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ARISHIMA Takeo (有島 武郎)

(Tokyo, 04/03/1878 - Karuizawa, 09/06/1923)

ARISHIMA TAKEO

"Arishima est né à Tokyo au sein d'une famille aisée, son père étant un ancien samouraï travaillant au Ministère des finances.
Éduqué d'abord dans une école missionnaire anglo-nippone de Yokohama dès l'âge de quatre ans, où il apprit l'anglais, on le transféra à la prépa de la prestigieuse école Gakushūin à l'âge de dix ans.
Il entre à l'Université d'agriculture de Sapporo [...] Pendant ses études, il tenta un suicide avec son ami Morimoto Kōkichi (森本厚吉), qui créera plus tard plusieurs écoles féminines au Japon. [...] il se convertit au christianisme en 1901.

Après avoir fini ses études supérieures, en juillet 1903 il devint correspondant aux États-Unis pour un journal. Il prit des cours à l'Université Harvard. Il écrira sur ses années en Amérique dans son journal intime.

Pendant son séjour aux États-Unis il devint très critique envers le christianisme, le socialisme l'intéressa, et devint influencé par des auteurs occidentaux, dont Walt Whitman, Henrik Ibsen et Pierre Alexeiévitch Kropotkine. Ses années en Amérique, ainsi que son année en Europe influencèrent fortement son style littéraire ainsi que sa manière de voir le monde, résultant en une aliénation de la société japonaise.

Après son retour au Japon en 1907, il devint, en 1909, professeur d'anglais et d'éthique.
Avec d'autres d'écrivains, parmi lesquels Naoya Shiga, il créa un magazine littéraire, Shirakaba (白樺, Bouleau Blanc), dont la première édition fut publiée en 1911.
Il écrira des romans et des critiques et devint l'une des figures centrales du groupe.

En 1909, il publia son œuvre la plus connue : Une Certaine femme (或る女, Aru Onna ; traduit en français sous le titre : Les Jours de Yôko), un drame moral et psychologique sur une femme luttant contre une société hypocrite dominée par les hommes. Dans Les Descendants de Caïn (カインの末裔, Kain no Matsuei), publié en 1917, il décrit la malédiction de Dieu du point de vue d'un agriculteur autodestructeur. Malgré de bonnes critiques reçues pour son style, les thèmes et les personnages des œuvres d'Arishima n'attirèrent pas beaucoup de lecteurs contemporains japonais.

En 1922, Arishima mit en pratique la philosophie socialiste qu'il avait développée en renonçant à un grand fermage sur l'île d'Hokkaidō qu'il avait hérité de son père, déclarant publiquement qu'il voulait s'éloigner des petits bourgeois avant une révolution qu'il croyait proche.

Arishima se maria en 1910, mais sa femme mourra six ans plus tard, atteinte de la tuberculose, lui laissant trois enfants [...].

En 1922 il ouvre l'usine « Arishima » sur l'île d'Hokkaidō. La même année, il rencontra Hatano Akiko, une femme mariée travaillant comme éditrice pour un célèbre magazine féminin.
Une relation amoureuse se développa ; finalement découverts par le mari de Hatano, les amoureux se suicidèrent par pendaison le 9 juin 1923 à Karuizawa. Leurs corps ne furent retrouvés que le 7 juillet, en pleine saison des pluies ; en état de décomposition avancé, il ne fut donc pas possible d'établir l'existence d'un testament ou d'un dernier message quelconque.
" (d'après Wikipedia).
Ses deux frères cadets étaient écrivains : Ikuma Arishima et Ton Satomi, ce dernier étant l'auteur de deux romans apdaptés par Ozu Yasujirô : Fleurs d'équinoxe (1958) et Fin d'Automne (1960).
On pourra lire des textes de Ton Satomi dans Neuf nouvelles japonaises, ainsi que la nouvelle Le Camélia, dans le tome II de Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines (chez Gallimard)

 

les jours de yoko
Couverture : oeuvre de Shinsui Itō.

- Les Jours de Yôko (Aru Onna, 或る女). Roman traduit en 1926 par M. Yoshitomi et Albert Maybon. Revu et présenté par Christian Galan, 200 pages. Picquier poche.
"Première femme véritablement moderne de la littérature japonaise, révoltée, lucide, passionnée, Yôko est aussi, sans aucun doute, dans ses désirs d'ailleurs et d'amour, le personnage féminin le plus actuel des romans japonais d'avant-guerre." (préface, page 5).
Christian Galan écrit qu'il a retouché certains aspects de la traduction (actualisation du vocabulaire, suppression d'archaïsmes), "mais sans jamais remettre en cause les choix initiaux des deux traducteurs, notamment les nombreuses coupures qu'ils ont effectuées et les non moins nombreux raccourcis qu'ils ont pris par rapport au texte original. Traduttore, traditore, le refrain est connu, mais force est de constater que Yoshitomi et Maybon ont pris de très grandes libertés avec le texte qu'ils entendaient servir - et en ce sens, Aru onna est sans doute aujourd'hui à traduire." (pages 14-15). Malgré tout "le roman reste d'une étonnante intensité et d'une grande fidélité à la « moelle » même de l'oeuvre originale." (page 15).

" [...] dans un Japon où un individu, du moment qu'il était de sexe féminin, ne pouvait se réaliser qu'au sein de la routine conjugale ; dans un Japon, enfin, où il était impossible de se marier par amour et où l'union était arrangée par des tiers, le livre d'Arishima et le personnage de Yôko ne pouvaient que choquer les esprits. Ce qu'ils firent." (page 16)

Dès le début, on voit Yôko qui mène, d'une façon pas très sympathique, un jeune homme par le bout du nez.
Yôko est extrêmement belle, ou du moins elle fascine les hommes, qui se transforment tous illico en loup de Tex Avery.

loup de tex avery

Puis viennent des détails signifiants sur sa vie, et notamment :
"Elle avait commencé l'étude du violon au conservatoire de musique, dans le parc d'Ueno, et ses progrès en deux mois avaient été prodigieux. Mais le docteur Köber ne se montrait pas satisfait. Un jour il lui dit : « Votre violon vibre à cause de votre esprit, non à cause de votre talent.
- Vraiment ? »
Elle jeta son violon par la fenêtre. On ne la revit plus au conservatoire.
" (page 26)

Sa conception de la femme libérée, c'est de faire ce qu'elle veut quand elle le veut, sans penser aux conséquences. Après, si tout ne s'arrange pas par chance, elle se plaint. Et, comme de bien entendu, l'herbe est plus verte ailleurs. Elle en vient à penser des stupidités qui montrent à quel point elle ne connaît pas son propre pays :
"Elle s'était mise à penser qu'elle eût été plus heureuse si elle était née dans un pays étranger. Que demandait-elle ? Rien que de vivre libre ! Elle ne pouvait admettre que la femme dût reculer devant l'homme, que la tradition vînt limiter sa liberté. Dans ces moments-là elle enviait le sort des geishas. Elle estimait même que, seules au Japon, les courtisanes vivaient une vraie vie. Ainsi égarée, elle tomba plusieurs fois et dut essuyer seule la poussière de ses genoux. Elle avait atteint l'âge de vingt-cinq ans." (page 52).
Vivre libre... on me demandera comment. C'est simple : en étant journaliste (profession qui, dans la plupart des cas, ne semble pas requérir de capacités particulières).

Autre stupidité : "L'homme est plus heureux que la femme car tout lui est permis, tandis que la femme attire la critique si elle agit comme il lui plaît..." (page 59)
Agir comme il lui plaît : par exemple, jouer avec les hommes. Elle ne se souvient même plus de celui-ci, qui se dresse devant elle : "Cet homme était sans doute un de ceux qu'elle avait accueillis et quittés au gré de sa fantaisie. Peut-être avait-elle joué avec le coeur de ce malheureux." (page 79). Elle est tellement pleine d'elle-même qu'elle ne se souvient même plus des gens...

Yôko, avant le début du livre, s'est mariée à un homme sans le consentement de sa famille à elle, en grande partie pour la contrarier : s'opposer systématiquement, pour Yôko, c'est montrer sa liberté, ce qui est bien sûr idiot : "Son amour était devenu de plus en plus ardent à mesure que la résistance de sa famille, de la société avait grandi. Il s'était flétri dès que cette opposition avait cessé, et Yôko avait examiné l'objet de sa passion avec des yeux de critique impartial" (page 134).
Elle a eu un enfant.

Maintenant, alors que le livre commence, elle a l'occasion de se remarier avec un homme, un Japonais établi aux Etats-Unis, qui pourtant connaît sa situation mais qui, en bon chrétien, accepte la Pécheresse.
Pour le rejoindre, Yôko prend le bateau. Aurait-elle pris l'avion qu'elle aurait moins eu le temps de réfléchir, et aurait certainement rencontré moins de marins. Ah, le marin musclé, souple, au charme animal, en totale rupture avec le petit Japonais qu'elle s'apprête à rejoindre...

Mais les Etats-Unis, c'est peut-être un chouette coin. "Peut-être que là-bas le charme féminin est libre de tout joug et peut agir par son propre pouvoir... Peut-être que là-bas, avec de l'intelligence et des talents, la femme sait faire reconnaître sa valeur sans l'aide de l'homme... Peut-être est-il possible, pour elle, de respirer librement... »" (page 96).
On voit son hypocrisie : elle parle de "valeur", mais aussi de "charme féminin". Elle compte surtout là-dessus. Elle considère comme une injustice de ne pas être née homme pour pouvoir faire ce qu'elle veut (mais était-ce vrai au Japon dans les années 20 ? on peut franchement en douter). Et, dans le même temps, elle considère comme normal que, ayant la chance d'être belle - mais n'ayant rien fait pour le mériter - , elle puisse dominer les autres. Là, ce n'est que justice. "Parce que je le vaux bien", en somme.

Ajoutons à cela un désagréable "instinct de domination" (page 128) : "Je suis née à une époque qui n'était pas la mienne, dans un pays où je n'aurais pas dû naître. Ah ! en un autre lieu, à un autre moment du temps, j'aurais été reine ! Je voudrais découvrir ce lieu, j'étonnerais bien ces femmes qui d'abord sympathisèrent avec moi, puis me trahirent, satisfaites de leur condition où qu'elles se trouvent. Je voudrais tout tenter pour réussir tant que je suis jeune !" (page 133)
Elle rêve donc d'être reine, de dominer les autres, grâce à ses qualités personnelles, c'est-à-dire sa beauté. Elle veut épater les gens non pas grâce à ce qu'elle est, mais par sa situation... Et comment deviendrait-elle reine, si ce n'est en épousant un roi, et donc en parvenant à ses fins grâce à un homme ? Elle s'empêtre dans ses contradictions.

Elle rêve d'autre chose que son quotidien : "N'y a-t-il pas d'autre vie ? Où se trouve celui qui me donnera la vie véritable ?" (page 136).


Je veux bien qu'on me dise qu'il s'agit d'une dénonciation de la condition de la femme, comme quoi la société l'empêche de réaliser de grandes choses, mais il aurait fallu trouver une autre héroïne, qui aurait eu de vraies qualités, qui aurait tenté quelque chose, et aurait été empêchée d'effectuer de brillantes réalisations...
Yôko est censée lutter contre une société hypocrite, mais elle-même l'est tellement qu'il est difficile de la plaindre.

On a l'impression de voir un film des années 20, la vamp insupportable qui fascine les hommes...
Mais qu'en est-il du vrai roman, celui qui reste à traduire ? Qu'est-ce que les traducteurs des années 20 ont changé ?
On le saura peut-être un jour, si ce roman est traduit correctement. On découvrira peut-être alors une vraie critique sociale, qui sait ?

 



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