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KITANO Takeshi

(Tokyo, 18/01/1947 - )

kitano takeshi

Un des grands réalisateurs japonais actuels, Kitano Takeshi a souvent été comparé à Coluche pour ses émissions satiriques provocatrices (dont on retrouve l'esprit dans Getting Any ? - pénible, les titres anglais pour les films japonais).
Il est également acteur de cinéma (Furyo) et est en plus passé à la réalisation dans Violent Cop, remplaçant Fukasaku Kinji (le réalisateur de Combat sans code d'honneur et Battle Royale).
Ses films les plus fameux sont Sonatine, Hana-Bi...

Mais comment tout cela a-t-il commencé ? Eh bien, il a quitté l'université et... c'est l'objet de son livre Asakusa Kid.

asakusa kid

- Asakusa Kid (Shincho-sha, 1988 ; Le Serpent à plumes, 1999, 261 pages, traduit par Karine Chesneau).
La traductrice prévient, dans son introduction : "Largement émaillé d'argot (style en usage courant autrefois au Japon entre un chef et son subalterne), le récit de Kitano raconte avec de croustillantes anecdotes comment il apprend le métier de fantaisiste pour interpréter des sketchs destinés à s'intercaler entre les numéros de strip-tease. Sketchs dont la trame souvent vulgaire, voire scatologique, provoque des tempêtes de rire parmi le public japonais alors qu'elle peut laisser le lecteur étrranger relativement insensible. Cet état de fait est d'ailleurs une constante dans la littérature japonaise, dont les jeux de mots et niveaux de pensée sont difficilement traduisibles. Ce qui explique sans doute pourquoi le lecteur français considère souvent cette littérature comme sombre et torturée" (pages 9-10).

Laisser le lecteur étranger insensible, on pourra le vérifier (ou non) : les trente dernières pages reproduisent le texte de deux "sketchs célèbres du Français" (le Français, c'est le nom de la boîte de strip-tease du quartier des théâtres, Asakusa, dans laquelle Kitano a fait ses débuts sur scène.
Par contre, est-ce simplement un problème de traduction de la pensée si Kawabata, Dazai et tant d'autres ne nous paraissent pas, à nous autres lecteurs francophones, de joyeux drilles ? On nous l'avait bien caché.
Mais peut-être s'agit-il d'une plaisanterie à la Kitano...

"Gamin, j'avais grandi dans ce quartier populaire, et à l'époque du collège je venais encore me distraire à Asakusa. [...]
Mais quand j'avais commencé à fréquenter le lycée, je m'étais détourné de ce quartier. J'avais l'impression qu'il était dépassé depuis longtemps. Ce qui me passionnait désormais, c'étaient les rues de Shibuya, Shinjuku, Ikebukuro. j'allais tout le temps m'y amuser.
Je voulais m'imprégner de ce qui semblait à la dernière mode : hippie, psychédélique. Happening. Amphés, hasch. Je passais mes journées dans le café Fugetsudo, au milieu de soi-disant écrivains ou auteurs dramatiques et de prétendus poètes errants. Parmi des existentialistes et des pseudo-chercheurs passionnés de Jean-Paul Sartre. Près de cameramen d'avant-garde, de dessinateurs, de concepteurs en publicité, de cinéastes... Mêlé à toute cette faune, je jouais moi aussi les glandeurs.
" (pages 12-13).
On n'est pas très loin de 1969, de Murakami Ryû, mais ici, c'est la capitale.

Parmi ces glandeurs, un certain nombre de fils à papas reprendront le commerce familial : ils peuvent se permettre de refaire le monde, ils ont la sécurité de leur avenir bien en mains. Ce n'est pas le cas de Takeshi. Va-t-il rester barman pour le reste de sa vie ? Que nenni. Il a soudain une idée : "Partir à Asakusa et devenir comique !" (page 15).
C'est évidemment plus facile à dire qu'à faire. Il n'est pas le seul à vouloir devenir comique. Dans un premier temps, il devient garçon d'ascenseur au Français, un club de streap-tease dans lequel sont joués des sketchs entre les numéros de filles.
Va-t-il réussir à se faire remarquer par le maître Senzaburo Fukami ?
"Qu'est-ce que tu faisais jusqu'à présent ?
- J'allais à l'école. Mais j'ai arrêté en cours de route.
- A l'école, c'est-à-dire au lycée ?
- Non, à l'université.
- A l'université ? Petit con ! Tu as déjà vu un type renoncer à l'université pour devenir comique ?
" (page 32).

Pour être un vrai comique, il faut savoir faire plein de choses, chants, claquettes, etc. Et Kitano s'entraîne à faire des claquettes dans son ascenseur...

Le maître a une vraie présence sur scène, beaucoup de classe. Avec peu de choses, sans exagérer, il parvient à entrer dans ses personnages.
Dans la vie de tous les jours, il est également amusant... enfin :
"Cependant, dès qu'une fille en minijupe apparaissait à l'antenne, il se glissait aussitôt sous le poste de télévision.
- Vas-y, montre. Fais voir ce qu'il y a sous ta jupe.Hé, la fille ! montre un peu ta petite culotte. Allez, danse, saute, disait-il en jouant les vieux cochons pour nous épater, nous qui restions bouche bée à le regarder
. " (page 132).
Ah, la petite culotte, un grand thème, avec celui du travelo (ça n'arrête pas, dans ce livre).

La traduction fait parfois artificielle.
Exemple, dans une discussion sur scène : "Nous sommes près du Yoshiwara, le quartier des plaisirs, tu pourrais m'amener parfois aux bains turcs." (page 46).
Est-ce que le texte original précise "le quartier des plaisirs", ou bien est-ce pour le lecteur français ? Si c'est le cas, une note en bas de page eût été mieux, là ça a un côté trop explicatif qui coupe le rythme. Et puis "bains turcs" au Japon... bof.
Et encore, page 102 "[...] de l'ère Meiji à la fin du siècle dernier, jusqu'à l'ère Taisho au début du siècle et celle contemporaine de Showa". Ça s'adresse à qui ? A un lecteur japonais inculte, ou bien le texte a-t-il été changé pour le lecteur français ? Une petite note en bas de page pour ne pas dénaturer le texte, c'est mieux.


Asakusa Kid est un récit intéressant, surtout pour les fans de Kitano, mais pas seulement. Il y a de nombreux passages amusants, les relations avec les strip-teaseuses, le maître avec ses différents vices, les débuts de Kitano sur scène, etc.
Mais s'il y a le fond, on ne peut pas dire que la forme soit remarquable. Kitano est un écrivain curieusement peu visuel. On voit ses peintures dans Hana-Bi, mais les qualificatifs de couleurs sont quasiment absents. Très peu de descriptions, également. Il est resté très factuel. C'est dommage.


Un film a été tiré de Asakusa Kid. Il a été réalisé par Makoto Shinozaki en 2002.


- La Vie en gris et rose (Takeshikun, hai ! , 1984; Picquier poche, 2008, 128 pages, traduit par Karine Chesneau).
Il s'agit d'un texte autobiographique, écrit avant Asakusa Kid, quelques souvenirs de gosses disposés en courts chapitres, agrémentés de dessins tels que celui qui se trouve en couverture.
Le petit Takeshi est le fils d'un peintre en bâtiments.
"Autrefois, on associait toute la corporation à des malfrats. Voilà pourquoi il se sentait si mal dans sa peau. A ce point-là, je te jure ! Les peintres en bâtiments, tout le monde se fichait d'eux.
Pour moi, c'était dur, parce qu'on me mettait régulièrement en boîte, on me traitait de gosse de peintre.
" (page 5). Takeshi et son grand frère doivent souvent travailler avec leur père.
"Vêtu de pauvres loques - imagine un peu le tableau -, le paternel poussait sa bicyclette, son gros pot de peinture sur le porte-bagages. Et tous les trois, avec mon frère et notre chargement, on déambulait dans le quartier. C'était rude ! Je me disais : « Si seulement y avait encore la guerre, je pourrais me cacher. » C'est vrai, ce que je te raconte.
Sans parler que c'est précisément dans ces moments-là qu'on n'a surtout pas envie de voir certains copains, et que, comme par hasard, on croise les plus détestables.
" (pages 6-8)
Les pots de peinture sur le porte-bagages trouvent notamment un écho dans le film de Kitano, Achille et la Tortue (Akiresu to kame, 2008), lorsque les apprentis peintres (d'art) expérimentent différents moyens de parvenir à des compositions abstraites...

Pour revenir au livre, Takeshi Kitano parle aussi de sa mère :
"Elle était incroyable, notre mère. Faut voir comment elle nous faisait étudier, mon frère et moi.
On n'avait qu'une pièce à la maison. Et une seule ampoule électrique. C'était là que mon frère aîné travaillait installé sur une sorte de caisse à mandarines.
Ma mère était aux anges de voir son grand fils plongé dans les bouquins. Mais quand le paternel rentrait bourré, c'était terrible. Il piquait une colère noire.
- Abruti ! hurlait-il. Tu vas nous empêcher de dormir avec ta lumière? Arrête de passer ton temps à lire des trucs incompréhensibles, il est tard
!" (page 10)
Quand Takeshi fait une bêtise :
"- Baka yarô, espèce de crétin ! a crié ma mère en me frappant à coups de poing." (page 12). Plus loin (page 14) : "les coups pleuvaient".

Mais il n'est pas le seul à recevoir des raclées :
"Comme c'était dimanche et qu'il pleuvait, mon père n'avait pas pu aller travailler, et ma mère l'avait sans doute engueulé parce qu'il ne fichait rien. Pour toute réponse, il l'avait bourrée de coups de pied tout en buvant près de deux litres de saké. [...] Quelle misère, je te dis pas !
Mon père n'arrêtait pas de tabasser ma mère. Et quand ma grand-mère intervenait, il ne l'épargnait pas. Frapper sa propre mère ! Elle s'entendait bien avec sa belle-fille et, consciente que son fils était un raté, elle s'excusait toujours auprès d'elle :
- Je suis désolée, je suis désolée...
- Comment tu oses dire ça de ton propre fils ! s'écriait alors mon paternel. Espèce de vieille peau !
Et vlan ! à nouveau des coups de pied. Sur une femme de quatre-vingts ans passés ! Une horreur, décidément. Chez moi, c'était l'enfer.
" (pages 73-75).

Jeux de gosses dans les bains publics, problèmes d'argent pour acheter le train électrique rêvé ou le gant de base-ball convoité, vantardise paternelle, anecdotes amusantes de la vie quotidienne, de l'école...

Dans l'épilogue, Takeshi Kitano écrit : "J'ai le sentiment que, de mon temps, les gamins se consacraient à une seule chose à la fois. Par exemple, quand on jouait au base-ball, on jouait au base-ball, point. Chaque plaisir laissait une impression forte.
On me demande souvent de citer les sports et les jeux que j'ai pratiqués dans mon enfance. Hormis les toupies beigoma, j'en compte à peine une dizaine. Tous sont clairement imprimés dans ma mémoire. On passait tellement de temps avec un même objet !
Les enfants d'aujourd'hui, ils ont tout. On vit dans une époque où on ne sait plus trop quelles sont nos envies. [...]
Le pauvres ont leur sensibilité, et les riches, la leur. On a beau devenir riche une fois adulte, quand on a été pauvre dans l'enfance, on garde toujours sa sensibilité première.
" (pages 126-127).

Un court livre pas inintéressant, sans doute vite écrit, vite lu, mais finalement assez anecdotique (parce que composé d'anecdotes ?). A lire surtout si l'on apprécie Kitano, le réalisateur, très supérieur à Kitano l'écrivain.

boy
Couverture : Emmanuel Guibert

- Boy (Shônen, 1987). Traduit du japonais en 2008 par Silvain Chupin. Editions Wombat. 121 pages.
Le livre se compose de trois nouvelles, qui mettent toutes en scènes des garçons ("shônen", traduit en anglais par "Boy"... bizarrement gardé en français).

1/ Tête creuse (40 pages).
Voici qui est la tête creuse du titre :
"Il était tellement nul en classe que toutes sortes de rumeurs couraient sur lui. On disait qu'il n'était même pas capable d'écrire son nom en idéogrammes, qu'un jour il s'était perdu en rentrant de l'école, ou bien qu'on l'avait surpris essayant de lire un manuel à l'envers.
Mais, quand on le mettait sur un terrain de sport, il était le meilleur de l'école, quelle que soit la discipline. Aussi, malgré son surnom de Tête Creuse, il jouissait d'un grand prestige. Comme il se trouvait qu'il était dans la même classe que Shin'ichi, mon grand frère, j'étais toujours au courant des dernières nouvelles à son sujet.
" (page 14).
Le narrateur lui-même n'est franchement pas bon dans les études, contrairement à son grand frère. Mais ce dernier, lui, est nul en sport... Tous les ans, à la fête des sports, c'est la catastrophe.
Le narrateur doit toujours se contenter des vêtements déjà portés par son grand frère. Mais, une fois par an, à l'occasion de la fête des sports, il a droit à une tenue de sport toute neuve.
"La chemisette et le pantalon, blancs, des tabi à semelles et, au sommet de la pile, un bandeau blanc et rouge plié en pentagone. Sans les sortir du tiroir immédiatement, j'ai reniflé leur odeur comme un chiot approchant sa truffe d'une gamelle de pâtée.
- Hmm, ça sent bon ! ai-je dit, humant l'odeur de vernis de la commode, celle du camphre, ainsi que celle du coton neuf.
" (page 22).

On va suivre les préparatifs de cette fête - jusqu'aux achats de chocolat magique destiné à avoir plus de chances de victoires -, et les courses : suspens et émotion garantis !

"Tout contents de nous, on a décidé d'aller s'asseoir au premier rang et de huer les autres élèves. On criait aux garçons des choses du genre : « Nabot, nabot, cours plus vite !! » ou « Roule, le gros lard, roule, t'iras plus vite ! », mais nos cibles principales étaient les filles. « Short de mémé ! », « Ton cul, il est énooorme ! », « Cours à reculons, à reculons ! » leur lançait-on par exemple, profitant des cris et des acclamations autour de nous pour dire n'importe quoi." (page 33).

2/ Nid d'étoiles (33 pages).
La tonalité devient plus grave.
"Je courais à côté de mon grand frère, entraîné par son vélo auquel je m'agrippais de toutes mes forces. J'entendais le télescope qui tressautait sur le porte-bagages." (page 49).
Les deux frères ont la passion de l'astronomie.
"Maman, mon frère et moi, on avait emménagé à la fin du mois d'août, après la mort de papa. Le ciel que j'avais vu des fenêtres de notre nouvel appartement le premier soir était le même qu'à Tôkyô. Les lumières des deux villes empêchaient de bien voir la nuit.
- La nuit a une couleur criarde à Ôsaka, avait dit maman à ce moment-là.
" (page 49).
Problèmes à l'école, problèmes familiaux...
Pas mal.

3/ Okamé-san (37 pages)
Ichiro est un garçon qui débarque à Kyôto. Il veut louer une chambre pour deux nuits.
"- Mais tu es encore un enfant, non ? Tu n'as pas fait une fugue par hasard ? [...]
- Je suis venu à Kyôto pour faire des recherches. Je suis élève dans un lycée de Tôkyô et j'aime beaucoup l'histoire.
- Des recherches ? [...]
- Oui, je fais partie du club d'histoire au lycée privé K et je viens visiter les vieux temples de Kyôto.
" (pages 86-87)

Bien sûr, ses recherches vont être moins studieuses que prévu.
Pas mauvais, mais c'est la moins bonne des trois nouvelles.

Globalement, c'est un recueil de nouvelles bien sympathiques et très vivantes.

 


Autre livre :
- Naissance d'un gourou (2005).

 

Quelques peintures de Kitano :

peinture 1 peinture 2 peinture 3   hana-bi

Quelques affiches de films :

zatoichi    achilles dolls

Photo du film Dolls :
dolls


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