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SARAMAGO José
(Azinhaga, 1922 - à Lanzarote, Îles Canaries, Espagne, 18/06/2010)
Ecrivain, journaliste.
Bon élève, il a été placé en école professionnelle à l'âge de 12 ans, car ses parents étaient trop pauvres.
Pendant deux ans, il a travaillé comme mécanicien automobile, puis a occupé divers postes administratifs, pour finalement devenir journaliste et traducteur.
Il lui faudra de nombreuses années pour s'imposer dans le monde littéraire : près de trente ans s'écoulent entre son premier roman Terre du péché (Terra do pecado, 1947) et son deuxième : L'Année 1993 (O ano de 1993, 1975).
Le succès vient avec Le Dieu Manchot (1982), roman qui lui assure une renommée internationale.
Saramago est membre du Parti communiste portugais depuis 1969.
Il a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1998, devenant le premier et jusqu'à présent le seul écrivain de langue portugaise a l'avoir obtenu.
L'Aveuglement, de Saramago, dans la beauté de l'île de Versailles, à Nantes, le 6 novembre 2008.
L' Aveuglement (Ensaio sobre a Cegueira, 1995, Editions du Seuil, 303 pages, traduit par Geneviève Leibrich).
C'est le début. Un feu passe au rouge, les voitures s'arrêtent. Puis c'est le feu vert... une voiture ne repart pas. Que se passe-t-il ? Un problème mécanique ?
"" (page 12).
" [...]" (page 13).
C'est le début de l'épidémie d'aveuglement...
On aura noté le style particulier de Saramago : les dialogues sont écrits à la suite, sans retour à la ligne. Cela pourrait paraître gratuit, mais - en tout cas dans ce livre - cela renforce la coulée du roman, une lave pâteuse qui avance inexorablement, les dialogues, les descriptions et les commentaires ironiques formant un tout.
Le grotesque même des aveugles est souvent pathétique et malheureusement drôle :
"" (page 52).
Les aveugles sont rapidement parqués : il faut limiter la contagion.
"" (page 71).
Il existe peut-être des moyens plus radicaux pour endiguer l'épidémie. Par exemple, voici la conversation entre le Ministère de la Santé et le Ministère des Armée :
"[...]" (pages 106-107)
Saramago a très souvent des remarques ironique, comme par exemple :
"" (page 247).
L'aveuglement de tout un pays conduit à une désorganisation totale, c'est bien sûr la lutte pour la survie, les instincts qui ressurgissent, les bassesses humaines, mais aussi la générosité de certains, la solidarité nécessaire des aveugles. On peut y voir ce que l'on voudra, parabole, symbole.
En tout cas, c'est un roman scotchant, ultra efficace, horrible et parfois magnifique.
L'aveuglement est un roman brillant.
Le film n'est bien sûr pas à la hauteur. Le problème principal est que dans un livre on imagine. Si l'auteur ne vous dit pas ce qui se passe par "ses" yeux, vous n'avez que les informations qu'il vous donne pour vous représenter le monde. Dans un film, on voit. Or, c'est une histoire d'aveugles...
Une des affiches du film (on pourra en trouver d'autres en bas de page, mais celle-ci - contrairement aux autres - ne "cafte" pas sur un élément de l'histoire) :
Certaines scènes s'inspirent bien sûr de La Parabole des aveugles :
A gauche : Pieter Bruegel l'Ancien, La Parabole des aveugles. 1568. Musée Capodimonte de Naples.
A droite : Copie de Pierre Breughel le Jeune (d'Enfer). Vers 1630. Musée du Louvre.
« Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. » (Matthieu, 15,14).
"" (Luc, 6,39).
(Traduction oecuménique. Le Livre de Poche).
Le Dieu Manchot (Memorial do convento, 1982 ; traduit du portugais par Geneviève Leibrich). 420 pages.
Nous sommes dans la première moitié du XVIII° siècle.
Le fil conducteur de cette histoire foisonnante, c'est la construction d'un monastère à Mafra (village –actuellement ville de 53 000 habitants - situé 28 kilomètres de Lisbonne) conséquence d'une promesse du roi s'il avait un enfant. Ce monastère, financé par l'or du Brésil, va prendre des dimensions gigantesques, nécessiter des efforts surhumains.
Les deux personnages principaux parmi une multitude de personnages, souvent seulement entrevus, sont Balthazar et Blimunda (c'est d'ailleurs le titre en anglais : Baltasar and Blimunda).
Balthazar Sept-Soleil est un soldat qui a perdu le bras gauche au combat. Blimunda est celle qui devient sa compagne, une femme qui possède un étrange pouvoir.
Sa mère – plus ou moins hérétique - est "condamnée à être fouettée publiquement et à subir huit années de bannissement dans le royaume d'Angola […]" (page 65).
D'autres n'ont même pas cette chance :
"" (page 66-67).
Blimunda ne passe pas inaperçu "[…] […]" (page 125).
On le voit, le narrateur est très présent, il dit, corrige, anticipe… Plus qu'un texte écrit, c'est un roman oral.
Il faut aussi parler un peu d'un prêtre, le Père Bartolomeu Lourenço, qui rêve de voler grâce à une machine de son invention, la Passarole…
" […]" (page 142).
Parfois, le texte passe ainsi de la troisième à la première personne.
Il y a de nombreux passages amusants et beaux à la fois, ainsi lorsque le prêtre s'en revient d'un de ses voyages : "[…] […] (page 147)
Après avoir évoqué l'image bien connue du rameau d'olivier, Saramago écrit : " […]" (page 223)
" […]" (page 239).
"[…] " (page 316).
Parfois, les énumérations sont interminables...
mais elles sont justifiées : les processions sont elles-mêmes interminables. Ainsi, le lecteur s'en rend bien compte, presque physiquement. "[…] " (page 184), écrit Saramago, ironiquement.
Un roman foisonnant, énorme ; parfois, sans doute, Saramago en fait un peu trop, mais il est souvent – très souvent – impressionnant.
Il ne se lit pas en cinq minutes, il faut lui donner du temps.
On pourra voir, sur http://en.wikipedia.org/wiki/Mafra_National_Palace des photos du monastère-palais, dont la bibliothèque qui contient actuellement 40 000 livres.
13 ans furent nécessaires à sa construction, avec un nombre moyen de 15 000 ouvriers, avec des pointes à 45 000. 1 383 ouvriers périrent. 400 kilos de poudre furent nécessaire pour araser ce qui devait l'être.
Le complexe occupe au total 37 790 mètres carrés. 1 200 salles, 4 700 portes et fenêtres (il écrase le château de M. le baron de Thunder-ten-tronck).
Concernant ce personnage très singulier qu'était le Père Bartolomeu Lourenço, on pourra voir sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolomeu_Lourenço_de_Gusmão
Photographié à Porto, le 29/05/2010.
Le Radeau de Pierre (A jangada de pedra, 1986 ; traduit du portugais par Claude Fages). 346 pages. Points Signatures.
Le roman est placé sous l'égide d'une citation d'Alejo Carpentier : "Tout futur est fabuleux".
Puis, il commence ainsi : "" (page 9).
Cerbère est une commune française des Pyrénées Orientales. Par contre, Joana Carda se trouvait au Portugal à ce moment fatidique... Etonnant, non ?
" [...]" (page 10).
Les chiens muets qui se mettent à aboyer... une ligne étrange tracée au sol... mais aussi des oiseaux au comportement étrange, une pelote de laine singulière... Et que se passe-t-il ? La péninsule ibérique se met à dériver ! Pourquoi ? La faute à qui ?
Ce n'est plus une péninsule, mais une île, un Radeau de pierre. La césure a eu lieu exactement à la frontière entre l'Espagne et la France, une coupure nette, comme au fil de plomb. Les Pyrénées sont coupées, les falaises, droites, sont vertigineuses.
Le roman est paru au Portugal en 1986, année de l'entrée du pays en Europe, ce n'est vraisemblablement pas un hasard :
"" (page 168).
La toile de fond du roman montre (un peu, et de façon amusée) les conséquences politiques du phénomène. On voit par exemple la mise en place, au Portugal, d'un gouvernement de salut national. "" (page 221).
On voit la réaction des peuples européens et ibériques, des gouvernements Américain et Soviétique, on suit les scientifiques désemparés (que se passe-t-il ? le radeau va-t-il vraiment à la dérive... ?), et surtout une poignée de personnages hors du commun, et là, c'est une sorte de "fantaisie" très intéressante, très belle souvent.
Le roman est virtuose, Saramago s'amuse.
La voiture de nos héros a un nom (et presque une personnalité) : "Deux-Chevaux". A un moment, on arrive à Lisbonne : " (pages 112-113).
Ecriture remarquable, très inventive, auteur qui s'amuse, monde fantaisiste, personnages originaux, histoire intriguante et fascinante, rebondissements, rien ne manque... sauf une fin à la hauteur, peut-être. On voudrait du grandiose, du frappant ; on a de la demi-teinte. Le lecteur (moi, en tout cas) a l'impression de ne pas avoir fini le livre. Le roman étant en même temps souvent une réflexion sur l'écriture, les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à faire une oeuvre, peut-être était-ce là un des buts de l'oeuvre : l'expectative, la non-fin, le roman comme une représentation de la vraie vie.
On peut préférer Le Dieu Manchot (plus "lourd") ou bien L'Aveuglement (plus "sérieux"), mais le Radeau de pierre est une fantaisie (parfois mélancolique) captivante.
Le Conte de l'Ile Inconnue (O conto de Ilha Desconhecida, 1997 ; traduit du portugais par Genevière Leibrich. Gravures d'Olivier Besson). Seuil. 60 pages.
"" (pages 7-8).
Pourquoi donc cet homme veut-il un bateau ?
" [...]" (pages 16-17).
L'homme réussira-t-il à persuader le roi ? Pourra-t-il partir ? Découvrira-t-il quelque chose ? Ces questions peuvent-elles amener à penser au lecteur qu'il y a plus de choses dans ces questions qu'il n'y en a dans le conte ?
Un petit conte somme toute assez joli, très simple - peut-être un peu trop ? -, qui n'ajoutera rien à la gloire immortelle de Saramago.
Quelques jolies gravures d'Olivier Besson agrémentent ce petit conte :
Quasi objets (Objecto Quase, 1984 ; traduit du portugais en 1990 par Claude Fages). Editions du Seuil. 183 pages.
Il s'agit d'un recueil de six nouvelles.
En exergue, on trouve une citation :
""
Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte Famille.
1/ La Chaise. 30 pages.
Toute l'histoire tient en ceci : un homme tombe de sa chaise.
C'est tout. Mais, contrairement à Tsutsui Yasutaka qui, dans la nouvelle Le lit, mode d'emploi (du recueil Le Censeur des rêves) décrivait avec une minutie incroyable comment il faut se coucher sans risque dans un lit, ici Saramago dilate le temps, mais fait aussi des tours et des détours, comme il l'affectionne. D'ailleurs, si la chaise est tombée, c'est à cause du travail de sape d'un ver.
C'est parfois un peu lent, un peu lourd, et parfois, c'est très réussi :
"" (pages 17-18)
On voit déjà, à travers cette nouvelle, ce qui va devenir le fil conducteur du recueil : un comportement anormal des objets, et son influence sur l'Homme. Ici, un pied de chaise se rompt à cause de petites bêtes, si petites... et l'Homme tombe.
2/ Embargo. 20 pages
"" (page 47). "" (page 48).
Le comportement anormal des objets prend de l'ampleur.
Une nouvelle pas mauvaise, mais pas foncièrement originale.
3/ Reflux. 23 pages.
"" (pages 68-69).
Mais à chaque voyage, le roi est confronté avec la mort : veuve en jupe noire, cortège funèbre... Un peu comme Siddhartha Gautama, à qui l'on voulait cacher la misère de ce monde, il décide d'évacuer la mort de son pays, de la regrouper, la centraliser, en créant un vaste cimetière unique et obligatoire. S'ensuit la description de l'effort colossal de tout un pays : la mise en place d(une infrastructure phénoménale, le déplacement de tous les morts, la constructions de routes le cortège de camions... et tous les métiers, petits et grands, qui en profitent. Saramago va au bout des conséquences sidérantes du projet.
Très bon.
4/ Les choses. 56 pages.
"" (page 91). Etrange... Nous sommes dans un monde parfaitement organisé, hiérarchisé (les gens ont une lettre en couleur sur la main, qui indique leur échelle dans la société).
"" (page 95). Notre héros, fonctionnaire au Service des Réclamations spéciales (SRS), fait corps avec les directives du gouvernement (G). Qu'est-ce que ça veut dire que ces marches d'escalier qui disparaissent ? Ces objets qui ne réagissent plus comme ils le devraient, qui disparaissent... Le gouvernement (G) pourra-t-il enrayer la panique ?
Très bon.
5/
Le Centaure. 26 pages.
"" (page 149).
La dissociation de l'homme d'un côté et du cheval de l'autre, est la grande originalité du texte. Il y a sans cesse une lutte, des arrangements entre l'homme et le cheval. Par exemple, le cheval peut dormir debout, pas l'homme. Le cheval a soif, l'homme boit, sans soif.
Le Centaure est le dernier de son espèce, il cherche les coins reculés, sauvages, loin de l'homme.
C'est assez fascinant.
Odilon Redon, Centaure visant les nues. 1895.
6/ La Revanche. 5 pages.
Un garçon arrive, sortant de nulle part, enfin de la rivière.
"" (page 180).
Un texte mystérieux, très beau.
Bref, un bien beau recueil, qui commence avec une nouvelle un peu aride (la Chaise), suivie d'une nouvelle pas très originale (Embargo), mais qui donne ensuite à lire quatre très bonnes nouvelles, du très bon Saramago, avec ce mélange de mythique, de rouages bureaucratiques, de poésie, de distance et de vertige qui composent tout le plaisir qu'on a de le lire.
La Caverne devant les sources de la Loue. 12 juin 2011.
La Caverne (A caverna, 2000). Traduit en 2002 par Geneviève Leibrich. Points.
Ce livre, dédié "à Pilar" (Pilar del Rio, journaliste, écrivaine et traductrice en espagnol des oeuvres de Saramago, qui devint sa seconde épouse en 1988)...
...commence par une citation de Platon, La République, Livre VII :
""
Le roman commence ainsi : "" (page 11).
Tous les dix jours, Cipriano Algor va chercher son gendre, pour le raccompagner quelques jours plus tard au Centre, où il est vigile. Le Centre, c'est comme une grande surface, sauf que c'est pire, c'est presque une ville dans la ville, avec ses étages, ses sous-sols, ses parcs d'attractions, ses cinémas, ses snacks...
De plus, Cipriano, qui est potier, livre
le Centre en assiettes, cruches et plats divers.
Mais, comme c'était prévisible, le temps passe, la société évolue, et les attentes des consommateurs aussi. Nouveau monde, nouveaux besoins et nouveaux goûts.
Ecoutons notre potier, de retour chez lui. Il est à table avec sa fille.
" [...]" (page 35).
Comme toujours, il y a de très beaux passages :
"" (pages 50-51).
Cipriano Algor pourra-t-il continuer à gagner sa vie, et à lui donner un sens, à sa vie, bien sûr ?
On retrouve les ingrédients habituels, le chien consolateur, le monde à la limite du fantastique et parfois au-delà, un certain humour, parfois des références auto-référentiels qui servent de clin d'oeil aux lecteurs qui suivent l'ordre des publications ("", page 142).
C'est un roman intéressant, même s'il ne se passe pas grand chose.
Il y a une sorte de menace sourde des pauvres qui parfois attaquent les camions de marchandises, mais les divers éléments de l'histoire, la jolie veuve, le chien, tout cela fait un peu cahier des charges, éléments attendus ou du moins convenus dans l'univers de Saramago, disons-le franchement, Ce livre est nettement moins original que L'Aveuglement, Le Dieu Manchot ou encore Le Radeau de Pierre, mais à bien y réfléchir, cet univers de grandes surfaces, d'études de marchés, d'analyse des attentes des consommateurs, tout cela fait moins rêver qu'une histoire ludique de péninsule qui se détache du continent, mais nous pouvons tous nous retrouver mis au rebut, et de ce point de vue c'est donc peut-être l'un des livres de Saramago les plus proches de nous, celui qui nous concerne le plus par son sujet, qui ne fait certes pas rêver, mais nous pouvons le dire, Nous sommes tous des potiers sans travail en puissance, à part ceux qui sont à la retraite ou peuvent ne pas travailler, et puis finalement il y a la fin du livre, bien sûr, on aurait trouvé la fin du livre au début, cela aurait été tout de même étonnant, même si cela arrive parfois, mais passons et continuons notre propos, vers la fin donc, on a une sorte de suspens, quelque chose d'étrange, qui interroge, qui "questionne", pour parler branché, et là c'est franchement étonnant, un contraste réussi, une rencontre improbable, mais on n'en dira pas plus, tout ce qu'on peut dire c'est que c'est bien venu.
La vie continue, il ne tient qu'à nous qu'elle continue.
L'Autre comme moi (O Homen duplicado, 2002). Traduit en 2005 par Geneviève Leibrich. 348 pages. Points.
Le roman s'ouvre sur deux citations :
""
"" (page 11).
Même si Tertuliano Máximo Afonso souffrait d'une dépression légère, ce qui va lui arriver sera pire : il va découvrir qu'un acteur de second (voire troisième) rôle lui ressemble trait pour trait. Mais qui est-ce ? Comment s'appelle-t-il ? Les seconds rôles sont listés globalement à la fin du générique, et le roman est situé à une époque où internet n'existait pas.
La tâche va être ardue...
Le professeur de mathématique, qui lui avait recommandé le film, s'inquiète pour lui. Tertuliano Máximo Afonso botte en touche :
"[...] [...]" (pages 159-160).
Tertuliano Máximo Afonso parviendra-t-il à trouver son double ? Que se passera-t-il alors ?
Comme toujours chez Saramago, c'est spirituel, il y a de très bons moments, de l'humour... Par exemple, la prochaine fois que je devrai faire de l'ordre chez moi, je penserai à cette phrase :
"" (page 209).
Comme toujours aussi, il y a un chien très sympathique.
"" (pages 252-253).(Plus d'informations sur Tomarctus, en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Tomarctus )
Curieusement, on notera que Saramago (ou plutôt Tertuliano Máximo Afonso) se trompe, page 286, lorsqu'il dit que l'histoire du Cheval de Troie est expliquée en détail dans L'Iliade.
Pour rester dans les erreurs, on remarquera aussi que l'auteur de la quatrième de couverture n'a pas lu le livre. Le malheureux lecteur qui - alors qu'il sait qu'il ne faut jamais le faire - a lu cette fameuse page attend quelque chose qui n'arrive jamais...
On a donc le style habituel de Saramago, c'est très agréable, souvent drôle, brillant. A un moment, le roman patine un peu (mais le fond l'explique sans doute), puis reprend.
Le problème, c'est que, globalement, l'histoire se résume finalement (apparemment ?) à pas grand-chose. On est loin de l'Aveuglement ou du Dieu Manchot, par exemple.
Il a fait l'objet d'une adaptation en 2013 : Enemy (sortie française : 24 août 2014), mis en scène par Denis Villeneuve, avec Jake Gyllenhaal, Sarah Gordon, Mélanie Laurent,Isabella Rossellini.
Ce film a remporté un grand nombre de Prix Génie au Canada : meilleur metteur en scène, meilleure actrice pour un second rôle (Sarah Gordon ; ah, l'importance des seconds rôles !)...
... meilleure photo, meilleur montage, meilleure musique originale... et a eu de nombreuses nominations, notamment pour Jake Gyllenhaal (catégorie premier rôle).
La tonalité du film est très différente de celle du livre. Les Saramago sont "bavards" dans le sens où l'écrivain est toujours présent, il tire les ficelles, commente, joue avec le lecteur. Enemy est un film opaque ; toutes les couleurs vives sont bannies : une teinte jaune délavée envahit tout. La bande-son consiste généralement en bruits sourds qui maintiennent la tension. Tout est fait pour que le spectateur sente une oppression.
Nous sommes à Toronto. Voici Jake Gyllenhaal-Tertuliano Máximo Afonso en prof d'histoire :
Pour montrer qu'il est déprimé, sa cravate est desserrée, il a les cheveux un peu plaqués sur le front, on sent qu'il n'est pas bien. Dans le livre, il enseignait à des élèves beaucoup plus jeunes. Mais la différence majeure, on la voit bien sur la photo, ce sont les ordinateurs. Internet facilite les recherches... Et il y a les téléphones portables.
Le film n'est pas très long (1h30). Si on n'a pas lu le livre, les motivations des personnages seront incompréhensibles. D'un autre côté, la lecture préalable du livre fait que l'on n'interprète ces motivations que dans le sens explicité par le livre, et uniquement dans celui-ci (les personnages y sont plus fouillés, plus "réels"). Tout paraît alors poussé, artificiel, et le film carrément incompréhensible.
Voir le film comme une adaptation du livre de Saramago est sans doute une très grosse erreur (que j'ai commise) : il faut bien comprendre qu'Enemy est un film dans la lignée par exemple d'un Mulholland Drive de David Lynch (Isabella Rosselini n'est pas ici pour rien ; on notera qu'elle joue le rôle de la mère, mais pas la même que dans le livre : c'est que, dans le film, elle a un message différent à faire passer) : qu'est-ce qui est réel ? qu'est-ce qui est symbole, ou qui relève du subconscient... ? et du subconscient de qui, en fait ? Et on cherche le petit détail d'une scène qui sera la clef de tout.
Certaines scènes semblent maladroites... c'est forcément fait exprès : Denis Villeneuve a du métier et du talent, il sait ce qu'il fait.
Mais quel est le sens du film ? Et que signifie la fin (dont on ne parlera pas ici, mais qui a fait couler beaucoup d'encre numérique) ? Il y a eu de nombreux articles sur le sujet (à ne pas lire avant de voir le film, bien sûr ! On peut citer notamment une interprétation originale et argumentée sur : http://www.slate.com/blogs/browbeat/2014/03/14/enemy_movie_ending_explained_the_meaning_of_the_jake_gyllenhaal_and_denis.html ).
On trouvera bien sûr ailleurs beaucoup d'autres interprétations (notamment sur http://www.imdb.com/title/tt2316411/board/nest/230114429 ).
Alors que le livre était souvent ludique (mais il a sans doute des profondeurs qui m'ont échappé), le film est bien différent. Une vision rapide (si l'on peut dire pour un film ; disons, une vision distraite) ne permet pas de comprendre. Peut-être même que toute première vision est incompréhensible.
Denis Villeneuve, dans une interview du Huffingtonpost (voir : http://www.huffingtonpost.com/2013/09/19/denis-villeneuve-prisoners_n_3951351.html; traduction perso), parle de son film :
""
Du coup, à la lumière de toutes les explications et interprétations (et on peut y passer des heures), on en vient à se poser la question : est-ce que ces explications sont applicables pour le livre ? Globalement non. Mais certaines, sans doute...
- Les Poèmes possibles (Os Poemas Possíveis, 1966). Traduit du portugais par Nicole Saganos en 1998. Editions Jacques Brémond. 185 pages.
Les poèmes sont présentés en portugais et en français, ce qui est une bonne chose en matière de poésie. Même si on ne connaît pas le portugais (et c'est mon cas), cela permet de se faire une vague idée du texte d'origine (rimes ? vers de tailles très différentes ?).
Le recueil est composé de plusieurs parties : Jusqu'à la racine (Até ao sabugo), Poème à bouche fermée (Poema a boca fechada), Mythologie (Mitologia), L'amour des autres (O amor dos outros), Dans ce coin du temps (Nesta esquina do tempo)
De nombreux poèmes parlent du poète et de son oeuvre. Par exemple, "Procédé" (Processo), page 13 :
As palavras mais simples, mais comuns,
As de trazer por casa e dar de troco,
Em língua doutro mundo se convertem:
Basta que, de sol, os olhos do poeta,
Rasando, as iluminem. |
Ou encore
l'amusant "Recette" (Receita), page 109 :
Tome-se um poeta não cansado,
Uma nuvem de sonho e uma flor,
Três gotas de tristeza, um tom dourado,
Uma veia sangrando de pavor.
Quando a massa já ferve e se retorce
Deita-se a luz dum corpo de mulher,
Duma pitada de morte se reforce,
Que um amor de poeta assim requer. |
Qui dit poète dit souvent "femme" pas bien loin... Cela se vérifiera souvent.
Par exemple, "Plage" (Praia), page 141.
Circular, o poema te rodeia:
Em voltas apertadas vem cercando
O teu corpo deitado sobre a areia.
Como outra abelha em busca de outro mel,
Os aromas do jardim abandonado,
Vai rasando o poema da tua pele. |
Autre thème qui revient souvent : le temps qui passe. Ainsi, "Semelles" (Meias-solas), page 35 :
Bem sei que as meias-solas que deitei
Nas botas aprazadas não resistem
À calçada do tempo que discorro.
Talvez parado as botas me durassem,
Mas quieto quem pode, mesmo vendo
Que é desta caminhada que me morro. |
Il y a aussi des interrogations sur le sens de la vie... "Un bourdonnement seulement" (Um zumido, apenas), page 37 :
Cai a mosca na teia. As finas patas
Da aranha recolhida se distendem,
E nos palpos gulosos, entre os fios,
O zumbido enrouquece, e pára, cerce.
O que viveu, morreu. Abandonado
Ao balouço do vento, o corpo seco
Bate a conta do tempo que me rola
Num casulo de estrelas sufocado. |
La comparaison entre le minuscule et le cosmique, on la retrouve également dans "« De moi à l'étoile...»" (« De mim à estrela »), page 57 :
De mim à estrela um passo me separa:
Lumes da mesma luz que dispersou
Na casual explosão do nascimento,
Entre a noite que foi e há-de ser,
A glória solar do pensamento. |
Il y a également des poèmes liés à la religion (dans la partie "Mythologie" principalement : on trouve Aphrodite, Zeus, mais aussi Judas - "", page 83).
On trouve aussi des poèmes à résonance plus politique, comme "Mains propres" (Mãos limpas), dans lequel on sent une parenté avec Tavares, page 67 :
Do gesto de matar a ambas mãos
O jeito de amassar não é diferente
(Que bom este progresso, que descanso:
O botão da direita dá o pão,
Com o botão da esquerda, facilmente,
Disparo, sem olhar, o foguetão,
E o inimigo alcanço). |
Et puis, parfois - souvent, en fait - , c'est très cérébral. Exemple avec "Espace courbe et fini" (Espaço curvo et finito), page 117 :
Oculta consciência de não ser,
Ou de ser num estar que me transcende,
Numa rede de presenças e ausências,
Numa fuga para o ponto de partida:
Um perto que é tão longe,
um longe aqui.
Uma ânsia de estar e de temer
A semente que de ser se surpreende,
As pedras que repetem as cadências
Da onda sempre nova e repetida
Que neste espaço curvo vem de ti. |
Les Poèmes possibles est un recueil de quelque 150 poèmes qui brassent la plupart des grands thèmes de la poésie. Il vaut mieux ne pas le lire d'une traite.
Egalement disponibles en français :
- Manuel de peinture et de calligraphie
- L'Année de la mort de Ricardo Reis
- Histoire du siège de Lisbonne
- L'Évangile selon Jésus-Christ
- Tous les noms
- La Lucidité
- Les Intermittences de la mort
- Le Voyage de l'éléphant
- Caïn
Films d'après son oeuvre :
- La Balsa de piedra (2002), réalisé par George Sluizer
- Blindness (2008) (d'après l'Aveuglement), film réalisé par Fernando Meirelles. En comparaison avec le livre, il n'est pas très bon.
- Enemy (d'après L'Autre comme moi ; 2013, sortie en France : août 2014). Avec Jake Gyllenhaal, Sarah Gordon, Mélanie Laurent, Isabella Rossellini...
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