- dictées
- listes
- liens recommandés
-> retour Japon <-
retour
page d'accueil
|
MURAKAMI Ryû
(né en 1952)
Né en 1952 à Sasebo (près d'une base américaine), il
est parti étudier aux beaux-arts de Tokyo et a vécu à Fussa (de nouveau près d'une
base de l'US Army). Il a publié son premier roman, Bleu presque transparent, en 1976 (prix Akutagawa). Il passe une partie de son temps aux Etats-Unis. Il a réalisé
plusieurs films.
Bleu presque transparent (traduit du
japonais par Guy Morel et Georges Belmont ; 1976, traduction 1997. Picquier Poche ; 204
pages)
Il s'agit du premier roman de l'auteur.
Il se présente sous la forme d'une succession de
courts chapitres, retraçant quelques journées de la vie d'un groupe d'adolescents issus
de la "génération perdue" : sexe, drogue, musique (rock) sont leur quotidien
(qu'ils partagent bien volontiers avec des soldats américains basés au Japon), le tout
au milieu de ce qui a tendance à se rapprocher d'un tas d'immondices.
L'histoire patine
rapidement, comme on le constate face aux nombreuses scènes de partouzes, décrites de
manière extrêmement crue ("truc" racoleur que l'on trouve chez nombre
de jeunes auteurs qui veulent se faire remarquer rapidement : Yamada Eimi, Rieko Matsuura,
etc.).
On a également droit à un grand nombre de scènes où les jeunes
se droguent par tous les orifices possibles, ce qui donne lieu à un nombre incalculable
de vomissements (on pourrait d'ailleurs lancer un concours destiné à en déterminer le
nombre exact).
La déchéance de ces jeunes est censée illustrer l'absence d'âme de la société, si
l'on en croit la quatrième de couverture ; c'est un peu facile. Au total, un bouquin
très surestimé, très "tendance".
A noter que ce livre, plus ou moins autobiographique ("moitié vrai, moitié pas
vrai"), a reçu le prix Akutagawa et s'est vendu à un million d'exemplaires en six
mois, ce qui en fait un succès que l'on peut rapprocher de celui de La Ballade de
l'Impossible (de Murakami Haruki, sans aucun
rapport familial avec Murakami Ryû) ou de Kitchen (de Yoshimoto
Banana).
Ce qui est amusant quand des références européennes
sont transcrites en japonais puis retraduites en français, c'est qu'on voit tout de suite
quand les traducteurs ne savent pas exactement de quoi ils parlent.
Deux exemples tirés de ce livre :
- page 8 : "Il doit y avoir un vieux truc d'Elia Kazan avec Roman Brand". (page
8). Euh... voudraient-il parler de Marlon Brando ? Il s'agirait alors au choix de Viva
Zapata, On the Waterfront ou, plus probablement, d'Un Tramway Nommé
Désir...
- page 119 : "Une fille en tailleur de lamé bleu est en train de chanter Me and
Bobby Maggy ; mais impossible de distinguer les paroles." Evidemment, puisqu'il
s'agit de Me and Bobby McGee, le titre de Kris Kristofferson immortalisé par
Janis Joplin !
Ou bien alors, je n'ai pas compris, et les traducteurs voulaient mettre en lumière
l'inculture des héros du livre ?
1969. Roman traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier (1987, traduction 1995. Picquier Poche ; 253 pages)
Il s'agit d'un roman en partie autobiographique, malheureusement à part dans l'oeuvre de Murakami Ryû.
L'auteur y raconte ses souvenirs. La trame de l'histoire, en gros, c'est que le narrateur veut organiser un festival, réaliser un film d'avant-garde pour épater les filles en général, et une en particulier. Mais comment faire ? Les problèmes abondent : où se procurer une caméra, comment convaincre la jeune beauté qui lui a tapé dans l'oeil de devenir son actrice principale, etc.
"" (page 23).
Dix-sept ans en 1969, c'est le bon temps pour les bêtises commises avec la bonne conscience de son côté : qu'il est doux de secouer le carcan de la société conformiste ! ("", page 153).
Mais secouer la société ne suffit pas, tout est bon pour se démarquer des autres, pour poser : "" (page 78).
Se distinguer des autres, c'est bien, mais frimer, c'est mieux : "" (page 79).
Ou encore : "" (page 18). Au-delà de l'humour, on peut évidemment distinguer une critique de la difficulté d'accès à une culture non américaine (enfin, peut-être).
Le narrateur n'a donc que la superficialité des références sans vraiment les comprendre ("", page 180. - comme quoi, si les films de Godard avaient été diffusés jusque dans la pointe ouest du Kyûshu, il ne serait pas forcément allé les voir). Et n'a de conscience politique que ce qu'il faut pour parvenir à des fins plus importantes, comme lors de cette discussion avec la mère d'un de ses camarades, qui cherche à percer les motivations de la révolte des jeunes face à la société :
"" (pages 154-155).
Plus que les filles en général, il est intéressé par une fille en particulier, dont il parle presque comme une déesse (avec un style qui se rapproche parfois, curieusement, de celui de l'écrivain Jérôme Paulat) : même lorsqu'il marche à côté d'elle, "" (page 224).
Concernant la forme,
Murakami Ryû utilise à plusieurs reprises un procédé cinématographique classique (qui abonde par exemple dans l'excellente série Six Feet Under) : il raconte une scène, l'arrête brusquement, puis montre ce qui s'est vraiment passé, ou du moins ce qu'il présente comme tel (si on cherche à tout prix de la profondeur dans ce livre, on pourrait y voir une réflexion rudement poussée sur la re-création de sa propre vie par l'Artiste). Par exemple, après avoir fichu un beau désordre dans le bahut, il faut rapidement avertir les médias avant que les autorités honnies ne fassent disparaître les aspects les plus visibles de l'acte subversif commis :
" ". (page 105).
Murakami enchaîne bien ses chapitres en les terminant généralement avec une ouverture directe sur la suite (exemple, page 193 : "").
Bref, 1969, c'est un livre drôlement marrant, sympa comme Le Péril Jeune de Cédric Klapisch. Un roman bien enlevé, très référentiel (il suffit de lire les titres des chapitres : "Arthur Rimbaud, Lady Jane, Daniel Cohn-Bendit, Claudia Cardinale, L'Imagination au Pouvoir!, Just Like a Woman, Alain Delon, Lyndon Johnson, Cheap Thrills, Wes Montgomery, etc. Notez qu'avec autant de mots-clefs connus sur cette page, je vais gagner en notoriété : c'est justement le genre de remarque que l'auteur fait pour montrer qu'il est aux manettes).
Et, contrairement à de nombreux livres publiés récemment (Appel du Pied, par exemple), qui sont des livres de jeunes écrits par des jeunes, basiques, sans aucun détachement, celui-ci gagne énormément par le regard ironique que Murakami Ryû porte sur son adolescence et par son omniprésence d'écrivain-metteur en scène ("", page 197). Ce détachement permet de percevoir une analyse des motivations qui arrache le roman de la superficialité qu'il revendique.
Le livre se finit, comme il se doit, sur une petite couche nostalgique, sans laquelle le passé ne serait pas vraiment une autre forme du présent (et hop, une phrase pour donner à réfléchir).
Sur le blog d'Umi ( http://pollanno.blogspot.com/2005/10/69-anne-ironique.html ), vous trouverez une très bonne critique (qui m'a fait lire ce roman, malgré tout le mal que j'avais pensé de Bleu presque transparent) différente et complémentaire (moins de citations, plus d'histoire racontée, et plus d'analyses également. Même les références cinéphiliques sont différentes, Umi faisant référence à "Nous nous sommes tant aimés", le film d'Ettore Scola, auquel j'avoue que je n'aurais pas pensé immédiatement).
Egalement disponibles en français :
- La Guerre commence au-delà de la Mer (1977)
- Les Bébés de la consigne automatique (1980)
- Raffles Hotel
(1989)
- Ecstasy (1993)
- Kyoko (1995)
- Miso Soup (1997)
- Lignes (1998)
- Parasites (2000). Prix Tanizaki.
- Melancholia (2000)
- Thanatos (2005)
- Love & Pop (2009)
- Chansons populaires de l'ère Showa (2011)
Films : Murakami Ryu, s'illustrant dans
tous les genres, a réalisé les films suivants, sans grand succès :
- Bleu Presque transparent (1980)
- Daijobu, mai furendo (1983) (All right My Friend)
- Raffles Hotel (1989)
- Topazu (1992) (Tokyo Decadence) sorti en France en novembre 1999
- Kyoko (2000) (Because of You en anglais)
Il a également été adapté :
- Hashire! Ichiro (2001), réalisé par Omori Kazuki, scénariste de plusieurs Godzilla, notamment du bien marrant (cultissime ?) Godzilla contre Mothra la mite géante, il en a également mis plusieurs en scène.
- Odishon (2000) réalisé par l'ultra prolifique Miike Takashi, et sorti en France en mars 2002 (Mention spéciale de l'International Fantasy Film - prix au Festival International de Rotterdam). La fameuse scène traumatisante est effectivement à déconseiller aux âmes sensibles, et à beaucoup d'autres, d'ailleurs...
- Hashire! Ichiro (2001), réalisé par Kazuki Omori
- Shôwa kayô daizenshû (2003), réalisé par Shinohara Tetsuo, le réalisateur de Inochi, d'après Yu Miri.
- 69 (2004) réalisé par Sang-il Lee
- Coin Locker Baby (prévu pour 2008), adapatation des Bébés de la consigne automatique, avec à la réalisation un certain Michele Civetta, dont c'est le premier film. Avec Val Kilmer, mais aussi (et heureusement) Asia Argento, Asano Tadanobu, Vincent Gallo, Liv Tyler et Sean Lennon (qui a également participé à l'écriture du scénario).
- Hantou o dero (2011), réalisé par Sang-il Lee.
- Retour à la page Littérature japonaise
-
|