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   | Ogawa Yôko (小川洋子)
 (née
                    en 1962 à Okayama)
 
    Ogawa Yôko a étudié                à l'Université Waseda à Tokyo (comme Murakami
                  Haruki) puis est retournée à Okayama où elle a travaillé                avant de se marier en 1986 et commencer une carrière d'écrivain.
 Ses premiers textes étaient courts (moins de cent pages), mais                ses livres plus récents sont nettement plus longs.
 Son style n'est pas exubérant ; elle écrit très bien, avec une                apparente simplicité (pas de longues descriptions baroques chez                elle, mais une transparence qui laisse passer de la lumière même                dans les situations les plus sordides) qui est sans doute le                résultat d'un long travail.
 Cette surface lisse laisse voir des histoires comme en                apesanteur qui cachent des perversions, des fêlures de toutes                sortes, parfois inexplicables - et inexpliquées. On trouve du                mystère dans les romans d'Ogawa, et toujours des contradictions                : il y a une obsession du classement, de l'analyse réfléchie (l'Annulaire,                Parfum de Glace...) en même temps que des pulsions qui                remontent de très loin (fétichisme en tous genres dans l'Annulaire).
                C'est en quelque sorte une analyse scientifique et méticuleuse                de l'inexplicable. Et ses meilleurs livres sont ceux où,                justement, elle se contente de laisser des indices sans être                trop explicite.
 
 Elle a reçu de nombreux prix, dont le prix Akutagawa pour La
                  Grossesse (1991) et le prix Tanizaki pour La Marche                  de Mina (2006).
 
 ""                (Lire, septembre 2000)
 
 Si l'on excepte le Musée du Silence (2000), ses textes                sont toujours écrits à la première personne, et la narratrice                est toujours une jeune femme. Mais curieusement son style est                extérieur, dans le sens où à lire ses romans, on a l'impression                que les héroïnes se regardent agir. Elles ne cherchent pas à                s'expliquer, à se justifier. L'effet produit est curieux,                puisqu'on est à la fois dans la tête de la narratrice et                extérieur à celle-ci.
 Ogawa aime beaucoup les lieux fermés qui respirent l'ancienneté                sans pour autant être délabrés - vieux mais fonctionnels : un                ancien laboratoire, un orphelinat, un hôtel... Des lieux que                l'on pourrait qualifier de "feutrés" : le silence d'une pièce                qui isole de l'extérieur.
 "" (Tristes Revanches, nouvelle Bienvenue
                  au Musée des Supplices, p.144) : ce type de lumière se                retrouve souvent chez elle, et l'on pourrait dire que le même                traitement est appliqué aux lieux qu'elle choisit : le déclin,                le délabrement n'est pas encore là, ou bien il commence tout                juste ("", Tristes Revanches,                nouvelle Jus de Fruits, page 38) et il y a déjà un                sentiment de nostalgie.
 Elle est également fascinée par tout ce qui se rapproche du                classement, de l'analyse et qui s'oppose au monde de tous les                jours, dans lequel tout s'éparpille, comme les cheveux de                l'héroïne de Hôtel Iris que sa mère rassemble pour en                faire un chignon parfait, huilé, tous les matins. Le classement                permet de lutter contre l'inexorable disparition (surtout la                disparition), contre l'oubli (cf Le Musée du Silence).
 
 
 
 
  - La                  Piscine (Daibingu puru, ダイヴィング・プール, 1990),                72 pagesL'héroïne habite un orphelinat (vétuste !), parce que son père                en est le directeur. Mais elle souffre de solitude :                contrairement aux autres enfants qui passent, elle est condamnée                à rester. Elle a une famille, et pourtant c'est comme si elle                aussi était orpheline. Elle a deux centres d'intérêts, peut-être                issus de son mal-être, de son manque d'affection :
 - elle est fascinée par un adolescent (également de                l'orphelinat) qu'elle va voir à la piscine s'entraîner à                plonger. Elle le regarde, encore et encore, analysant ses                mouvements ;
 - elle torture psychologiquement (voire plus...) une petite                fille, jusqu'à la faire pleurer : "". Cela la met de bonne                humeur...
 A partir de peu (mais le livre contient plus que ce qui est                dit), Ogawa Yôko réussi à faire un récit très fort, court, cruel                et intrigant. Vraiment très bien.
 
 
 - La                  Grossesse (Ninshin Calendar, 妊娠カレンダー, 1991),                69 pages. Prix AkutagawaLa narratrice a une soeur enceinte. De cette grossesse, elle                tient le journal (froid et analytique), avec tous ses tracas :                nausées, problème de poids, envie de nourriture. Elle en vient à                commettre un acte terrible et difficilement explicable... On y                trouve une clinique, "", des étagères                avec les médicaments en ordre, bref tout ce qui fait l'univers                de Ogawa Yôko.Le style du journal est encore plus froid,                désincarné et méticuleux que dans ses autres livres. On lit ce                livre tout d'abord fasciné, puis horrifié.
 
  - Les                  Abeilles (Dormitory,                ドミトリイ, 1991),  76 pagesL'héroïne de ce roman aide un cousin à se loger (il entre à                l'université) : elle repense alors au foyer où elle a habité                elle-même ; elle y va avec lui. Ils rencontrent le directeur,                personnage difforme ayant perdu deux bras une jambe dans un                accident (mais qui sert néanmoins le thé).
 Le foyer est en voie de délabrement mais continue d'accueillir                quelques étudiants. Le cousin s'y installe. Puis disparaît. Ou                bien n'a-t-il pas vraiment disparu ? Quelle est cette tension                impalpable que l'on sent sourdre à travers les descriptions les                plus banales ? Quel est ce bruit bizarre qu'elle entend ? Tout                est dans le non-dit.
 Un roman déroutant.
 
 
 - Le                  Réfectoire un soir et Une Piscine sous la                  Pluie, suivi de Un Thé qui ne refroidit pas,                110 pages.Deux nouvelles forment ce livre. Dans la première, l'héroïne se                promène, seule avec son chien : l'homme qu'elle va épouser doit                arriver, mais il n'est pas encore là. Elle rencontre un homme                (qui avait déjà frappé à sa porte) avec un petit garçon. Il                parle de son passé. Dans la deuxième nouvelle, elle se rend à                l'enterrement d'un ancien condisciple d'école. A cette occasion,                elle rencontre un autre camarade, marié, qui l'invite à passer                chez lui.
 Ces deux nouvelles ont un certain charme, mais mineur.
 
 
  - L'Annulaire
                  (Kusuriyubi no hyonhon, 薬指の標本, 1994), 96                pagesL'héroïne de ce roman travaillait dans une usine de limonade                lorsqu'une machine sectionna son annulaire. Elle quitta son                emploi et chercha un autre travail - qu'elle trouva dans un                immeuble qui "", comme de juste - chez un taxidermiste un                peu spécial, un certain Deshimaru, capable de tout conserver                (même une cicatrice, une mélodie ou un souvenir), de garder pour                l'éternité ce qui devrait normalement disparaître. Elle fait                office de réceptionniste, d'assistante, elle range, classe,                tient à jour le registre. Elle est rapidement fascinée par                Deshimaru, avec qui elle fait parfois de drôles de choses le                soir. Que se passe-t-il exactement derrière la porte du                laboratoire ? Ceux qui y entrent en ressortent-ils tous ? Il y a                aussi cette étrange histoire d'escarpins offerts par Deshimaru                qui finissent par faire corps avec elle...
 Un excellent livre, court et fascinant. Un des meilleurs de                l'auteur.
 
 
  - Hôtel                  Iris (Hoteru Airisu, ホテル・アイリス, 1996), 239                pagesHôtel Iris marque une rupture, visible tout d'abord à la taille                du livre : 239 pages, inhabituelle jusqu'à présent chez elle                (enfin, c'est ce que l'on pouvait penser... jusqu'à la sortie                française, en 2009, de Cristallisation
                  secrète, qui a été écrit en 1993).
 C'est l'histoire d'une jeune fille, Mari, qui tient un hôtel                dans une station balnéaire avec sa mère. Elle fera la                connaissance d'un vieillard, traducteur (de russe ; on notera                que l'héroïne de Abeilles avait également fait du                russe) de son état. Elle a été fascinée dès qu'elle l'a vu et                finit par se soumettre entièrement à lui. Mari paraît innocente                (ou bien est-ce le comble de la perversité ?), le traducteur                semble discret, bien sous tous rapports, mais ils partagent tous                deux un goût prononcé pour le sado-maso, les cordes, les fouets,                un jeu de soumission-domination, etc. Ou trouve dans le passé de                chacun de quoi expliquer en partie leur comportement (la manière                dont est morte la femme du traducteur, l'absence du père de                Mari).
 Hôtel Iris est peut-être un peu long, un peu trop explicite : il                lui manque le mystère de ses romans précédents. Peut-être est-ce                voulu, la fin n'en paraissant que plus brutale. Il reste                néanmoins en mémoire (notamment lorsqu'on lit, après, Suspicious
                  River, le roman de Laura Kasischke, l'histoire d'une                réceptionniste dans un motel qui a elle aussi des problèmes).                Quand on voit comment une Rieko Matsuura,                par exemple, peut s'embourber dans une histoire perverse, on                mesure mieux le talent de Ogawa Yôko.
 On notera que ce livre a été inspiré par un voyage que l'auteur                a fait à Saint-Malo où elle s'était rendue pour un festival                littéraire.
 
 
  - Parfum                  de Glace (Koritsuita Kaori, 凍りついた香り, 1998),                302 pages.Les personnages masculins sont quasiment inexistants des romans                de Ogawa Yôko. Pour peu que l'héroïne ait un mari, celui-ci se                trouve en Suède. Un cousin ? Il disparaît. Quand les hommes sont                présents, ils sont difformes, vieux, mais fascinants, toujours                un peu distants. Cette fois-ci, notre héroïne, Ryoko, a un                compagnon qui, à quelques phobies près, semble normal mais - pas                de chance - il se suicide. Elle enquête jusqu'à Prague pour                éclaircir le mystère de sa mort. Elle lui découvrira un passé                qu'elle ignorait, un nombre invraisemblable de talents cachés,                en plus de son aptitude à classer (encore !) les parfums.                Quelques belles scènes, une jolie couverture, mais                malheureusement un symbolisme et une philosophie à 0.30 euro                qu'on avait déjà lue dans tous les livres de Yoshimoto
                  Banana : la vie continue, on peut se remettre à rire, à                espérer, etc. malgré le deuil.
 On sent néanmoins que l'auteur veut changer de registre, donner                un peu d'air à ses livres, ne plus se cantonner à un huis clos,                mais c'est pourtant ce qu'elle a réussi de mieux jusqu'à                présent.
 En conclusion, pas désagréable, mais peut-être ce qu'elle a                écrit de moins bon.
 
 
 
  - Une                  Parfaite chambre de malade(Kanpekina byoshitsu,                1989) suivi de La Désagrégation du Papillon                (Agehacho ga kowareru toki, 1988), 155 pages.Une Parfaite chambre de malade, c'est celle du frère de                la narratrice, atteint d'une maladie mortelle qui le ronge de                l'intérieur. La narratrice passe jusqu'au bout ses week-end avec                son frère, ainsi que ses pauses puisqu'elle travaille au                secrétariat dans le même centre universitaire médical.
 Dans la Désagrégation du Papillon (prix Kaien du                premier roman), la narratrice confie sa grand-mère grabataire,                qui se retire "mentalement" de plus en plus loin hors du monde,                à une institution spécialisée appelée Nouveau Monde. Dans le                vide laissé à la maison, la narratrice se pose des questions sur                la réalité et les apparences, mêlées à ses souvenirs d'enfance.
 
 Ces deux textes, que l'on pourrait qualifier "de jeunesse" (même                si La Piscine date de 1990) ont été traduits et publiés                plus récemment (2003). Il n'est donc pas possible de les lire                sans établir de liens avec les oeuvres qui devaient suivre.                Outre le thème de la mort (ou plutôt de l'adieu, du                renoncement), on y trouve déjà la fascination pour le milieu                médical et les laboratoires dans ce qu'ils peuvent avoir de net,                d'ordonné, de désinfecté. Et même une piscine et un orphelinat,                que l'on trouvera tous deux dans La Piscine. Et si on va                chercher la petite bête, on notera que le Nouveau Monde, c'est                le nom de la symphonie n° 9 de Dvorak, le grand compositeur mort                à Prague. Or, c'est à Prague que se rendra la narratrice de Parfum
                  de Glace pour tenter d'éclaircir le suicide son                compagnon... Quant à la Désagrégation, la grand-mère qui                perd ses mots semble renvoyer aux prédicateurs du Musée du                  Silence...
 
 
 - Le Musée                  du Silence (Chinmoku Hakubutsukan, 沈黙博物館,                2000), 318 pages. Publié en 2003 chez Actes SudLe personnage principal de l'histoire, pour la première fois                chez Ogawa, est un homme, un muséographe. Il arrive en un lieu                reculé, à l'écart d'un village, dans une grande demeure chargée                d'histoire qui prend la poussière. Sa cliente, la maîtresse des                lieux, une très vieille femme, le charge de créer un musée d'un                genre particulier...
 
 Le thème principal du roman est proche de celui de l'Annulaire                et ne constitue donc pas en soi une surprise majeure ; de plus,                on retrouve les obsessions du classement, de la mémoire, de                l'absence... auxquelles l'auteur nous a habitués. Par rapport à                ses deux autres gros romans, Le Musée est moins                explicitement tordu que Hotel Iris, et plus "ogawaien"                et intéressant que Parfum de Glace. Quelques personnages                intrigants (notamment un jardinier-homme à tout faire, et                surtout les Prédicateurs du silence) contribuent à créer une                ambiance toute particulière.
 
 En conclusion, un roman intéressant, pas révolutionnaire dans                l'oeuvre d'Ogawa, mais dont certaines images peuvent rester dans                la mémoire du lecteur, des années après (c'est ce que je                constate) peut-être parce qu'il prend son temps pour                s'installer, plus qu'à l'habitude de l'auteur, et qu'il comporte                plus de personnages : c'est un vrai roman, en somme, et plus un                "simple" récit.
 
 
 
  - Tristes                  Revanches (Kamokuna shigai, Midarana Tomurai,                1998), 247 pages. Publié en 2004 chez Actes Sud.Il s'agit d'un recueil de nouvelles (narrées à la première                personne du singulier, parfois un homme, parfois une femme) dont                l'unité est assurée par des liens flous, des détails signifiants                ou purement anecdotiques qui relient toutes les histoires, voire                même mise en perspective (par exemple, dans Les tomates et                  la pleine lune, le narrateur lit la première nouvelle du                recueil).
 On y retrouve les cadres favoris de l'auteur : musée, piscine,                petite boutique tranquille isolée du brouhaha de l'extérieur ("", page 20), hôpital... Ses obsessions                également sont bien présentes, notamment dans Faufilage d'un                  Coeur. Des personnages, des fruits (kiwis, tomates), des                anecdotes entrevus dans une nouvelle se retrouvent dans une                autre laissant au final l'impression que des liens plus                profonds, visibles ou non relient toutes ces vies. Ces liens                contribuent à donner de l'intensité aux nouvelles, à assurer une                certaine unité, sans pour autant former un roman à proprement                parler, comme le fit Marguerite Yourcenar dans Le Denier du                  Rêve.
 
 
  - La                  Petite pièce hexagonale (Rokukakukei no kobeya,                六角形の小部屋, 1991), 110 pages. Publié en 2004 chez Actes Sud.Ce récit, qui commence dans une piscine - on est tout de suite                dans un cadre familier des histoires ogawaiennes - a des relents                psychanalytiques : un dispositif tout simple, une petite pièce                hexagonale qui est une sorte de confessionnal solitaire, si l'on                peut dire, permet à chacun de parler ("raconter" est le mot                employé) et dire ce qu'il a sur le coeur sans que personne                n'entende. "" (p.63). Voilà pour le principe. On notera au              passage qu'on retrouve une nouvelle fois cet espace clos, isolé du              monde extérieur, qui est un thème récurrent chez Ogawa.
 A part cela, pas grand-chose : quelques personnage singuliers,              tout de même, mais en définitive une oeuvre mineure ; on comprend              que sa parution ne se soit faite en France que tardivement.
 
 
 
  - Amours                  en marge  (Yohaku no ai, 余白の愛, 1991), 190                pages. Publié en 2005 chez Actes Sud.La narratrice s'est éveillée un matin en entendant un son                étrange, une sorte de flûte traversière. Mais elle se rend vite                compte que ce son n'existe que dans sa tête, ou dans ses tympans                à elle. Elle est hospitalisée (lieu très Ogawaien) dans un                service spécialisé. Il faut que le médecin murmure, car les sons                lui parviennent démultipliés.
 Après sa sortie de l'hôpital, elle est amenée à participer à une                table ronde sur les troubles de l'audition. Là, elle remarque Y,                un sténographe, elle se focalise sur sa main, et surtout ses ses                doigts, qui transcrivent tout ce qui est dit.
 La narratrice entend des sons qui n'existent pas, le                sténographe, lui, retranscrit les mots qu'il entend, avec les                émotions : ""                (page 91). On trouve donc également un thème cher à Ogawa :                comment conserver une trace des choses. Et le livre est traversé                de souvenirs de la narratrice : de son mari avec qui elle a                divorcé, et des souvenirs d'enfance.
 A part Hiro, le neveu de son ex-mari, elle ne reçoit guère que                la visite du sténographe, qui est perçu comme un être ayant un                don quasi mystérieux, celui de retranscrire la mémoire - ou                plutôt des fragments de mémoire - de la narratrice. Une relation                étrange se noue entre eux, comme souvent dans les romans d'Ogawa                : la narratrice (ou le narrateur) se croit normale, tout en                pressentant en elle une fêlure. Elle rencontre un être                différent, c'est-à-dire doté d'une particularité physique ou                mentale, qui va lui permettre de creuser sa propre anormalité,                d'explorer sa mémoire. Le décor (à noter un musée dans lequel se                trouve le cornet acoustique de Beethoven), l'histoire, les                personnages, tout est très classique dans l'oeuvre d'Ogawa. Pas                mal, sans faire avancer le schmilblick. On peut appeler cela                "creuser son sillon".
 
 
   
  - La                  Formule préférée du Professeur  (Hakase no                  aishita sushiki no ai, 博士の愛した数式, 2003), 247 pages. Publié                en 2005 chez Actes Sud. Il a obtenu le Prix littéraire de                Yomiuri, le Grand Prix des Libraires, et le Prix de la Société                des mathématiques.Cette fois-ci, la narratrice est une aide-ménagère placée chez                un mathématicien qui a eu, de nombreuses années auparavant, un                accident de voiture : à partir de ce moment, sa mémoire                "nouvelle" n'est plus que de quatre-vingts minutes.
 Tous les matins, en se réveillant, il doit réapprendre sa                condition, à l'aide de notes qu'il colle un peu partout sur ses                vêtements. On suit, dans ce roman, la relation d'amitié qui va                se mettre en place entre le mathématicien et l'aide-ménagère,                qui finira par amener également son fils. Le professeur va                pratiquement devenir un père de remplacement pour lui.
 Le mathématicien est abonné à un journal de mathématiques de                haut vol qui propose des concours ; il le remporte à de                nombreuses reprises.On trouvait déjà le thème du concours dans                Parfum de Glace, mais ici, il se fait à distance, via la poste.                L'aide-ménagère fait du rangement et du classement, ce qui est                un autre thème récurrent dans l'oeuvre d'Ogawa. C'est aussi un                symbole évident de la lutte de l'ordre et de la rationalité sur                le chaos.
 
 La première chose que le professeur de mathématiques demande à                un inconnu, c'est sa date de naissance, ou bien sa pointure. De                la réponse, il peut s'exclamer "" (page                16), à la suite de quoi il se lance dans l'explication des                factorielles, ou bien des nombres premiers, des nombres                parfaits, etc. On y apprend pas mal de choses intéressantes sur                les nombres. Le professeur est également un fan de base-ball                (thème déjà présent dans Le Musée du silence),                maîtrisant à la perfection les statistiques des joueurs. Il                collectionne les cartes des joueurs qui sont conservées                précieusement dans des emballages plastifiés.
 Depuis le fameux film de Christopher Nolan, Memento,                nous sommes familiarisés avec les problèmes qu'une mémoire                limitée peut engendrer, il n'y a donc pas de vraie surprise. A                part quelques passages, La Formule préférée est un                roman paisible. Objectivement, si l'on peut dire, c'est un livre                intéressant, mais il y manque ce petit quelque chose de décalé,                de vraiment étrange et parfois d'inexpliqué qui faisait une                grande part de la fascination que l'on pouvait éprouver pour L'Annulaire,                 La Piscine,  ou même le Musée du Silence. La
                  Formule préférée n'est pas dérangeant : il n'y                a, je crois, qu'une apparence d'étrangeté. Il est un peu trop                confortable : d'où peut-être les prix qu'il a remportés, je ne                sais pas... On est loin, très loin, des excès d'Hôtel Iris,                le livre le plus extrême d'Ogawa.
 
 Il a remporté un très grand succès au Japon (plus d'un million                d'exemplaires vendus) et a été plutôt bien adapté au cinéma                (voir en bas de page).
  
 
 
  - Les                  Paupières (Mabuta, 2001), 206 pages.                Recueil de nouvelles publié en 2007 chez Actes Sud, en même                temps que La Bénédiction inattendue (qui est lui un                recueil de récits, nuance...). Les deux recueils se font écho.                Il vaut mieux, toutefois, commencer par Les Paupières.                C'est le deuxième recueil de nouvelles, après Tristes
                  Revanches. Il est composé de huit nouvelles.
 
 1/ C'est difficile de s'endormir en avion (Hikoki de                neru nowa muzukashii). La narratrice, écrivaine, prend l'avion                depuis le Japon en direction de Vienne (une des villes fétiches                d'Ogawa, si l'on compte le nombre de fois où elle revient dans                ses histoires). Pendant le long trajet, son voisin de siège                engage la conversation et lui raconte ce qui lui est arrivé                quinze ans auparavant, également dans un avion en direction de                Vienne. C'est cette histoire qui occupe à peu près tout l'espace                de la nouvelle, à tel point qu'on peut se demander, après coup,                ce qu'apporte la partie de la nouvelle au "présent". Peut-être                cette mise en perspective apporte-t-elle, même artificiellement,                plus de matière, une certaine distance, qui sinon aurait manqué.                Pas mal.
 
 2/ L'art de cultiver des légumes chinois (Chugoku                yasai no sodatekata). Nouvelle assez curieuse.
 "" (page 27).
 
 Ni la narratrice ni son mari ne savent qui a entouré ce fameux                jour. Et le jour en question, la sonnette retentit dans                l'entrée, et une petite grand-mère se présente...
 J'avoue ne pas avoir compris le sens de la nouvelle, mais elle                est tout de même assez réussie. Suffisamment obscure pour qu'on                ne comprenne pas franchement, mais presque compréhensible, comme                si le sens se trouvait à portée de main, et qu'il suffisait de                se creuser un peu les méninges pour comprendre.
 On notera, page 47, un petit pain rond à la confiture, qui a un                écho dans l'Echec de Mademoiselle Kiriko (du recueil La
                  Bénédiction inattendue). De même que Ogawa essayait de                créer une certaine unité dans son recueil Tristes revanches,                en créant des échos, des liens sans raisons apparentes (un Grand                Plan Cosmique, quelque chose de cet ordre ?), ici elle tisse des                liens entre les nouvelles de Paupières et les récits de La                  Bénédiction inattendue.
 
 3/ Les Paupières (Mabuta). Il est difficile de                critiquer cette nouvelle. Il y a des choses bien, mais elle                ressemble à un brouillon d'Hôtel Iris.                Je ne sais pas de quand elle date : est-ce vraiment un                brouillon, ou bien une variation ?
 
 4/ Le Cours de cuisine (Oryori-Kyoshitsu). La                narratrice veut s'inscrire à un cours de cuisine "ordinaire",                elle qui a déjà fréquenté des cours de cuisine "splendides". Le                cours va être perturbé... Ce coup-ci, l'histoire est simple,                mais sa simplicité invite-t-elle à chercher un autre niveau de                lecture ?
 
 5/ Une collection d'odeurs (Nioi no shushu).""                (page 105)... La nouvelle la plus Ogawaienne du recueil.                Classement étrange, sens exacerbé et presque maladif... Bien,                même si on trouvait déjà le classement d'odeurs dans Parfum
                  de Glace.
 
 6/ Backstroke (Bakkusutoroku). Cette nouvelle fait                écho, par une mise en abîme, avec le récit Plagiat (de                La Bénédiction inattendue). On y retrouve un thème qui                traverse l'oeuvre Ogawaien : de la piscine, la natation. Comme                la première nouvelle du recueil, l'histoire principale est                rejetée en flash-back, le cadre du "présent" étant la visite de                la narratrice d'un ancien camp de concentration nazi. Ce                "présent" sert-il à mettre une teinte sombre à une histoire déjà                pas très joyeuse en elle-même ? Le frère de la narratrice est un                champion de natation, à qui sa mère se voue totalement.
 
 7/ Les Ovaires de la poétesse (Shijin no ranso). La                narratrice a des problèmes d'insomnie. Elle va à l'étranger (à                vue de nez, je dirais à Vienne...) sans emporter de somnifères,                en espérant qu'un changement de cadre améliorera sa situation.                Elle va être amenée à visiter un "musée commémoratif" consacréà                une obscure poétesse.
 Nouvelle un peu longue, entre rêve, réalité, et gros symboles                qui tachent, à la fois trop explicites et trop fumeux.
 
 8/ Les Jumeaux de l'avenue des Tilleuls (Rindenbaumu                (Lindenbaum)-Dori no futago). Exceptionnellement, on a ici                affaire à un narrateur. Il est écrivain et, de passage à Vienne,                rencontre son traducteur. Pas mal du tout.
 
 
 Au final, un recueil inégal, et, comme il est écrit en quatrième                de couverture : "une très belle introduction à l'oeuvre de Yoko                Ogawa", ce qui veut dire que si on est déjà introduit dans son                oeuvre, ce livre n'apportera pas grand-chose. Ce sont souvent                des vignettes, des idées qui ne suffisent pas à faire un récit                moyennement long et qui ont été conservées sous forme de                nouvelles un peu disparates. Il manque du liant.
 
 
 
 
 
 - La                  Bénédiction inattendue (Guzen no shukufuku, 2000),                190 pages. Récits publiés en 2007 chez Actes Sud, le copyright                de la traduction datant curieusement de 2000...7 récits. A chaque fois, il s'agit de la même narratrice, une                écrivaine soit enceinte, soit mère d'un petit garçon, et                propriétaire d'un chien, Apollo.
 
 1/ Le Royaume des disparus : après avoir comparé l'écriture d'un                livre avec l'exploration d'une forêt dense et silencieuse, la                narratrice tombe au fond d'une grotte, le royaume des                  disparus. "" (page 12). La collection de la tante de la                narratrice est pour le moins originale, et compte pour pas mal                dans l'intérêt de cette nouvelle, globalement sans histoire.
 
 2/ Plagiat : écho de la nouvelle Backstroke (du recueil Les
                  Paupières). Très moyen.
 
 3/ L'Echec de Mademoiselle Kiriko. Mademoiselle Kiriko est une                domestique qui porte plus d'attention à la narratrice enfant que                ses parents. Elle l'aide presque miraculeusement dans les                situations délicates... ces aides sont annoncées dans le récit                précédent : "",                page 50, à propos de Rémi dans Sans Famille, la                miséricorde du destin marquant durablement la narratrice. On                retrouve les petits pains vus dans L'art de cultiver les                  légumes chinois (du recueil Les
                  Paupières). Le meilleur récit du recueil.
 
 4/ Edelweiss : la narratrice adresse la parole à un homme                qu'elle voit lire, assis sur un banc. Elle n'aurait pas dû... Un                peu long, pas complètement abouti. On notera, page 124, une                allusion à Hôtel Iris, qui renforce l'ancrage du récit dans la                réalité. Sans vouloir jouer mon intégriste de la langue                française, on y rencontre l'horrible verbe "solutionner". Beurk.
 
 5/ Lithiase lacrymale : Apollo, le chien de la narratrice, est                malade. Voilà. A part le petit détail ogawaien qui consiste à                garder de côté une partie du corps, un bout de truc coupé, il                n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. A noter                toutefois un destin encore plus miséricordieux que dans l'Echec                de Mademoiselle Kiriko. Mais ça ne fait pas une histoire.
 
 6/ L'Atelier d'horlogerie : Encore moins dans cette nouvelle.                Bof bof.
 
 7/ Résurrection : le fiston de la narratrice a un problème                physique qui nécessite une opération... Là encore : bof bof.
 
 
 Les Paupières, bien que composé de nouvelles inégales,                est donc largement supérieur à La Bénédiction inattendue,                dont on ne gardera que les quatre premiers récits (je suis                peut-être un peu dur, mais bon, des goûts et des couleurs... Par                exemple, une personne visiblement fan d'Ogawa (Mlle F. - "F"                comme Fnac...) m'a dit avoir trouvé Parfum de Glace                trop bizarre et n'avoir pas pu le finir, alors que                personnellement, je trouve Hôtel Iris plus                dérangeant...).
 
 On peut comprendre pourquoi ce recueil n'avait pas encore été                publié en français.
 
 
   
 - La Marche                  de Mina (Mina no koshin, ミーナの行進, 2006), 318 pages.                Traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle. Sorti en 2008 chez Actes                Sud. Prix Tanizaki 2006.La narratrice, Tomoko, a douze ans.
 A propos de sa mère : "[de
                mon père]" (page 12).
 
 La narratrice se remémore le passé : "" (page 16). Du coup, s'agissant de                souvenirs, l'histoire n'est pas toujours linéaire.
 
 Dans la famille, il y a l'oncle, Erich-Ken, et la tante ; puis                leur leur fils aîné, Ryuchi (qui poursuit ses études en Suisse),                et leur fille, Mina, atteinte d'asthme chronique ; et encore                grand-mère Rosa, qui a quitté son Allemagne natale dans les                années 1930, et les employés : madame Yoneda, l'employée de                maison, et monsieur Kobayashi, le jardinier. Et Pochiko,                l'hippopotame nain, qui vit dans le jardin " (page 22). Pochiko est le dernier survivant du                jardin zoologique qui a fermé depuis de nombreuses années.
 
 C'est une famille hors-norme.
 "" (page 17).                L'oncle, mi-japonais mi-allemand, est toujours impeccablement                habillé, très classe, toujours calme. Il est directeur d'une                société de "" (pages 17-18). (amusant :                l'héroïne de L'Annulaire travaillait déjà dans "",                page 10 chez Babel). Mina, elle, lit énormément et fait la                collection de boîtes d'allumettes (on retrouve donc bien le                thème ogawaien de la collection).
 
 Mina est le personnage central du livre. Elle est jolie,                intelligente, mais fragile. ""                (page 53).
 C'est bien du Ogawa, tout comme les " [...]" où "" (page 129), il y                a aussi une cuisine rutilante (thème apparu dans le recueil Les
                  Paupières).
 
 Du fait de sa santé fragile, Mina doit aller à une école proche.                Et encore le fait-elle à dos d'hippopotame nain, les voitures                produisant des gaz toxiques. Un petit siège est installé sur le                dos de Pochiko. "" (page 56).
 Mina va encore à l'école primaire, alors que Tomoko va entrer en                première année de collège.
 Malgré cela, Mina est plus mûre, plus intelligente, et plus                cultivée. L'environnement y est forcément pour quelque chose, la                maison débordant de livres. ""                (page 79). Ainsi, Mina a-t-elle lu La
                  Danseuse d'Izu, Pays de Neige...
                de Kawabata. Les livres de la maison ne suffisant pas, elle en                fait emprunter par Tomoko. Le bibliothécaire lui propose Les
                  Belles Endormies...
 Du coup, on a droit à une petite analyse intéressante de cette                oeuvre. "."
                (page 127).
 
 Il se passe un certain nombre d'événements dans le roman, qui                rompent le quotidien de cette famille atypique : les Jeux                Olympiques de Munich, qui ravivent les souvenirs de grand-mère                Rosa, le retour pour les vacances du grand-frère, les crises                d'asthmes de Mina, etc. Mais il n'y a pas de perversions                particulères, l'excentricité est gentille (même les voitures                roulent "",
                page 184).
 Ce roman est nettement meilleur que La
                  Formule préférée du Professeur.
 Toutefois, laisse-t-il une impression profonde comme L'Annulaire,                La Piscine, ou même Le
                  Musée du silence - qui comporte quand même, avec le recul,                une sacrée ambiance ?
 C'est un bon roman sans perversion, psychopathes en tous genres,                mais également sans gros pathos "émotionnant". La quatrième de                couverture parle d'"un cycle voué à la tendresse et à                l'initiation". Du coup, il peut se poser le même problème qui                fait que les films oscarisés sont quasiment toujours des drames                : le drame martelé laisse plus de traces et impressionne plus                que le bonheur quotidien, tranquille, même marqué de nostalgie.
 
 Le livre suppose parfois une certaine connaissance du Japon.                Lorsqu'on lit qu'un terrain fait mille cinq cents tsubo                (page 18), on a beau se gratter la tête, on suppose que cela                fait beaucoup, mais sans plus : ce n'est pas très évocateur. De                même, quand on parle de la quinzième année de Showa                (page 119), il faut refaire les calculs. Il est aussi fait                mention de la golden week, etc. C'est très agréable de ne pas se                voir réexpliquer quelque chose qu'on a lu cent fois dans des                notes ailleurs, mais alors, pourquoi ne pas avoir écrit que le                roman avait obtenu le Prix Tanizaki 2006 ? Ce n'est quand même                pas un petit prix...
 Pour finir,                Rose-Marie Makino-Fayolle, sans doute avec humour, a dû faire                exprès de laisser une faute (sur 318 pages...).Alors, je vais faire comme la tante du livre qui relève les                petites fautes et fait de jolies lettres aux éditeurs. Page 200,                il est question de boîte à couture et il est écrit : "La mienne                que j'ai hérité de mon grand-père est en bois, [...]". Il manque                un "e" à "hérité". Et pour mieux dire (comme il m'a été                signalé), on pourrait écrire "La mienne, dont j'ai hérité de mon                grand-père..." Du coup, il ne manque plus le "e" à "hérité".
 Finalement, c'est un roman marquant !
 
 
 - La Mer (Umi,                2006), 149 pages. Nouvelles traduites par Rose-Marie              Makino. Actes Sud, 2009.
 Ce recueil contient 7 nouvelles.
 
 1/ La Mer. 19 pages.
 Le narrateur, professeur de technique au Collège,se rend pour la              première fois dans la maison familiale de sa future femme, Izumi –              également professeur - pour la demander en mariage. Le lieu n'est              pas facile d'accès.
 "" (page 11).
 Outre les parents d'Izumi, il y a également sa grand-mère, qui              perd un peu la tête, et le "petit cadet" d'Izumi, qui a dix ans de              moins qu'elle. Le narrateur va partager sa chambre pour la nuit.
 C'est ainsi que l'histoire va se concentrer sur ce cadet, et son              étrange musique… En dire plus ne serait pas bien.
 Très bonne nouvelle.
 
 2/ Voyage à Vienne. 18 pages.
 Cette nouvelle commence ainsi :
 "" (page 33).
 Pour la narratrice, c'est le "" (page              34).
 On va découvrir très rapidement la vraie raison qu'a Kotoko (un              pot de colle) de faire ce voyage.
 Elle a du mal avec les caractères occidentaux et a peur de se              perdre. La narratrice lui écrit le nom de l'hôtel :
 "" (page 35).
 On est bien chez Ogawa…
 "." (page 36).
 Pas mauvais, mais inférieur à La Mer. Surtout, on voit              la fin arriver très longtemps à l'avance…
 3/ Le bureau de dactylographie japonaise                Butterfly. 23 pagesLe bureau de dactylographie japonaise Butterfly, bien que              situé à un endroit très fréquenté, n'est quasiment pas remarqué              par les passants. Le bureau "" (page              53).
 Il est fréquenté par les chercheurs de l'université de médecine.
 "" (pages 54-55).
 "" (page 56).
 Parfois, un caractère japonais s'abîme, il faut en changer…
 Classement, travail minutieux, termes médicaux… Une fin légèrement              tordue. Vraiment très bien.
 4/ Le crochet argenté. 3 pages.Assise dans un train, la narratrice voit une vieille dame, en face              d'elle, faire du crochet. Elle repense à sa grand-mère.
 Toute petite nouvelle, une vignette. Pas mal du tout.
 5/ Boîtes de pastilles. 2 pages. Une              nouvelle toute mignonne, avec une petite pointe triste quand même. 6/ La camion de poussins. 22 pages."" (pages 89-90)
 ""              (page 92).
 L'histoire tourne autour de la petite fille, très taciturne, pour              dire le moins. Elle fait des présents étranges…
 Très belle nouvelle.
 7/ La guide. 37 pages.Le narrateur est un enfant. "" (page 115)
 "La ville n'est pas un endroit aussi intéressant que ça, et              pourtant elle est envahie de voyageurs. Il y a une rivière une              citadelle et un lac, une roseraie. C'est seulement pour ça que les              gens veulent se rassembler autour du drapeau de maman pour écouter              ses explications."
 Au début de l'histoire, elle a perdu son drapeau de ralliement. "" (page              117). Un dimanche, le narrateur doit accompagner sa mère dans son              travail… Tout ne se passera pas comme d'habitude, bien sûr.
 Il y a, comme souvent chez Ogawa, des gens à la profession              étrange, ou bien qui l'exercent de manière originale…
 Encore une très bonne nouvelle.
 
 En conclusion, un très bon recueil, largement              supérieur aux précédents de l'auteur (Les Paupières, La
                Bénédiction inattendue), qui semblaient parfois être des              brouillons de ses romans.    
 Cristallisation secrète. (Hisoyakana                  kessho, 密やかな結晶, 1994), traduit en 2009 par Rose-Marie                Makino. 341 pages. Actes Sud.
 "" (page 9).
 
 Les choses qui disparaissent perdent leur identité propre, si                l'on peut dire.
 "." (page 12).
 
 La narratrice s'étonne : comment se fait-il que elle, sa mère,                se souvienne de tout cela ?
 Les années passent, la mère, sculptrice, et le père,                ornithologue, décèdent. La narratrice devient écrivain (et,                curieusement, ses écrits sont plus Ogawaiens - je veux dire                ressemblent plus à ce qu'elle écrivait à l'époque, des textes un                peu tordus - que le livre que l'on a entre les mains).
 ""                (page 16). Après des disparitions comme celle-ci, les gens dont la                profession en est affectée changent de travail, par un phénomène                quasiment naturel. Par exemple, un chapelier devient fabricant                de parapluie.
 Personne ne râle...
 Il faut dire que la police secrète veille.
 
 "" (page 29). Des rafles sont                effectuées...
 
 Le ferry a disparu - même s'il est encore là, plus personne ne                sait s'en servir. Nul ne peut quitter l'île. Plus troublant,                personne du continent ne cherche à venir sur l'île ; le                téléphone existe toujours, mais personne n'appelle à l'aide. La                télévision et la radio fonctionnent encore, mais on ne sait pas                si les disparitions n'ont lieu que sur l'île (on le suppose) ou                également sur le continent. Les avions existent encore (on                aperçoit un sillage d'avion, page 38).
 Evidemment, on n'ira pas chercher la petite bête, on voit bien                qu'il s'agit d'un conte.
 
 On note quand même quelque chose de curieux : on peut lire, page                143 ""... ce qui n'est pas possible,                puisque les photos avaient déjà disparu ("", page 119).
 L'atmosphère                totalitaire est de plus en plus oppressante, les disparitions                sont parfois sidérantes.Un roman vraiment intéressant, quelque peu différent du reste de                la production d'Ogawa. Ici, le monde est différent du nôtre.                Enfin, j'espère.
 Est-ce pour cette raison qu'il ne nous arrive que quinze ans                après sa sortie japonaise ?
 Comme la tante de La Marche de Mina,              j'ai repéré, page 167 "... " (il manque un "n'").  
 
 Les Tendres                  plaintes. (Yasashii uttae, やさしい訴え, 1996),                traduit en 2010 par Rose-Marie Makino et Yukari Kometani. 239                pages. Actes Sud.Le roman commence ainsi :
 ""
 La narratrice vient de quitter son mari, violent et infidèle.
 "" (page 12).
 Le chalet, c'est celui où elle venait en famille pendant les                vacances, lorsqu'elle était petite.
 "" (pages 20-21).
 Les mains, ou plus exactement le bout des doigts (ce qui permet                de toucher, de connaître ?) une des nombreuses obsessions                ogawaiennes.
 Le mari, comme on le voit, ne semble pas aimable, ni bien                sympathique. Mais du peu qu'on le voit, il a l'air assez franc.                Pourquoi ne se sont-ils pas quittés depuis longtemps, ça…
 Dans la longue liste des métiers originaux (ou              rares dans les romans) que l'on rencontre chez Ogawa, on a ici la              calligraphie.On va être confronté également au processus de fabrication des              clavecins chez des voisins. On rencontre un vieux chien (ce n'est              pas la première fois chez Ogawa), une piscine, des objets qui "" (page 37 ; et hop, on a le thème              du classement), une boîte "" (page 91), bien sûr. On pourrait continuer ainsi              : l'endroit comme hors du temps, …
 L'histoire (ou l'absence d'histoire) va tourner entre notre              héroïne, le facteur d'instruments et son assistante. Le facteur              d'instrument est un personnage que l'on rencontre de temps à autre              chez Ogawa, mais qui étaient jusqu'à présent plus ouvertement              dominateurs, ou plus vieux. Là, il est jeune et sympathique. Bien              sûr, les personnages ont chacun leur petit traumatisme (chacun le              sien), mais cela ne va pas bien loin.
 Le début du roman est globalement pas mauvais, et              puis le livre et l'histoire patinent, il n'y a pas de tension, de              progression, de but que l'on pourrait percevoir et attendre… Il faudrait une tension, une atmosphère, ou des personnages              vraiment singuliers, originaux. Ici, ils sont très effacés (sauf              l'assistante, dans une certaine mesure). Et c'est long, puisque le              lecteur n'attend rien (quelle différence avec Cristallisation                Secrète, ou L'Annulaire, ou Le Musée du                Silence, ou… quasiment tous ses autres romans).
 Les deux dernières pages sont pas mal du tout, elles rejettent le              reste du livre dans une parenthèse hors du temps, presque magique.
 Ogawa a fait nettement mieux avant, et nettement              mieux après. Pour ce roman-ci, on comprend qu'il n'avait pas été              traduit jusqu'à présent (même s'il y a peut-être d'autres raisons              que la simple qualité). A noter que l'on a deux "solutionner" (pages 89              et 168), verbe vraiment très moche.
  Couverture : photo de Guy Bourdin.
 Livre photographié dans les jardins Albert Kahn, lors de la très              belle après-midi du1er mai 2011.
 - Manuscrit zéro (Genkô                Zeromai Nikki, 原稿零枚日記, 2010), traduit en 2011 par              Rose-Marie Makino. 235 pages. Actes Sud."Aujourd'hui, telle une pause formelle et dans une langue beaucoup              plus immédiate, Manuscrit zéro s'impose au coeur de son oeuvre",              dit la quatrième de couverture. Je n'avais jamais trouvé que la              langue des livres d'Ogawa fût particulièrement tarabiscotée...              elle m'a toujours paru au contraire immédiate, et c'est notamment              le décalage entre l'immédiateté de la langue et la non-immédiateté              de l'histoire qui est intéressante. Ce décalage n'a (heureusement)              pas changé.
 
 Il est difficile de catégoriser ce livre.
 Il s'agit d'un journal, ou du moins de fragments d'un journal, le              "Manuscrit zéro". Et puis il y a d'autres extraits de manuscrits              qui viennent s'intercaler de temps à autre.
 Ce n'est donc pas un roman, ce ne sont donc pas vraiment des              nouvelles non plus, mais ça y ressemble.
 C'est comme une suite d'histoire quotidiennes plus ou moins              fausses ou imaginées, ou fantasmée, d'Ogawa.
 
 Par rapport à ses précédents ouvrages, il y a ici beaucoup de              mousses et de végétation... et même un "Restaurant spécialisé dans              la préparation des mousses." (page 13). Le livre s'ouvre donc avec              une étrangeté bienvenue.
 Par contre, les thèmes habituels sont bien présents.
 On a ainsi le thème de la disparition : le nom d'un écrivain qui              brusquement échappe... mais a-t-il vraiment existé ? Et son roman,              dont la narratrice se souvient aussi bien, n'a-t-il jamais existé              ailleurs que dans son imagination ?
 Pour ne pas oublier, pour fixer les choses, la narratrice - en              plus d'être écrivain - est une experte dans les “grandes lignes",              dont elle assure un cours (jusque là, contre l'oubli et la              détérioration du temps, on avait eu les musées, les classements              divers).
 "" (page 86).
 Le cours a lieu dans une petite pièce à l'écart. "" (page 102).
 On retrouve ce type de lieu favori de l'auteur : un lieu calme,              isolé. Le monde existe, mais il est loin, il n'interfère pas.
 (Dans un même ordre d'idée, on fera la connaissance des crevettes              spongicola venusia. Ce sont deux crevettes, le mâle et la              femelle, qui pénètrent dans une euplectelle - une éponge siliceuse              - lorsqu'elles sont encore au stade larvaire, et y restent toute              leur vie entière sans pouvoir en sortir. Il paraît que c'est un              symbole de fidélité au Japon.)
 La narratrice extrait donc les grandes lignes des livres, en deux              cents caractères, et trouve les "" (page 88).
 On a ainsi une très bonne partie, celle avec le professeur Z.
 
 Le livre est un petit peu lent à démarrer, avec des passages un              peu trop longs, notamment quand elle est interviewée par une              journaliste, et puis la réunion sportive, le pilleur de              cocktail...
 
 Mais, progressivement, ça devient bien (ça l'était déjà au début              avec le restaurant de mousses) : les Grandes lignes, le Santé                Super Land, le festival de bonsaïs... On retrouve donc les              singularités qu'on aime chez Ogawa : dans le salon de thé attenant              au festival de bonsaïs, le thé est servi avec un arrosoir à              bonsaïs, c'est un très joli passage.
 Et le sumô des pleurs d'enfants !
 Sans parler du festival d'art contemporain, qui rappelle un peu              tout petit peu La Guide (nouvelle du recueil La Mer),              mais ici, on sent que Cristallisation secrète n'est pas              loin...
 
 
 Ce n'est donc pas un recueil de nouvelles séparées les unes des              autres, ce n'est pas non plus un roman, c'est un texte curieux              (dans le sens qu'on a du mal à le catégoriser), intéressant, avec              quelques passages un peu longs, mais aussi de très bons              "épisodes".
 Un livre bien supérieur au précédent sorti en français, Les                Tendres plaintes.
 
 
 
 Je vais faire comme la tante de la Marche de Mina et              noter deux petites incohérences (ou bien est-ce fait exprès, et je              n'ai pas compris ?):
 - Une "nouvelle" (page 62), se transforme en "roman" (page 64).
 - Mais le plus bizarre est relatif au public qui vient assister              aux cours sur les "grandes lignes." Page 105, on lit : "", et page 107, à propos d'une femme              qu'elle va voir à l'hôpital : ""
 Cela semble contradictoire.
 
 Pour finir, deux photos de bonsaïs vus dans les              Jardins Albert Kahn. Pour un compte-rendu plus complet, lire ici.
      
 
 Les Lectures des Otages              (Hitojichi no Rôdokukai, 人質の朗読会, 2011). Récits traduits du              japonais en 2012 par Martin Vergne. 190 pages. Actes Sud.  "" (page 7).(on ne sait pas si la rançon concerne aussi le véhicule).
 
 Ceci se passe dans une zone montagneuse. Du temps s'écoule. Les              négociations durent. Les forces d'intervention entrent en action.
 "A"              (page 9).
 
 Mais "" (page 11).
 Et, sans doute pour passer le temps, chacun des huit otages avait              lu l'histoire de sa vie, ou du moins d'un moment important de sa              vie.
 Ces histoires composent les récits du recueil.
 
 Il y a une femme ("", page 27)              qui, petite, avait aidé un ouvrier blessé dans un accident de              balançoire.
 Il y a aussi une femme qui travaille dans une biscuiterie. Sa              tâche est très ogawaienne : "" (page 33).              On suit les relations entre cette femme et son étrange logeuse.
 Un homme - ("", page 72) raconte les circonstances qui l'ont              amené à devenir écrivain : la découverte de "". Dans cette salle du              bâtiment des réunions publiques, on est dans la lignée des              conférences en petit comité des "Grandes Lignes" du Manuscrit                Zéro : il y a un caractère participatif, par exemple              lorsque se réunissent "" (page 55), et              une sorte de communion dans les activités solitaires comme dans ""              (page 67).
 Peut-être est-ce cet homme qui a organisé les narrations des              otages, qui sait ?
 
 On rencontre également un vieillard qui vend des peluches pas très              commerciales, une curieuse femme qui cuisine de façon              extraordinaire un simple "consommé" (dans une cuisine ogawaienne,              aussi : les ustensiles sont bien rangés, tout est organisé et              propre) ; lorsque le consommé est prêt, tout est nettoyé, il ne              reste plus trace de ce qui vient de se passer.
 Et encore un lanceur de javelot qui s'exerce dans un stade dont "" (page 120).              Un lieu calme, isolé, mais où l'on voit les traces du passage du              temps.
 Chaque otage laisse une trace, par la parole, de              sa vie disparue, comme les gens qui s'exprimaient dans l'une des              "langues en situation critique". On pense un peu au film After
                Life (Wandâfuru raifu, 1998) de Kore-eda Hirokazu.
 Le fait que le lecteur connaisse la fin de vie tragique des              narrateurs ajoute un petit quelque chose de grave, comme si l'on              cherchait un signe avant-coureur, une forme de destinée dans un              fragment de vie.
 C'est un bon recueil, certes pas novateur dans              l'oeuvre d'Ogawa : on retrouve les éléments, les types de lieux et              de personnages qui lui sont chers et habituels, mais elle parvient              encore à nous raconter des petites histoires avec des bizarreries              qui fonctionnent bien.
 
 
 Le Petit joueur d'échecs (Neko              wo Daite Zô to Oyogu, 猫を抱いて象と泳ぐ, 2009). Roman traduit du japonais              en 2013 par Martin Vergne. 332 pages. Actes Sud. Le titre original              semble se traduire par "Un chat dans les bras il nage avec              l'éléphant" (ça a été le titre français temporaire, que j'aime              bien : il a une jolie bizarrerie).
 Le titre français est plus direct : le roman va parler d'échecs.              D'une certaine façon, au début du livre, Ogawa utilise le jeu              d'échecs comme elle avait utilisé les mathématiques dans La
                Formule Préférée du Professeur : il y a un petit côté              pédagogique, mais qui s'efface vite. Après, le roman se développe              finalement mieux que La Formule.
 
 Le héros est un petit garçon qui est né avec les lèvres collées.              Bien sûr, les médecins ont procédé à une opération pour lui              permettre de s'alimenter.
 ""              (page 30).
 Son don à lui, ça va être les échecs. Comme              souvent chez Ogawa, notre jeune héros va se trouver un maître hors              normes. Lui-même n'est pas banal, comme on l'a vu ; mais,              conséquence ou non de cette différence initiale qui a laissé des              traces, il aspire au calme, à la tranquillité, et ne peut vraiment              se concentrer qu'en se dissimulant : même son lit est clos.Comme de nombreux personnages ogawaiens, il se sent bien dans un              espace étroit, renfermé, coupé du reste du monde, un peu comme              s'il avait disparu (le grand thème ogawaien).
 Le jeu d'échecs lui-même s'inscrit dans les thèmes chers à              l'auteur : la transcription d'une partie d'échecs, c'est la trace              écrite, qui peut si facilement disparaître, d'une partie qui a eu              lieu. Une partie belle, exceptionnelle, poétique, mais qui est              éphémère et ne pourra survivre que grâce à quelques annotations              sur une feuille ; et cette partie sera encore plus remarquable si              la personne qui la transcrit aura eu une belle écriture.
 
 Notre jeune héros découvre donc les échecs, mais également les              grands joueurs du passé.
 "" (page 73).
 Il en vient à s'intéresser à la vie d'Alekhine."" (page 76).
  (photo Wikipedia)
 Peut-être que l'intention du concepteur n'était              pas que Alekhine puisse jouer (un tel joueur avait-il besoin d'un              échiquier ?) mais que l'on puisse lui rendre hommage en jouant sur              sa tombe, auquel cas on s'installe à droite et à gauche ? Les années vont passer... On va suivre l'évolution de notre héros,              ses aventures.
 
 
 Petites remarques concernant le texte français : pourquoi utiliser              ce verbe horrible qu'est solutionner (par exemple page              252), quand résoudre existe ? (certes, il arrivait à              Rose-Marie Makino-Fayolle de l'utiliser aussi - en tout cas dans              les traductions publiées sous son nom. A noter qu'il est              intéressant de voir les changements dans le style lors d'un              changement de traducteur ; Martin Vergne aime beaucoup couper des              phrases, en mettre deux là où j'ai l'impression qu'il aurait très              bien pu n'y en avoir qu'une - par exemple, dans la citation              ci-dessus, page 76 - ; mais comme je ne connais pas le              Japonais...).
 Et pourquoi utiliser si souvent "jouer" de façon transitive ? Il              est pourtant facile d'écrire "jouer contre quelqu'un"              au lieu de "Jouer quelqu'un" : même le Petit Robert (en tout cas              la version 2006) écrit qu'il s'agit d'un emploi critiqué. C'est              bon pour les commentateurs sportifs, mais pas pour un Ogawa, quand              même...
 
 On trouve également "" (page 301). Usage familier, dit le              Petit Robert. Mouais. Pourquoi nous donner une phrase laide alors              qu'il est tellement simple d'écrire "lorsqu'il a gagné contre le              maître" ? ou bien "lorsqu'il a battu le maître" ?
 
 Le Petit joueur d'échecs est un très joli livre,              dans la lignée de ce qu'écrit Ogawa actuellement (on est dans sa              période "douce"), mais sans qu'on ait une impression de              répétition.De plus, il n'est nul besoin de connaître les règles du jeu pour              l'apprécier (on n'est pas dans Le Maître de Go de Kawabata).
     
      Couverture française : Jérôme Bosch, le Jardin des délices                terrestres (détail), 1503-1504, musée du Prado, Madrid. A              droite, le détail remis dans son contexte. Pour la totalité de              l'oeuvre, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jardin_des_délices_(peinture)
 Petits Oiseaux (kotori,              ことり, 2012). Roman traduit en 2014 par Rose-Marie Makino-Fayolle              (qui est de retour, après plusieurs années de silence ?). Actes              Sud. 269 pages. "" (page 9-11). Le livre va retracer l'histoire de cet homme, en              commençant par son enfance. Il a été marqué par son frère aîné,              passionné d'oiseaux.""              (page 23).
 Celui qui deviendra le monsieur aux petits oiseaux est              mystérieusement le seul de la famille à comprendre la langue de              son frère, qui semble atteint de quelque chose ressemblant à de              l'autisme, ou quelque chose de cet ordre : il vit dans son              univers, peut rester des heures sans bouger tout contre un              grillage, son attention entièrement focalisée sur les oiseaux              d'une volière.
 Son langage, le pawpaw, se rapproche de celui des oiseaux et,              comme eux, il a des habitudes qu'il lui faut respecter : il a peur              de la nouveauté.
 
 Le futur monsieur aux petits oiseaux, grâce à son frère,              s'est très intéressé lui aussi aux oiseaux. Il lit tout ce qui les              concerne et parvient même, à la bibliothèque, par quelques signes              mystérieux, à deviner dans quels livres se trouvent des oiseaux.              Dans un ouvrage consacré à une société spécialisée dans les cages              pour oiseaux et autres ustensiles, il trouve une citation :
 "" (page 131).
 De même, son frère et lui vivront ensemble, à l'écart du monde, au              calme, en profitant de la liberté qui leur conviendra : un monde              d'habitudes, comme un oiseau qui fait et refait inlassablement le              même chemin dans sa cage. Les voyages seront virtuels.
 Le roman est très ogawaien : tranquillité des lieux, propres mais              anciens ; vies à l'écart du monde, comme en apesanteur ; nostalgie              ; fascination pour un domaine particulier - oiseau ou encore              grillon ; problème du langage...
 C'est un très joli livre, toujours dans la veine              "douce" de l'auteur.
   Instantanés d'ambre ( Kohaku no              matataki, 琥珀のまたたき, 2015). Roman traduit en 2018 par Rose-Marie              Makino-Fayolle Actes Sud. 304 pages.  Notice à venir, peut-être ? 
 
   Petites boîtes (Kobako, 小              箱, 2019). Roman traduit du japonais  par Sophie Rèfle,            202 pages. Actes Sud.
 Le roman commence ainsi :
 "" (page 7).
 
 Tout cela est étrange... Un peu plus tard, on assiste à une autre            bizarrerie, le concert de "soi à soi", au cours duquel chacun peut            écouter de façon privée, mais quand même en groupe, de la musique            faite par des instruments macabres. Lorsque le vent est bon, les            solistes marchent, en haut d'une colline, avec leurs petits            instruments accrochés aux oreilles, qu'eux seuls peuvent donc            entendre :
 "" (page 25). On trouve bien sûr d'autres            instruments : mini harpes avec des cheveux d'enfants morts qui            vibrent dans le vent...
 M. Baryton, lui, ne peut plus parler, il ne s'exprime qu'en            chantant. Ça tombe bien, il a une belle voix. Un autre personnage ne            peut s'éloigner d'une zone précise, celle où son enfant avait été,            de son vivant. Chacun a sa bizarrerie, conséquence du deuil de son            enfant.
 
 La narratrice est une sorte de gardienne de cette ancienne école,            dans laquelle se trouvent des boîtes en verre.
 " (page 33).
 
 Mais ce ne sont pas des autels figés, tournés vers le passé :
 "" (page 35).
 
 Voilà, c'est à peu près tout. La situation n'évolue pas entre le            début et la fin du livre : un an passe, quelques personnages            défilent, qui n'existent pour ainsi dire pas, et pourtant on n'est            pas dans un conte, on n'est pas dans un monde "différent", comme            celui de Cristallisation secrète, où le lecteur cherche à            comprendre les lois, percevoir des menaces, à faire des parallèles            avec notre monde à nous. Pour la plupart, les personnages, à l'image            de la narratrice, n'ont pas de complexité et se caractérisent par le            travail qu'ils faisaient avant la mort des enfants. Depuis, ils ne            travaillent d'ailleurs pas vraiment (ceci dit, si les personnages            "vivaient" vraiment, la douleur de tous ces gens serait            insupportable, donc finalement : tant mieux). Mais pourquoi les            enfants sont-ils tous morts ? Pourquoi semble-t-il ne plus y avoir            de bébés ? On ne le saura pas. Y a-t-il une parabole, quelque chose            sur quoi réfléchir, à part que le deuil, c'est pas gai ? Il ne me            semble pas, ou alors je n'ai pas compris. Bref, on ne sait rien,            même pas qui est l'auteur de la couverture du livre (DR). Les            boîtes, les classements, les pièces calmes, la petite once de            masochisme, tout ça est connu et archiconnu chez Ogawa. Aligner les            bizarreries, ça ne fait pas forcément un bon livre. Il faut qu'on            s'intéresse à quelque chose, les personnages, la situation, qu'on            cherche à comprendre, à creuser, qu'il y ait une attente, une            évolution. Là, rien. Il y a des livres où l'on ne nous explique pas            tout, voire qui sont limite incompréhensibles, un peu bancals, mais            qui sont néanmoins mystérieusement accrocheurs (des nouvelles            d'Henry James, par exemple). Ça n'est pas le cas ici. Et c'est            vraiment long.
 Pour finir, il semble que personne n'ait relu le livre correctement            (problème dans le livre en japonais ? coquille dans la traduction            ?). Page 18, on nous dit que les visites de M.Baryton sont            précieuses "" (qui, comme de            bien entendu, a une bizarrerie - sans compter, tant que j'y suis,            encore quelque chose d'étrange : elle est à l'hôpital, gravement            malade, et son mari, qui pourtant l'aime énormément, et qui semble            ne rien avoir à faire, ne va pas la voir... pourquoi ?... eh bien -            surprise ! - , on ne le saura pas). Dès la page suivante, on sait            que c'est faux, puisque la narratrice se demande : "". Etonnant, non ? Encore une bizarrerie ?            Un truc profond ?
 
 Ah, pour vraiment finir, tel un personnage de La Marche de Mina,            je note qu'il y a une faute, page 175 : ""
 
 Pour vraiment vraiment finir et relativiser, il faut noter que Petites
              boîtes a remporté le Prix
              Noma 2020 (ce qui aurait pu être mentionné quelque part...),            attribué par des gens qui connaissent la littérature mieux que moi.
 
 
 Autres livres non traduits en français :
 - Angelina
 - Evening When the Fairies Alight (Yosei ga mai-oriru yoru),                essais.
 Films d'après son oeuvre :- L'Annulaire (2005), film de Diane Bertrand. Un peu décevant,              comparé au livre. Avec Olga Kurylenko. Un film trop désincarné.
 - La Formule préférée du professeur (Hakase no aishita sûshiki,              2006), réalisé par Koizumi Takashi (le réalisateur de Après                la pluie, 1999, sur un scénario de Kurosawa Akira, et dont              l'intérêt principal est de montrer, si l'on avait encore un doute,              que tout le monde n'est pas Kurosawa, et qu'être assistant metteur              en scène sur Ran, Kagemusha... ne suffit malheureusement pas).
 Pas sûr que ce film sorte un jour en France, ce qui est dommage,              car il est vraiment pas mal du tout. Sans doute que la gentillesse              passe mieux à l'écran que l'étrangeté d'Ogawa.
 
   
 A noter que Ogawa fait une apparition dans le film Okoge              (1992), de Nakajima Takehiro (scénariste notamment de Love Letter,              d'après Asada Jirô, mais également de              Zatôichi 16...).
 
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