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OKUIZUMI Hikaru
(Yamagata, 06/02/1956 - )
Okuizumi Hikaru (son vrai nom est Yasuhiro Okuizumi) a remporté le prix Noma des débutants en 1993 pour Novalis no inyô, et la même année le prix Akutagawa pour son roman Les Pierres.
En 2010, il remporte le prix Noma pour Jingi gunkan Kashihara satsujin jiken.
Le Poisson-Chat aux trois yeux (1992, 156 pages, Actes Sud, traduit par Pascale Simon). Un étudiant de Tokyo revient dans la maison de son oncle Mamoru pour l'enterrement de son père. Or, un jour, son père lui avait dit, et c'est par ces mots que commence le roman : "". Que doit faire l'étudiant ?
A travers des souvenirs, des discussions avec son autre oncle, Wataru - pasteur protestant - l'étudiant reconsidère la vie de son père, ses relations avec la Foi Protestante et les rites bouddhiques, avec ses frères, ses obligations familiales, ainsi que l'influence d'un événement peut-être surnaturel impliquant un étrange poisson-chat avec trois yeux, dont la prise fut sans doute l'événement déclencheur d'une prise de conscience...
Anecdotes familiales, questionnement sur le devoir, interrogation sur ce que l'on doit et/ou peut faire de sa vie, quelque part entre la modernité de la grande ville et les obligations familiales de la campagne...
Il s'agit du questionnement, des interrogations de l'homme face à ce qui le dépasse : Dieu (les questions sont alors nombreuses et les réponses rares), l'homme face à la famille (même s'il a parfois des réponses, l'homme ne sait pas toujours ce qu'il doit faire) et, y faisant contre-point, il y a l'homme dans la Nature, qui y cherche apaisement, retraite et réflexion : on a droit à quelques parties de pêche ; il y a également de très jolies descriptions ("", page 40).
Une autre description a sans doute une portée métaphorique : "" (page 143). A quelques mètres seulement de soi se trouve totalement autre chose, peut-être plus vraie, d'une certaine façon, que ce qui se trouve sous nos yeux, sorte de havre de paix abrité du reste du monde. Serait-ce la vérité à découvrir ?
Bon roman, original par ce mélange de religion protestante et de traditions boudhiques.
Les Pierres (Ishi no raireki, Prix Akutagawa 1993, 155 pages, Actes Sud, traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle). Prix Akutagawa.
Dans Le Poisson-Chat aux trois yeux, ainsi que dans La Nuit où le serpent fut tué, il était fait mention du protestantisme.
Les Pierres s'ouvre avec un extrait de l'Evangile selon saint Luc, chap XIX, 40 : "".
Puis, la première phrase du premier chapitre est : "Dans le galet d'une rivière est inscrite toute la marche de l'univers". Les pierres ont donc quelque chose à dire...
Dans sa vie de tous les jours, le personnage principal, Manase, a quasiment oublié les événements qu'il a vécus pendant la seconde guerre mondiale, notamment à la toute fin, alors qu'il se trouvait à Leyte, une île des Philippines. "" (page 24). Manase, comme quelques hommes survivants d'un régiment décimé, avait suivi un capitaine dont les ordres auraient presque suffi, de par sa force de persuasion, à faire se lever les morts. "" (page 28).
Ils parviennent dans une grotte où, là encore, le capitaine fait montre de son autorité de commandement : "" (page 30). Pendant quelques temps, ils vivent là, dans des conditions effrayantes : "[...] il " (page 36).
On peut penser que, symboliquement, Manase n'est jamais ressorti de la grotte.
Démobilisé, Manase ouvre une boutique de livres, se marie, a deux garçons, et surtout se passionne pour les pierres ; il avait été initié, dans la grotte, par un caporal mourant. Il collectionne les pierres, les classe, les polit, dans son atelier aménagé dans un grenier (à l'évidence une sorte de grotte). Le caporal lui avait dit : "" (page 152).
Classer les pierres est-il un moyen pour Manase de tenter de reconstituer et de comprendre certains événements survenus dans cette grotte et dont les fragments stratifiés reviennent à sa mémoire après un lent polissage ?
Une fois de plus - trop souvent, hélas - on pourra se dispenser de lire la quatrième de couverture qui, sans doute pour appâter le chaland, en dit beaucoup trop sur ce qu'il advient par la suite, tout en mettant hypocritement en avant le "suspense"... mais qu'en reste-t-il alors, justement ?
Un livre intéressant, curieux (notamment la fin), fantasmagorique, très bien écrit.
La Nuit où le serpent fut tué (Hebi wo korosu yoru, 1992, 188 pages, Actes Sud, traduit par Pascale Simon et Tomonori Okubo en 2002).
Notre héros est un professeur d'Université qui va se marier avec la bibliothécaire de l'Université, Machi, lectrice assidue de Mishima (ce qui, sans doute, annonce des problèmes).
Ils partent visiter la famille de Machi, qui tient une auberge thermale (onsen).
Le roman commence ainsi :
"" (page 10).
Notre professeur, Akihiko, analyse, s'analyse, se pose plein de questions, en vient à repenser à ce qui est arrivé dans l'antiquité grecque.
"" (page 27-28).
Ce qui est vrai pour Athènes l'est certainement pour notre bon professeur. La situation est donc grave, très grave.
Elle se complique lors de l'apparition d'un serpent chez lui. "" (pages 31-32). Pas besoin de faire un dessin pour en comprendre les implications psychanalytiques.
Nous retrouvons notre professeur et sa promise
en route, à pied, vers l'auberge familiale. "[...] ils étaient pris par la fraîcheur des montagnes, dont on aurait pu dire qu'elles étaient le silence rendu visible." Là, la fiancée se précipite vers une cascade. Et Akihiko ne reconnaît plus sa fiancée, sa manière d'être, de bouger.
Mais la situation est plus grave. "" (page 53). Tout lui paraît mis en scène.
Machi n'est plus la même en dehors du cadre de l'Université.
"" (pages 86).
Il prend la main de sa promise : "" (page 157)
La situation est grave, très grave. Mais rassurons-nous : elle va empirer.
Plus notre universitaire réfléchit, plus il découvre des intentions cachées derrière les mots ou les attitudes les plus simples.
C'est Jung qui est cité, plus que Freud, mais ne maîtrisant l'oeuvre d'aucun de ces deux penseurs, je me garderai bien d'en tirer des conclusions.
Ce qui est sûr, c'est que pour ceux qui aiment les plongées dans un univers mental qui tend vers le cauchemar, et l'on pourrait dire la cauchemardisation du monde, c'est un bon livre.
Quelques autres livres non traduits en français (ce qui est bien dommage) :
-
Novalis no inyô (1993)
- Banâru na genshô (1994)
-
Wagahai wa neko de aru satsujin jiken (1996)
- Platon gakuen (1997)
- Grand Mystery (1998)
- Kyokô mamire
(1998)
- Chôrui gakusha no fantajia
(2001)
- Bocchan ninja bakumatsu kembunroku (2001)
- Records d'une armée romantique" (Rômanteki na kôgun no kiroku, 2002). "[...] il décrit, pendant la dernière période de la guerre, l'expérience infernale de soldats japonais venant de débarquer sur une île du sud, par le biais d'un narrateur qui est maintenant un très vieil homme, autrefois auteur de romans policiers, et dont rien n'arrête la logorrée" (Ozaki Mariko, Ecrire au Japon, page 121).
- Shin chitei ryokô
(2004)
- Môdaru na jishô. Kawabata Kôichi jokyôju no sutairisshu na seikatsu
(2005)
- Jingi gunkan Kashihara satsujin jiken (2009)
- Shûman no yubi (2010)
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