Livre.gif (217 octets) Littératures Grecque et Romaine Livre.gif (217 octets)



-
dictées
-
littérature
- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour
Littératures grecque et romaine
<-


Autre littérature :

Littérature japonaise

retour
page d'accueil

 


Sénèque
(Cordoue, entre 4 et 1 avant J.C - Rome, 12/04/65)

 
seneque



"Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca), né à Cordoue, dans le sud de l'Espagne, entre l'an 4 av. J.-C. et l'an 1 ap. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C., est un philosophe de l'école stoïcienne, un dramaturge et un homme d'État romain du ier siècle. Il est parfois nommé Sénèque le Philosophe, Sénèque le Tragique ou Sénèque le Jeune pour le distinguer de son père, Sénèque l'Ancien.

Conseiller à la cour impériale sous Caligula et précepteur de Néron, Sénèque joue un rôle important de conseiller auprès de ce dernier avant d'être discrédité et acculé au suicide. Ses traités philosophiques comme De la colère, De la vie heureuse ou De la brièveté de la vie, et surtout ses Lettres à Lucilius exposent ses conceptions philosophiques stoïciennes. Pour lui :
« Le souverain bien c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu. »

Ses tragédies constituent l'un des meilleurs exemples du théâtre tragique latin avec des œuvres qui nourriront le théâtre classique français du xviie siècle comme Médée, Œdipe ou Phèdre.
" (Wikipedia)

rubens
Rubens : la Mort de Sénèque (1615). Madrid, Musée du Prado.

 

 

théâtre complet
En couverture : Delacroix : Médée (1838).

Phèdre. Traduit du latin et présenté par Florence Dupont (fille de Pierre Grimal qui a lui-même traduit cette pièce). Thésaurus. 82 pages (sur 911).

"Depuis le début de XX° siècle, les tragédies de Sénèque n'avaient pas été traduites en vue de la scène et Sénèque reste aujourd'hui méconnu comme auteur de théâtre. Son théâtre est lu comme un texte littéraire ou philosophique. Pourtant il fut le seul poète tragique connu, admiré et imité à la Renaissance. "Pendant la Renaissance aucun auteur latin n'était plus estimé que Sénèque ; dans les temps modernes peu d'auteurs latins ont été condamnés avec plus de suite." (T.S.Eliot). [...]
Sénèque perdit son prestige au début de l'âge classique au profit des tragiques grecs, sans doute parce qu'il avait incarné, à la Renaissance puis à l'âge baroque, la liberté républicaine et la résistance stoïcienne à la tyrannie. [...] Sa richesse et sa naissance en faisaient un représentant de l'élite sénatoriale. À son théâtre furent donc attribuées des significations politiques : les Italiens du Trecento, par exemple, voyaient dans le roi Atrée de Thyeste la figure d'un tyran de Toscane ; pour les Hollandais persécutés à cause de leur foi, le massacre du peuple d'Ilion dans Les Troyennes devint l'image de la répression catholique contre les protestants. L'absolutisme monarchique censura donc ce théâtre politique et discrédita son inspirateur. En France, Sénèque est une victime du règne de Louis XIV. Pierre Corneille dans la première préface à sa Médée, en 1636, se réclame explicitement de Sénèque ; après 1660, il ne sera plus question que d'Euripide. En 1677, Racine prétendra s'être inspiré seulement d'Euripide pour écrire Phèdre, alors qu'il reprend à la pièce de Sénèque la scène de l'aveu, absente de la tragédie grecque.
" (Florence Dupont, préface de l'édition 2012, pages 5-6).

" [...] ce théâtre n'est pas psychologique et l'action suit un scénario unique, toujours le même, qui est une donnée du code tragique. Ce scénario définit un trajet de l'homme au monstre." (page 6).
Un malheur écrase le héros, qui a le choix : sombrer ou entrer dans le furor.
"Les acteurs, juchés sur des cothurnes, le corps dissimulé par une grande robe, parlant à travers un masque étrange, ont un jeu essentiellement vocal, alternant le parlé-chanté et le chanté, qui communique au public des sentiments exacerbés. [...] Le dolor a la voix sanglotée du rossignol et le furor s'exprime dans un aboiement furieux." (page 7).

Puis, Florence Dupont s'explique sur ses choix de traduction : pas de ponctuation (parce qu'il n'y en a pas en latin), termes géographiques contemporains pour éviter un sentiment de monde disparu qui n'existait pas à l'époque...

"La Phèdre de Sénèque est la tragédie d'un impossible ailleurs. Au prologue Hippolyte danse son rêve de chasseur sauvage ; s'il succédait à son père il ferait de l'attique un territoire de chasse d'où serait bannie toute civilisation." (présentation de Phèdre, page 16).

hippolyte
Hippolyte, ses compagnons de chasse, Phèdre et la nourrice. Naples, Musée Archéologique national. Collection Fernese. (photo trouvée sur : http://ancientrome.ru/art/artworken/img.htm?id=5029 )

Au début, Hippolyte est dans la forêt, avec ses compagnons.
"Là-bas !
Allez dans la nuit encercler les forêt !
Allez encercler les sommets !
Enfants de Cécrops, vite dispersez-vous !
Quadrillez les pentes caillouteuses du Parnasse !
Qaudrillez la vallée de Thrie
La vallée aux torrents coupés de rapides
Montez à l'assaut des neiges éternelles !
Vous ! Par ici !
Vous, allez dans les bocages !
Des haies d'aulnes séparent les prés
Les souffles du printemps font frissonner la jeune herbe
Et la nourrit de rosée
Vous, allez dans les champs de poussière
Que coupe le lit de l'Illissos
Comme un oued africain il rabote cruellement les sables arides
De ses eaux capricieuses
" (page 19).

Phèdre est seule. Son mari, Thésée, est parti - avec son amant Pirithoüs - enlever la femme du roi des Enfers.
Comme si cela ne suffisait pas, Phèdre est tombée amoureuse de son beau-fils, Hippolyte.
"PHEDRE
Faut-il y reconnaître la tare héréditaire
Les affreuses tendances de ta mère ?
Car chez nous on découvre les plaisirs coupables dans la sauvagerie des bois

Ma mère, ma pauvre mère
Ton affreuses maladie ! Rien ne t'arrêtait
Tu as séduit le chef d'un troupeau sauvage
Il était furieux et brutal
Il vivait sans frein et guidait une horde sans loi
Un taureau fut ton amant de passage
Mais au moins lui
Il savait faire l'amour [...]
Jamais une fille de Minos ne connaîtra des amours sans drame
Elle ne célébrera jamais que des noces interdites
" (page 25)

"LA NOURRICE
Où vas-tu malheureuse ?
Ajouter au déshonneur de ta famille ?
Surpasser ta mère ?
Son amour était monstrueux
Le tien est pire, il est pervers
La fatalité envoie les monstres
Les perversions sont inventées par les hommes.
" (page 25).

 

hippolyte et phèdre
Phèdre et Hippolyte. Rome, vers 290. Phédre assise à gauche, Hippolyte au milieu et à droite Thésée assis (voir http://www.photo.rmn.fr/archive/94-054033-2C6NU00USCBQ.html )


La nourrice demande à Phèdre comment elle pense pouvoir séduire Hippolyte.
"LA NOURRICE
Et lui s'arrêtera ? Se laissera séduire ?
Tombera de la chasteté dans l'inceste ?
Pour toi il oubliera son horreur de la femme ?
Tu ne pourras même pas lui parler. C'est une bête fauve insensible aux paroles.

PHEDRE
Chez nous, on a de bonnes raisons de savoir que les fauves sont sensibles à l'amour.
" (page 32).
Comme on le voit, il y a un peu d'humour chez Sénèque.

La nourrice va parler à Hippolyte.
"HIPPOLYTE
Tu parles de vivre libre ? Tu parles de vertu ?
Alors il faut fuir les murs
Les murs des villes et les murs des maisons
Aller vivre dans les forêts
C'est là qu'on trouve la vertu et les traditions d'autrefois
Là-bas dans les montagnes vivent les Purs
Libres de la rage de posséder
Libres de la rage de gouverner
Les peuples versatiles et les foules infidèles
Insensibles à la jalousie mortelle
Aux succès éphémères
Ils n'obéissent ni aux caprices du tyran
Ni à la tyrannie de leurs ambitions
Ils regardent indifférents
Les drames du pouvoir et la puissance qui passe de mains en mains.
" (page 48-49).

Hippolyte tient un discours clairement subversif.

Phèdre et Hippolyte
Phèdre et Hippolyte. Fin du deuxième siècle. Parc Archéologique de Paphos (reproduction trouvée sur : http://ancientrome.ru/art/artworken/img.htm?id=2644 )

Tout comme chez Euripide, Hippolyte déteste les femmes. Mais chez Sénèque, c'est moins concis :

"Je passe sur les belles-mères, elles ont la férocité des fauves
Dans cette jungle humaine
La reine c'est la femme
Hypocrite et criminelle
Elle connaît toutes les grimaces et capte les coeurs
Sans parler de celles qui, débauchées, incestueuses, adultères
Défont les cités par centaines
Ruinent les royaumes par milliers
Envoyant les hommes à la guerre et livrant les peuples à l'esclavage
Un seul nom, rappelle-toi !
La femme d'Egée, souviens-toi !
La belle-mère de Thésée
Médée !
Celle qui marquera à jamais la sombre race des femmes.

LA NOURRICE
Pourquoi reprocher à toutes
Les crimes de quelques-unes ?

HIPPOLYTE
Parce que toutes je les vomis
Parce que leur seule vue me glace d'horreur et de dégoût
Parce que je les fuis, je les maudis, je les exècre
Tout me le prescrit
La raison, la nature, une fureur sauvage
J'aime les haïr.
" (pages 52-53).

Plus loin :
"HIPPOLYTE
Ma mère est morte
J'en suis heureux
Désormais je peux haïr toutes les femmes
Toutes sans exception
" (page 54).

la lettre
Phèdre tend à sa nourrice la lettre accusant son beau-fils Hippolyte. Ier siècle. Casa di Giasone, Pompeii. Actuellement à Naples, Musée National Archéologique.

Contrairement à la pièce d'Euripide, Phèdre et Hippolyte se parlent (comme chez Racine). Hippolyte cherche à comprendre ce que sa belle-mère veut dire.
"PHEDRE
Les soucis sont bavards
Les tourments sont muets
" (page 56).

Par rapport à la pièce d'Euripide (Hippolyte), les passages dans la nature sont plus lyriques, sans doute très beaux en latin ; de plus, chez Sénèque, l'histoire est un peu plus complexe, il y a plus d'éléments : Thésée est absent, il est allé aux Enfers, et une rumeur le tien pour mort. Dès lors, Phèdre se dit qu'elle a une excuse pour faire des avances à Hippolyte (ce qui n'empêche pourtant pas Hippolyte de rester son beau-fils). L'inconvénient - dans l'optique d'une lecture actuelle - , c'est que trop de choses arrivent en même temps, il y a des hasards, c'est moins "crédible", moins sobre que chez Euripide.
Dans un style différent d'Euripide, ramassé, c'est aussi une très bonne pièce.

 

- Retour à la page Littératures Grecque et Romaine -

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)