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KATAYAMA Kyoichi

(Préfecture de Ehime, 1959 - )
katayama ky

Le grand titre de gloire de Katayama Kyoichi est d'avoir écrit Un cri d'amour au centre du monde : le plus gros best-seller japonais de tous les temps (comme on dit, pour faire croire qu'on existait depuis le début). Il a écrit d'autres livres, qui n'ont pas été traduits en français ni en anglais. Ce n'est sans doute pas bien grave.

un grand cri d'amour

- Un cri d'amour au centre du monde (Sekai no chushin de ai o sakebu, 2001, Presses de la cité, 233 pages, traduit en 2006 par Vincent Brochard).
Tout d'abord tiré à 8000 exemplaires (source : http://en.wikipedia.org/wiki/Socrates_in_Love), le livre s'est vendu à quelque 3 500 000 exemplaires (battant La Ballade de l'Impossible, livre qui prouvait que gros tirage et qualité pouvaient aller de pair).

Notre héros, Sakutaro aimait notre héroïne, Aki, d'un amour tendre. Mais Aki mourut d'une leucémie (tiens, ça rappelle - mais en version ado- Love Story, mis en images par Arthur Hiller ; on peut d'ailleurs écouter la musique de Francis Lai, ça rendra le livre encore plus émouvant).
Aki se remémore les chouettes moments qu'ils avaient passés ensemble, la découverte de leur amour, leur joli petit flirt, tout ça.
"
Je me suis endormi peu de temps après le décollage. Dans mon rêve, elle riait. Avec cet air un peu gêné qu'elle prenait dans ces cas-là. Elle m'appelait. Elle murmurait «Saku'chan » Je me souvenais encore distinctement du son de sa voix. Si seulement ce rêve avait été la réalité et la réalité, un rêve. Mais cela était impossible. C'est pour cela que je pleurais chaque fois que j'ouvrais les yeux. Pas parce que j'étais triste. Lorsqu'il me fallait quitter mon rêve pour la réalité, je devais franchir une faille et ce n'était qu'en versant des larmes que j'y arrivais. Je ne pouvais pas faire autrement." (page 9).
Alors, Sakurato se souvient de leurs conversations, du genre (c'est Aki qui commence à parler) :
"
- C'est étrange quand même, quelqu'un qui pratique le kendo d'un côté et qui écoute du rock de l'autre. Je trouve que cela ne va pas du tout ensemble.
- Mais dans le kendo, quand on a frappé la tête ou une autre partie du corps de son adversaire, on a une sensation de détente. C'est pareil avec le rock.
- Mais tu n'as pas toujours ce sentiment de détente, si ?
- Toi, tu ne connais jamais cette sensation ?
- C'est-à-dire que je ne comprends pas vraiment ce que tu veux dire par « sensation de détente ».
En fait, moi non plus je ne savais pas vraiment ce que je voulais dire par là.
" (pages 16-17).
Wouah.
Alors le temps passe, nos tourtereaux étaient au collège... puis ils passent au lycée.

Que dire d'autre ?
Ce livre, c'est un peu un festival d'occasions ratées. Par exemple, Sakutaro habite une maison dans l'enceinte de la bibliothèque municipale. (page 18). L'auteur aurait pu en tirer quelque chose, même pas vraiment, ça l'occupe juste une page ou deux, à expliquer comment la famille a atterri là.

Plus loin, Aki propose à Sakutaro d'écrire un journal croisé :
"
- C'est un journal intime que s'échangent un garçon et une fille et dans lequel ils notent à tour de rôle ce qui leur est arrivé dans la journée, leurs pensées, leurs sentiments.
- Mais c'est ennuyeux à mourir, un truc pareil. Ne compte pas sur moi. Tu ne veux pas trouver quelqu'un d'autre dans ta classe ?
- Mais on ne peut pas faire cela avec n'importe qui.
" (page 29)
A ce stade de l'histoire, Sakutaro a encore une excuse, il n'est pas encore un abruti amoureux, il est juste un abruti qui n'a pas encore réalisé qu'il était amoureux de la fille qu'il adore rencontrer et voir (il est un peu lent à la comprenette). Et voilà, « c'est trop nul » dit Sakutaro devant une page à écrire. Et on passe à autre chose.

On a aussi quelques analyses sociologiques :
"
Plus le nombre de femmes poursuivant des études augmente, plus les divorces se multiplient. Plus le niveau des études s'élève, plus on est malheureux. Tu ne trouves pas cela étrange ?
- Ce n'est pas parce qu'on a divorcé que l'on est malheureux.
" (page 124)

...mais parfois les dialogues sonnent faux :
"
- Cela me fait penser aux bonzesses.
- Tu veux parler des religieuses ?
" (page 141).
Évidemment, si encore il avait dit "religieuse", on aurait peut-être pu penser à la pâtisserie...

On sait dès le début que Aki est morte, mais Katayama ajoute une quantité d'allusions à une catastrophe à venir : enterrement, sensation que le bonheur ne dure pas toujours, qu'il y a peut-être une quantité limitée de bonheur dans une vie, et que Sakutaro est sans doute en train de l'épuiser.

L'Amour est-il éternel, peut-il se poursuivre après la mort ?
Que peut-on faire face à la mort ("
Mais à quoi bon ? Aki n'était plus là. A quoi bon parler, se disputer ? Plus rien n'existait.", page 72).

Un livre au style vraiment quelconque, une histoire qui l'est presque autant (mais qui a déjà été adaptée plusieurs fois au cinéma...). Alors, pourquoi un tel succès (au Japon) ?
Et pourquoi le lire ? Plusieurs raisons :
1/ Parce qu'il peut être culturellement intéressant de connaître ce qui a du succès ailleurs ;
2/ Parce que, après avoir bu un bon vin et avant d'en boire un autre, il est parfois judicieux de se rincer la bouche avec un liquide neutre.

Je n'ai jamais lu de Marc Lévy, je ne peux donc pas légitimement comparer, mais j'imaginerais bien un joli bandeau rouge sur la couverture du genre : "par le Marc Lévy Japonais." Ca ferait vendre (en France).


Comme souvent dans les traductions de livres japonais, les traducteurs se trompent dans les titres de rock, ou dans les noms de groupes. Ce n'est pas aussi catastrophique que pour la traduction de Bleu presque transparent de Murakami Ryu, mais quand même (page 124)... Sur trois groupes, trois fautes. Un 100%, quoi :
- Quick Silver Messenger Service au lieu de Quicksilver Messenger Service ;
- Big Brother & the Olding Company au lieu de Holding Company (un des groupes de Janis Joplin, quand même...) ;
- Creedance Clearwater Revival au lieu de Creedence Clearwater Revival.

C'est curieux, un traducteur qui met quelques utiles notes de bas de page (notamment pour expliquer l'une des origines possibles du mot Fuji), mais qui à côté n'a sans doute même pas consulté internet pour vérifier le nom des groupes... Il n'y a pas de correcteurs non plus ?


A noter que l'auteur avait voulu donner à son roman le titre "Socrates in Love", terme repris d'un livre de Gilles Deleuze et Félix Guattari, est-il dit sur le blog http://gally.tran.free.fr/?p=21 qui, outre des photos du drama tiré du livre (voir plus bas), donne un extrait d'interview laissant penser que les intentions de l'auteur sont sans doute plus profondes que son résultat ("
Quand l’autre personne est confrontée à la mort, regarder la réalité en face devient une forme de violence coercitive. Que pouvez-vous et que devriez-vous faire pour elle? Réfléchir à ces choses, bien sûr, ne la sauvera pas.")



Adaptations tirées de son oeuvre :
- Un cri d'amour au centre du monde (Sekai no chûshin de ai o sakebu, 2004), réalisé par Yukisada Isao. Pas mal de récompenses.
- Parang-juuibo ("My Girl and I" pour l'international ; remake Coréen du film d'après Un Cri d'amour au centre du monde, 2005), réalisé par Jeon Yun-su. L'affiche du film laisse présager le pire.
cri le film
- Un cri d'amour au centre du monde (Sekai no chûshin de ai o sakebu, 2004), série télé réalisée par Tsutsumi Yukihko (11 épisodes de 47 minutes).

En Manga :
- Socrates in love (Un cri d'amour au centre du monde), dessins de Kazui Kazumi.


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