Littérature Japonaise
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Ecrire au Japon (Gendai niho no Shôsetsu, 2007). 190 pages. Traduit du Japonais par Corinne Quentin, Philippe Picquier. Ce qui n'empêche pas des auteurs actuels d'avoir un énorme succès, notamment à l'étranger, aux Etats-Unis, en Chine, en France, en Italie : Murakami Haruki, Yoshimoto Banana, Ogawa Yôko... "[...] leurs romans y sont lus sans difficulté, comme s'ils y étaient nés." (page 9). La littérature japonaise connaît donc un succès international sans précédent pour elle. 1/ Ozaki Mariko commence par une année pour elle fondamentale : 1987, avec l'apparition de deux livres qui marquent le "début de la fin". C'est le titre de la première partie du livre. De manière générale, il y a homogénéisation de la culture et de la sensibilité mondiales des jeunes générations. "Quel que soit le pays, tout lecteur est susceptible de me comprendre", dit Yoshimoto Banana (page 42). Le roman japonais contemporain est destiné au grand public du monde entier... et en même temps, perd de son originalité. La perte d'influence de la génération précédente, celle qui a marqué la littérature d'après-guerre s'accentue avec les disparitions de Abé Kôbo (1924-1993) et de Nakagami Kenji (1946-1992).
3/ Dans une troisième partie, Ozaki Mariko aborde les "transformations dans le système de la création". 4/ La quatrième partie est intitulée "Une nouvelle sensibilité née avec l'ordinateur". Ozaki Mariko parle du problème de la distance qui s'établit entre l'éditeur et l'écrivain, qui peut maintenant habiter au bout du monde, et envoyer son texte par mail (phénomène déjà initié par l'apparition du fax). Il y a moins de contacts, moins de relations, de discussions. Le lien entre l'éditeur et l'écrivain se dépersonnalise, ce qui crée de nombreux problèmes. Notamment, cette dépersonnalisation fait que le livre est d'autant plus considéré comme une marchandise, moins comme une oeuvre. Le traitement de texte a entraîné une "pensée phonétique". En effet, contrairement à notre écriture occidentale, les Japonais tapent phonétiquement le caractère qu'ils veulent obtenir, et une liste apparaît ; il font alors le choix du kanji ou autre qu'ils désirent. Akasaka Mari dit qu'elle a l'impression d'être "deux à écrire ensemble : moi et la machine". Lorsque la machine "propose certains idéogrammes qui ne correspondent pas à mon idée, il arrive que je sois surprise ou amusée. C'est comme s'il y avait quelqu'un près de moi qui penserait et écrirait autre chose que moi. [...] J'ai l'impression que mon l'ordinateur transforme mon roman pour lui donner une meilleure forme." (page 142) Face à l'accélération des technologies, les descriptions ou les situations décrites paraissent dépassées deux ans ou trois ans après. Peut-être en réaction, des écrivains se tournent vers "un univers paisible et nostalgique avec, en toile de fond, des vestiges de l'ère Shôwa" : par exemple, Les Années douces (de Kawakami Hiromi, 2001) ; en 2006, Ogawa Yoko, elle, écrit La Marche de Mina, qui se situe en 1972... Dans sa postface pour l'édition française, Ozaki écrit : "Le champ littéraire se rétrécit et on assiste à la consommation de nombreux romans de distraction, offrant des émotions artificielles, qui, les uns après les autres, sont adaptés au cinéma et à la télévision.
Ozaki parle d'un critique littéraire et membre de jurys littéraires, Etô Jun (1932-1999) qui a écrit en 1996, après lecture des textes nominés pour un prix : "j'ai le vif sentiment que le temps où je pouvais juger les textes inédits de jeunes auteurs est maintenant révolu" (page 112). Reste l'inconnue des répercussions du 11 mars 2011 (tremblement de terre, tsunami, incident nucléaire) sur les oeuvres à venir. Un livre vraiment intéressant pour les amateurs de littérature japonaise contemporaine, qui décrit bien l'évolution de la littérature "pure" vers une littérature "pop" internationale et plus spécifiquement japonaise ; il permet aussi de voir de l'intérieur, ou du moins de plus près, le système des prix littéraires japonais. De plus, les livres des auteurs sont replacés dans le contexte du moment de leur écriture, et dans la carrière des auteurs, ce que nous, en France, ignorons totalement. Quelques livres nous arrivent en France mais, souvent, nous ignorons tout de leur auteur. Pour coller momentanément à l'actualité, comment interpréter la démission, le 18 janvier 2012, de Ishihara Shintarô (né en 1932), un des membres du comité Akutagawa (ami de Mishima, il est écrivain - il a remporté le prix Akutagawa en 1955 et est l'actuel gouverneur de la préfecture de Tokyo), après avoir comparé à des détritus les deux textes primés (signés Shinya Tanaka et To Enjo) ?
On peut lire les 46 premières pages sur le site de Philippe Picquier, ce qui correspond à la première partie.
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