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MARUYA Saiichi (丸谷 才一)
(Tsuruoka, préfecture de Yamagata, (27/08/1925 - 13/10/2012)
- L'Ombre des arbres. Récits traduits par Aude Fieschi. 206 pages. Philippe Picquier.
Ce livre comporte deux récits (ou nouvelles, ou... ).
Maruya Saiichi est spécialiste de
James Joyce. Les deux textes qui composent ce livre relèvent plus du "post-quelque chose" que de la nouvelle classique.
1/ L'Ombre des arbres (Jueita, 樹影譚, 1988). 64 pages.
Le narrateur est fasciné par les ombres que font les arbres sur un mur.
"" (page 10)
"" (page 13).
Alors, d'où vient cette petite inclination, qui vire à l'obsession ? Serait-ce un souvenir enfantin ? Le narrateur écarte cette possibilité, car il s'agit d'un poncif. Mais ce qui est valable dans la littérature est-il également vrai dans la vraie vie ? (même si la "vraie vie", c'est ici un texte, bien sûr). Le narrateur invente une histoire dans laquelle cette fascination est expliquée.
Mais cette histoire n'aurait-elle pas déjà été écrite par Nabokov ?
Qu'est-ce qui est au juste issu de l'imagination du narrateur ?
Ce texte, qui a remporté le prix Kawabata en 1988, m'a copieusement ennuyé : le narrateur s'ausculte, s'analyse... Quand on reste extérieur à son questionnement, c'est vraiment très long.
2/ Bourrasques de pluie (Yokoshigure, 1975). 132 pages.
C'est un peu le même principe que le texte précédent : une enquête sur ce qui n'est finalement qu'un détail. Dans ce récit, le père médecin du narrateur (qui, lui, est professeur de littérature) est très malade.
"" (page 77).
Son père, en compagnie d'un professeur spécialiste de Saikaku, buveur invétéré avait rencontré un drôle de personnage, une sorte de mendiant itinérant qui racontait des histoires à se tenir les côtes de rire. Cet étrange personnage avait une sacrée descente.
Le père décède.
Plus tard, de façon fortuite, le narrateur tombe sur des poèmes d'un certain Santôka. Un détail lui fait penser que ce Santôka, qui avait abandonné femme et enfant pour entrer en religion et parcourir le pays en mendiant, pourrait bien avoir été le drôle de type avec qui son père avait bu un jour.
Mais comment en être sûr ? C'est le début d'une longue et minutieuse enquête littéraire... les moments d'optimisme sont bien sûr suivis de doutes... Chaque petit indice, jamais décisif, peut être remis en cause par un nouvel indice, pas plus décisif que le précédent. Le tout est bourré d'une grande érudition, de références ultra précises.
De plus, il semble que la rencontre du poète (si c'est bien lui) et du père du narrateur (accompagné de son ami professeur) aurait pu avoir des conséquences importantes sur l'oeuvre du poète, conséquences qui resteraient incompréhensibles des exégètes de Santôka...
Le narrateur analyse, scrute le moindre mot des poèmes de Santôka, de son journal. Il met en évidence son obsession pour l'eau, et continue à creuser...
Le pire, si l'on peut dire, c'est que ce Santôka Taneda (1882-1940) est un poète qui a réellement existé (voir Wikipedia). Kenneth White en parle dans Les Cygnes Sauvages.
Santôka, avec son chapeau de carex.
Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce que Maruya Saiichi a inventé ? A-t-il d'ailleurs inventé quoi que ce soit, à part ses supputations ? La rencontre, peut-être ?
Quand on accroche, ce texte, à la frontière entre la réalité et la fiction, est assez fascinant de par la manière dont Maruya Saiichi arrive à faire rebondir son intrigue quasi-policière, finalement minuscule, avec tous ces détails qu'il scrute et dont il tire des conséquences d'importance pour la biographie du poète. Une rencontre apparemment anodine, et dont il ne reste pas trace dans une biographie, peut avoir été capitale dans une vie. Si c'est bien de Santôka qu'il s'agit, bien sûr ! (je n'ai rien dit...)
Encore faut-il accrocher, évidemment.
"." ( http://www.moundarren.com/poetesjaponais/santoka )
Un haïku de forme libre de Santôka :
"
(page 88).
On note plusieurs petites fautes : "existance" (page 123 ; rebelotte page 141) ; "gôut", page 129, etc., fautes qui semblent montrer que l'attention du correcteur s'est relâchée (pour connaître les qualités idéales d'un correcteur éditorial, on pourra lire De Toutes les nuits, les amants, de Kawakami Mieko)... Est-ce parce qu'il était captivé par le texte ou au contraire parce qu'il s'est endormi ?
Cela mérite une enquête approfondie.
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