne que tant de milliers d'hommes se passionnent toujours autant, comme des gamins, pour des chevaux qui galopent ou des cochers juchés sur des chars. Si encore ils s'intéressaient à la vitesse des chevaux ou à la technique des cochers, on comprendrait, mais ce sont les tenues qu'ils applaudissent, les tenues qu'ils aiment [...] Quand je pense que c'est pour ce spectacle vide de sens, fade, monotone, qu'ils sont collés à leur siège et en redemandent, j'éprouve un certain plaisir à ne pas éprouver celui-là." (Lettre à Calvisus, IX, 6 ; page 31). ("[...]capio aliquam voluptatem, quod hac voluptate non capior.")

Le travail, le travail... Voici notre ami Pline qui part à la chasse aux sangliers. Eh bien, il emporte avec lui tablettes et stylet, comme il l'explique dans une Lettre à Tacite (I, 6) : "Je méditais et prenais des notes dans l'idée de rapporter au moins ces tablettes pleines, si je devais revenir les mains vides ! Ne dédaigne pas cette façon de travailler : tu aurais tort. C'est inouï de voir à quel point la promenade et les mouvements du corps éveillent l'esprit. Et puis les forêts et la solitude qui vous enveloppent, ce merveilleux silence même qu'exige la chasse sont de parfaits aiguillons pour la pensée ! Ainsi, crois-moi, quand tu iras chasser, emporte bien sûr ta panetière et ta gourde, mais surtout n'oublie pas tes tablettes ! Tu verras que Minerve n'erre pas moins que Diane dans les montagnes !" (page 37)

"Parfois, je vais chasser, mais jamais sans mes tablettes, afin de rapporter quelque chose, même bredouille." (lettre à Fuscus, IX, 36).

Bien sûr, comme tout le monde (cf Okakura, Le livre du thé : "mais quand donc le monde ne fut-il point décadent ?" ; Tanizaki, Eloge de l'Ombre : "l'homme qui avance en âge semble toujours enclin à croire que jadis, à tous égards, était préférable à naguère", etc.), il pense que tout se dégrade, que c'était mieux avant : "Ah, quand je pense aux temps de nos pères !" (page 40). Alors, à cette époque, il y avait des auditeurs qui se pressaient en nombre aux lectures publiques ! L'empereur Claude lui-même avait assisté à l'improviste à une lecture publique de Nonianus, intrigué par des acclamations...
Tout fiche le camp, mon bon Monsieur...

Mais voici que nous sommes arrivés dans la partie Sagesse.
Lettre à Maximus, VII, 26 :

Texte original
Traduction Sicard
Traduction Daniel Stissi
Nuper me cujusdam amici languor admonuit optimos esse nos, dum infirmi sumus. Quem enim infirmum aut avaritia aut ambitio aut libido sollicitat ? [...] Tunc deos, tunc hominem esse se meminit. Invidet nemini, neminem miratur, neminem despicit ac ne sermonibus quidem malignis aut attendit aut alitur. Balinea imaginatur et fontes : hæc summa curarum, summa votorum mollemque in posterum et pinguem, si contingat evadere, hoc est innoxiam beatamque, destinat vitam. Possum ergo, quod plurimis verbis, plurimis etiam voluminibus philosophi docere conantur, ipse breviter tibi mihique præcipere, ut tales esse sani perseveremus, quales nos futuros profitemur infirmi. Vale. Dernièrement la santé languissante d'un de mes amis m'a inspiré cette réflexion, que nous ne sommes jamais plus vertueux que dans la maladie. Quel est en effet le malade que tourmente l'avarice, ou l'ambition, ou les passions ? [...]. Alors on se souvient qu'il y a des dieux, qu'on est homme, on n'envie personne, on ne s'engoue de personne, on ne méprise personne, et même les médisances n'ont plus de saveur pour notre curiosité. On ne rêve que bains et fontaines. Tel est l'objet de nos soucis, le comble de nos vœux et pour l'avenir, si nous avons le bonheur d'échapper à la mort, nous ne nous proposons plus qu'une vie douce et oisive, c'est-à-dire innocente et heureuse. Je peux donc résumer les enseignements que les philosophes s'épuisent à nous donner avec force paroles, et même avec force volumes, et nous conseiller en peu de mots à vous et à moi de nous conserver, dans la santé, tels que, dans la maladie, nous promettons d'être. Adieu. "La maladie d'un de mes amis vient de me faire prendre consicence qu'on ne vaut jamais mieux que lorsqu'on est malade. Crois-tu qu'on soit alors titillé par le désir ou la convoitise ? [...] C'est à ce moment-là qu'on se souvient des dieux et qu'on est mortel ; on ne ressent ni envie, ni admiration, ni mépris pour personne ; les propos malveillants ne retiennent plus notre attention et ne nourrissent plus nos pensées : on ne rêve que de bains et de sources. C'est là notre principale occupation, le principal objet de nos prières ; on se dit que, si on en réchappe, on goûtera une existence douce et cachée, c'est-à-dire un bonheur innocent.
Ce que les philosophes essaient de nous enseigner par un flot de paroles et quantité de livres, je puis le prescrire, à moi comme à toi, en peu de mots : continuons à être, quand nous allons bien, les hommes que nous nous promettions d'être quand nous étions malades.
" (pages 93-94)


Pline dit toujours beaucoup de bien de ses amis. De plus, il incite à la tolérance: "Le meilleur et le plus parfait des hommes est justement, pour moi, celui qui pardonne aux autres comme s'ils commettaient des fautes chaque jour, et se garde d'en commettre comme s'il ne pardonnait à personne. [...] Rappelons-nous toujours ce qu'un homme comme Thraséa, si bon qu'il en était exceptionnel, avait l'habitude de répéter : « Qui déteste les vices déteste les hommes. »" (lettre à Géminus, VIII, 22, page 95-96) (« Qui vitia odit, homines odit. »)

Il y a des lettres qui commencent sur un thème plus personnel, et qui débouchent sur une réflexion. Par exemple, Pline demande à Bébius Hispanus (I, 24) de vendre à prix correct à Suétone un petit domaine qu'il cherche à vendre.
"Or, à ce petit domaine, si du moins le prix lui sourit, mon cher Suétone trouve bien des charmes : la proximité de la ville, la commodité de la route, les dimensions modestes de la villa, l'étendue moyenne des terres qui invitent à se distraire plutôt qu'à s'occuper. Pour des intellectuels comme lui, c'est bien suffisant d'avoir juste assez de terrain pour se délasser l'esprit, reposer ses yeux, en faire le tour en flânant, prendre toujours le même chemin, connaître chaque pied de vigne et compter ses arbres." (pages 113-114).


Puis viennent deux lettres très fameuses adressées à Tacite, celles où il relate l'éruption du Vésuve, au cours de laquelle son oncle, Pline l'Ancien, a trouvé la mort. Tout d'abord, la lettre VI, 16 :
"Tu me demandes de te raconter comment mon oncle a disparu pour pouvoir le dire avec plus d'exactitude à la postérité : je t'en remercie. Je vois bien que sa mort est promise à une gloire éternelle si c'est toi qui la célèbres ! [...]
Il était à Misène. Il commandait la flotte en personne. Le 24 août, au début de l'après-midi, ma mère attira son attention sur un nuage à la grandeur et à l'aspect insolites. Il venait de s'exposer au soleil, de prendre un bain froid et, après un repas léger, il était allongé et il travaillait.[..]
Un nuage se formait (de loin, on avait du mal à discerner de quelle montagne il s'élevait mais on sut par la suite que c'était du Vésuve) ; son apparence et sa forme faisaient penser à un pin : d'abord la longue ligne d'un tronc, ensuite un déploiement de branches. [...]
En savant qu'il était, mon oncle se dit qu'il fallait examiner le phénomène de plus près.
[...]" (page 127).

Pline l'Ancien demanda à son neveu s'il voulait l'accompagner, mais ce dernier préféra rester étudier (c'est son oncle lui-même qui lui avait donné du travail).
"Il se hâta vers la zone que tout le monde fuyait, toujours tout droit, cap sur le danger, sans aucune crainte, au point qu'il fit noter sous sa dictée - ou nota lui-même - tous les développements, toutes les formes que prenait le sinistre au fur et à mesure qu'il les découvrait.
Déjà, la cendre tombait sur les bateaux, plus chaude et plus dense à mesure qu'ils avançaient, avec des pierres ponces et des cailloux noirs, brûlés, effrités par le feu ; déjà, il y avait des bas-fonds, et des déjections rocheuses empêchaient d'atteindre le rivage. Il eut un moment d'hésitation. Revenir en arrière ? Son timonier le lui conseillait mais mon oncle lui dit : « La fortune sourit aux audacieux !
[...] »" (pages 127-128).

Dans la deuxième lettre (20, VI), Pline le Jeune raconte ce qui lui est arrivé à lui ainsi qu'à sa mère.
"Nous avions de plus sous les yeux la mer qui se retirait, comme repoussée par le tremblement de terre." (page 132).
Faut-il attendre l'oncle ?
"Alors l'ami d'Espagne dont je viens de parler nous dit avec encore plus d'insistance, de virulence : « Si votre frère et oncle est encore en vie, il veut que vous soyez sains et saufs ; s'il est mort, il aurait voulu que vous viviez après lui. Alors pourquoi tarder à fuir ? »" (page 133)
La mère de Pline le Jeune dit de ne pas s'attarder avec elle, vieille et grosse, et de fuir rapidement. "[...] elle mourrait en paix si elle ne causait pas ma mort en même temps. Je lui pris la main et la forçai à allonger le pas. Mais elle peinait et se reprochait sans cesse de me retarder." (page 134).
Un brouillard épais arrive : Pline décide de quitter le chemin pour éviter de se faire piétiner par la foule lorsqu'il ne sera plus possible de rien voir.
On est en plein jour, mais c'est maintenant l'obscurité. Cris, pleurs, hurlements. La cendre tombe, drue, lourde. "Nous nous levions de temps en temps pour la secouer, sinon elle nous aurait recouverts et étouffés de son poids. Je pourrais me vanter de ne pas avoir crié ni gémi dans un tel danger si je n'avais trouvé une consolation immense et pitoyable à ma condition de mortel en pensant que je disparaissais avec le monde entier et le monde entier avec moi." (page 135).

On pourra lire la totalité de ses lettres (la seizième et la vingtième du livre VI) dans la traduction de C. Sicard sur : http://librairie.immateriel.fr/fr/read_book/2000000621876/3

Dans d'autres lettres, Pline aborde la façon de bien gouverner (partie "Morale et politique"). Voici deux extraits d'une lettre à Maximus (VIII, 24) :
"Un pouvoir s'y prend mal quand il tire sa force des outrages qu'il fait subit, quand il veut se faire respecter par la terreur, et l'affection est bien plus efficace que la crainte. La crainte disparaît dès qu'on tourne les talons ; l'affection, elle, subsiste. La première entraîne la haine, la deuxième le respect." (page 195)

"D'ailleurs, comme tu l'as souvent lu ou entendu dire, il est bien plus déshonorant de perdre sa réputation plutôt que de ne pas en acquérir." (page 196).


Une autre lettre fameuse, adressée à Trajan - et dont on a la réponse, qui figure d'ailleurs dans le recueil - concerne le traitement à réserver aux chrétiens (X, 96).
"Je me demande vraiment [...] s'il faut pardonner à ceux qui se sont repentis ou si un chrétien ne gagne rien à se dédire quand il l'a vraiment été ; si le simple nom de chrétien doit être puni, même en l'absence de crime, ou s'il faut punir les crimes qu'implique ce nom.
En attendant, voici l'attitude que j'ai adoptée envers ceux qui m'étaient déférés comme chrétiens. Je leur demandais, à eux-mêmes, s'ils l'étaient. Quand ils l'avouaient, je leur posais la question une deuxième et une troisième fois en les menaçant du supplice. S'ils persistaient, je les faisais exécuter
." (pages 197-198).

 

Ces lettres de Pline le Jeune, outre qu'elles sont bien écrites, vivantes, sont vraiment très intéressantes à différents titres : pensées, relations de faits hors du commun (le Vésuve), jugements portés sur cette époque par un contemporain cultivé...
Ce sont des "lettres d'art", mais on a parfois l'impression de lire une vraie correspondance privée. A un moment, il reproche à un ami de ne pas lui écrire : même si tu n'as rien à me dire, écris-moi pour me le dire ! De plus, certaines lettres sont très personnelles (celles qu'il adresse à son épouse Colpurnia, par exemple), ce qui rend son auteur très "humain"... mais est-ce un "truc" ? Ferait-on publier des lettres intimes si ce n'est pas pour montrer quelque chose ?



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