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MURAKAMI Kasumiko

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"Arrivée en France à vingt ans, Kasumiko Murakami est traductrice depuis 1974. Parmi ses traductions, notons les biographies de Dostoïevski et de Tchekhov de Troyat. De 1985 à 2005 elle dirige le bureau de Paris des magazines House et Figaro Japan. Depuis son retour dans son pays elle a publié deux livres. Elle mène aujoud'hui une action de soutien aux femmes de la zone sinistrée du sud de Sanriku suite au 11 mars 2011 dans la région nord est de l'île". (source : site d'Actes Sud).

et puis après
Couverture : détail d'une estampe d' Utagawa Kuniyohi

Et puis après (Soshite, Sorekara, 2013). Traduit du japonais par Isabelle Sakaï. Actes Sud. 112 pages.

Le livre, annoncé comme un "roman" relève plutôt du récit.

Yasuo, un pêcheur qui est aussi directeur syndical, prend la mer. Nous sommes le 11 mars 2011.
"Au milieu de son front des veines bleues ressortaient, se gonflant au rythme des pulsations. Son visage entier était creusé d’innombrables rides, ses sourcils poivre et sel étaient étirés vers le haut et sur le grain de beauté près de sa narine un poil frisé pointait. Ses yeux, semblables à des coulées de brume, paraissaient fixer quelque chose au loin.
D’une stature aux muscles vigoureux, il semblait plutôt prompt à la bagarre, pouvant se montrer brutal en cas de problème et, où qu'il aille, il imposait naturellement le respect. Exposée depuis de longues années aux vents des océans et au soleil, sa peau était brunâtre, il avait une allure encore vive et dans sa jeunesse il avait été le meilleur plongeur en apnée des environs. Aujourd’hui encore sa capacité respiratoire était remarquable, son torse puissant et fier.
"
Des yeux semblables à des coulées de brume, je ne comprends pas très bien... Quant au torse puissant et fier, cela m'évoque les travailleurs filmés en contre-plongée dans un film soviétique... J'ai un problème avec le style de l'auteur.

Un peu plus tard dans la journée, alors qu'il est de nouveau à terre, les secousses commencent.
"Il n’y accorda que peu d’attention au début car les tremblements de terre au large des côtes de Sanriku étaient fréquents ces derniers temps. Cela allait sans doute cesser. Mais quelque chose était différent. Des poussées se suivaient avec force, les tremblements ne s’arrêtaient pas. Et cela se faisait de plus en plus violent.
Les autres pêcheurs, penchés en avant pour réparer leurs filets au bord de l’eau, sentirent probablement quelque chose et se retournèrent vers Yasuo. Ils semblaient chercher conseil auprès du directeur syndical. Yasuo ressentit une terrible inquiétude, semblable à un épais liquide tiède coulant soudain dans sa gorge. L’instant d’après il se précipitait à toutes jambes vers l’endroit où se trouvait son bateau.
"
L'alerte au tsunami est lancé.
"Il restait peut-être trente à quarante minutes avant l’arrivée du tsunami. C’est ce que lui dit brusquement son intuition de pêcheur chevronné. Au large, la mer continuait à se retirer et le grondement des vagues était presque inaudible, il régnait un calme inquiétant. Ce fut juste après qu’il entendit l’alerte parvenant du haut de la pinède sur la colline.
“Un tsunami de six mètres de haut est annoncé, fuyez vers les hauteurs !”
"

Notre pêcheur sait ce qu'il faut faire pour sauver les bateaux en pareil cas, lorsqu'un tsunami menace : partir en mer, au loin.
"Lorsqu’il y avait un risque de tsunami, on sortait aussitôt le bateau et on gagnait le large. Cet enseignement était transmis entre pêcheurs dans les villages des environs depuis toujours. Mais on avait beau connaître cet usage, tant que personne ne prenait l’initiative, aucun ne bougeait. Même en sachant qu’en se dirigeant vers le large le bateau était en sécurité, quand le tsunami était sur le point d’arriver il fallait avoir du courage pour se précipiter sans hésitation dans sa direction. [...]
À près de dix kilomètres au large, Yasuo coupa le moteur, jeta l’ancre et se tourna vers la plage, le paysage qui s’offrait à lui le laissa bouche bée. Bon sang ! Qu’est-ce que c’est que ça ! À l’endroit où s’étendait la plage un instant plus tôt se détachait maintenant un mur noir et luisant. La vue était entravée et l’on ne voyait même plus la salle de réunion qui se trouvait sur les hauteurs. Il avait beau se concentrer, ce mur, plus qu’un corps liquide, faisait penser à la paroi d’un bâtiment. La maxime qui disait que seul Dieu savait si nous allions mourir ou vivre ne s’appliquait-elle pas à ce genre d’épisode éphémère et terrifiant ?
- Comme ça, la ville aussi doit être touchée, cria un jeune pêcheur qui l’avait suivi sur un petit bateau comme le sien, prêt à pleurer
."
Les pêcheurs vont assister à la catastrophe, de loin.

Mais le sujet principal du livre est ce qui se passe "après", une fois que les gens ont tout perdu.
"Se tenant au milieu de cette boue noire encore humide et luisante, il était incapable d’accepter cette réalité. La maison où ils avaient vécu, le bâtiment principal et l’annexe avaient disparu, faisant place à un terrain vague lisse et humide. La surface recouverte de boue avait un éclat mat."

On va voir comment est organisé l'hébergement de secours, la déprime de Yasuo par rapport à ce qu'il a perdu, sa culpabilité à l'égard de sa mère...

Dans sa postface, l'auteur écrit :
"Pendant vingt ans à Paris j’avais transmis au Japon les superficielles informations d’une sorte de subculture et là, devant l’ampleur du choc, je ne pouvais plus quitter les lieux.
Et puis après est une histoire qui est née en moi soudainement tandis que je parcourais ces terres dévastées, une histoire que j’ai écrite à vrai dire dans une légère confusion. La première fois que je suis allée à Ôtsuchi, j’ai vu dans la boue encore humide fleurir des roses, flotter des boîtes à bento ornées du personnage de “Doraemon”, plus loin encore des drapeaux rouges qui indiquaient que là se trouvaient des corps sans vie. En tant que témoin de la confusion et de la lassitude qui suivirent la catastrophe, il fallait que je mette des mots sur tout cela.
"

Le livre n'est pas inintéressant : on voit comment fonctionne le système de prévention des tsunamis (certes, on peut trouver plus de détails par exemple dans Les Japonais, de Karyn Poupée), on constate aussi que certaines méthodes toutes simples de communication fonctionnent lorsque les méthodes plus modernes (mais pas assez ?) échouent, on voit les problèmes d'organisation d'urgence, comment les gens se comportent...
Le livre est bien documenté (le phénomène de "double vague", etc.), et il ne verse pas dans le sentiment facile. On a forcément de la sympathie pour le livre.
C'est quand même dommage que le style ne soit pas à la hauteur du sujet.
Le livre n'est pas un vrai roman, mais pas un document non plus, il est entre les deux. Une fois le livre fini, je me suis dit que j'aurais préféré lire un recueil d'interviews assorti d'un reportage.
Bien sûr, un roman permet de toucher plus de gens, et l'auteur n'est pas une journaliste spécialisée dans ce genre de reportages (elle l'explique dans la vidéo ci-après).

En 1970, Yoshimura Akira avait publié un livre historique (Sanriku kaigan ôtsunami) consacré au tsunami de 1896. Il s'est à nouveau très bien vendu au Japon après le 11 mars 2011. Il serait sans doute temps qu'on puisse le lire en français...

L'auteur parle de son livre :

 

 




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