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Poul Anderson

(Bristol, Pennsylvanie, 25/11/1926 - Orinda, Californie, 31/07/2001 )

poul anderson

"Poul Anderson est né en Pennsylvanie de parents d'origine danoise. Sa jeunesse se passe dans le middle-West américain, ce qui explique, tout le long de sa carrière, de nombreuses références au monde paysan et rural. Il suit des études de physique à l'université du Minnesota et, pour payer ses études, publie son premier texte Tomorrow's children (Les enfants de demain) en mars 1947 dans le magazine Astounding. Il obtient son diplôme une année plus tard. Dans les années suivantes, il s'installe à San Francisco où il continue à écrire des nouvelles soit seul, soit en collaboration (particulièrement avec Howard Waldrop, Gordon Dickson ou Karen Kruse qu'il épousera et avec qui il aura une fille, Astrid, mariée avec l'écrivain Greg Bear).

Ce n'est qu'en 1952 que parait son premier roman, Vault of the ages, qui est un livre pour enfants. Son premier roman de science-fiction, Brain wave (Barrière mentale), ne sera publié que deux ans plus tard.
Durant sa carrière, il écrit plus d'une centaine de romans et anthologies (incluant des romans policiers et historiques ou même des recueils de poèmes). Dans le domaine de la science-fiction, il utilise souvent ses connaissances en physique et en chimie pour développer des thèmes scientifiques. Il s'inspire également souvent d'éléments de la mythologie scandinave. Il écrit plusieurs séries, dont la plus connue en français est celle des Gardiens du temps [enfin, “La Patrouille du Temps"] principalement dans un style de Space opera.

Il a remporté sept prix Hugo et trois prix Nebula (toujours pour des nouvelles) parmi de nombreux prix dont le Grand Master Award de la SFWA dont il est président de 1972 à 1973.

Poul Anderson reste un auteur très peu traduit en français (seulement 23 romans sur environ 130). Ceci s'explique en partie par ses prises de positions politiques (il s'était prononcé en faveur de l'engagement américain pendant la guerre du Viêt Nam par exemple) qui l'ont exclu du monde de l'édition francophone pendant les années 1970.

Poul Anderson a écrit un nombre très important de nouvelles dont certaines ont vu leur thème repris par d'autres artistes. L'un des exemples le plus frappant est son œuvre Call me Joe dont s'est inspiré James Cameron pour son film 3D Avatar.
" (merci Wikipedia)

 


barrière mentale    brain wave

A gauche, couverture de Manchu ; à droite, l'édition de 1954.

- Barrière mentale et autres intelligences. 328 pages. Ouvrage publié sous la direction de Jean-Daniel Brèque & Pierre-Paul Durastanti. Editions Bélial.

Ce livre comprend le roman Barrière mentale et trois nouvelles. Tous ces textes ont en commun un thème : l'intelligence.

1/ Barrière mentale (Brain waves, 1954 ; 214 pages). Traduit par Alain Dorémieu, traduction révisée et complétée par Pierre-Paul Durastanti pour la présente édition.

Le roman le plus célèbre sur le thème d'un individu qui voit son intelligence s'accroître prodigieusement est bien sûr Des Fleurs pour Algernon (de Daniel Keyes). Mais ce qui arrivait pour une personne faible d'esprit est ici généralisé à l'humanité tout entière.

Que se passerait-il donc si tout le monde devenait extrêmement intelligent ? C'est le thème du "premier roman à la fois adulte et ambitieux" (dixit l'avant-propos) de Poul Anderson. D'après lui, les fondements de la civilisation vacilleraient.
"Prenons l'homme moyen, travaillant dans un bureau ou une usine, conditionné par un ensemble de réflexes verbaux, son avenir réduit à une errance au jour le jour, dont les aspirations consistent à se remplir l'estomac et à se laisser abrutir par la télévision, dont les ambitions se réduisent à posséder des objets en matière plastique toujours plus perfectionnés, et tout ce qui compose le fameux mode de vie américain. Même avant le changement, une sorte de vacuité interne existait dans la civilisation occidentale, comme si on se rendait compte, inconsciemment, qu'il devait y avoir, dans la vie, autre chose qu'une existence éphémère - et comme si cet idéal avait attendu en vain.
Et soudain, presque en une seule nuit, voilà que l'intelligence humaine avait explosé pour se trouver projetée vers des sommets fantastiques. Un monde tout nouveau s'était ouvert à cet homme moyen, rempli de visions, de concepts, de pensées qui affluaient de façon spontanée. Il avait vu l'inanité de sa vie sans objet, la trivialité de son emploi, l'étroitesse des croyances et des conventions régissant son existence - et il avait abandonné l'ensemble.
" (pages 81-82).
Tout le monde ne quitte pas son emploi, mais suffisamment pour déstabiliser la société.
Certains fondent des mouvements religieux. D'autres, qui ne réfléchissaient pas beaucoup avant, prennent soudain conscience de la petitesse de la vie que mène l'Homme (et la Femme) sur une minuscule planète dans un coin d'un univers tellement immense... et c'est la panique mentale.
Certains en viennent à regretter l'heureux temps d'avant l'intelligence...
Etre intelligent rend-il heureux ? L'intelligence rend-elle rationnel ?
"- Il m'aura fallu atteindre un Q.I. de 500, quoi qu'il puisse représenter, pour comprendre à quel point l'intelligence et la raison ne vont pas de pair... Fascinant. »" (page 95).

L'humanité change. La perception est plus vive, il n'est plus besoin de prononcer autant de mots qu'auparavant pour se faire comprendre. Le langage change (c'est un thème assez fréquent : les êtres super-intelligents ne peuvent se contenter d'une langue existante, ils en créent une nouvelle).

Des êtres super-intelligents font découverte scientifique sur découverte scientifique. Tout le monde a une idée qui va révolutionner son domaine. Mais les découvertes possibles, le champ de la science sont limités.. Que va-t-il se passer quand, rapidement, tout aura été découvert ? Comment faire en sorte que l'humanité ne s'ennuie pas ?
Comme toujours, ou du moins souvent dans la S-F, la solution, ce sont les étoiles : il faut aller voir ce qu'il y a là-haut...

Mais ce n'est pas tout. Pour une raison expliquée dans le roman, les animaux aussi deviennent plus intelligents. Pas aussi intelligents que l'homme, mais suffisamment pour se révolter s'il y a besoin...

Ce roman devrait être marquant... et pourtant, il ne l'est pas. La raison est bien expliquée dans l'avant-propos : "là où un tel sujet aurait demandé un roman foisonnant, en plusieurs lieux pour bien faire saisir l'universalité du phénomène, Poul Anderson, prisonnier des contraintes éditoriales qui pesaient sur la SF américaine de l'époque, doit se contenter d'un récit bref, presque calibré, où l'on n'a que des aperçus de la crise globale." (page 13). La réédition du roman permet tout de même de rétablir ses dimensions initiales (le texte français avait été "allégé d'un bon quart, pratique hélas courante dans les années 1950"), mais cela ne suffit pas. Il manque de vrais développements, de vrais personnages, de l'ampleur, et sans doute un style. On est très loin de L'Aveuglement de Saramago.

Tout va trop vite. On ne perçoit pas bien le phénomène des sectes, les interrogations sur ce qui survient (voir le monde changer est une chose, mais se sentir changer, c'est encore plus inquiétant).... On sent mal le désespoir dû à un excès de lucidité, le vertige métaphysique...
Le livre aborde plein de questions, mais on est en quelque sorte confortablement assis, à parler de tout ça de façon théorique et très superficielle. Contrairement au livre de Saramago, qui permettait à la fois d'être au coeur du problème et de percevoir tout l'ensemble. On sent qu'il y a eu des coupures.

C'est très dommage. Larry Niven (l'auteur du livre l'Anneau-Monde), nous dit la quatrième de couverture, tient ce livre pour un chef-d'oeuvre. On n'a peut-être pas lu le même livre.
Un livre très lisible, mais qui appartient finalement à la catégorie divertissement, alors qu'il aurait pu être beaucoup plus.

Trois nouvelles suivent.

2/ Les Arriérés (Backwardness, 1958 ; 15 pages). Nouvelle traduite de l'américain par P.J. Izabelle. Traduction révisée par Pierre-Paul Durastanti.
Des extraterrestres arrivent sur la Terre. Ils ne nous veulent pas de mal, ils font du commerce avec nous : ils vendent de l'uranium et se retrouvent à la tête d'un bon paquet de dollars qu'ils vont dépenser.
Une petite nouvelle.

3/ Technique de survie (Survival Technique, 1957 ; 21 pages). Nouvelle traduite par Roger Durand. Traduction révisée par Pierre-Paul Durastanti.
On a découvert comment voyager dans le passé. Une équipe de pros se prépare à aller dans la Rome d'Auguste, en l'an 1. Le système de voyage temporel fait que si trois personnes du présent vont dans le passé, trois personnes de poids équivalents vont être transportées du passé dans le présent. Nos pros sont super bien préparés, grâce à leurs connaissances du XX° siècle. Ils ont tout prévu, sont prêts à affonter n'importent quelle situation. Du moins le croient-ils.
Rigolo.

4/ Terrien, prends garde ! (Earthman, Beware !, 1951 ; 29 pages). Nouvelle traduite par Arlette Rosenblum. Traduction révisée par Pierre-Paul Durastanti.
Joel Weatherfield est extraordinairement intelligent et créatif... Tout jeune, il était déjà l'auteur d'inventions marquantes. On apprend que son histoire ressemble à celle de Superman : un enfant trouvé dans des conditions qui amènent à penser qu'il a une origine extra-terrestre. Il va mobiliser ses facultés intellectuelles pour tenter de contacter les gens de sa race, qui doivent être quelque part dans l'univers...
Pas mal du tout, la meilleure des trois nouvelles, de loin.

5/ Pour finir : "L'intelligence : entre science-fiction et neurosciences", un texte de 18 pages écrit par deux scientifiques (Karim Jerbi, chercheur en neurosciences cognitives et imagerie cérébrale, et Suzanne Robic, doctorante en neurosciences au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. Ils parlent de ce qu'est l'intelligence : comment la définir ? Peut-on la mesurer ?
Ils commentent Barrière mentale à la lumière des découvertes faites en science depuis les années 50.
"La croyance populaire postule souvent qu'une trop grande intelligence nous placerait au rang de génie incompris, et l'enfant surdoué en souffrance est souvent pris comme exemple de cette tare que représenterait une intelligence trop aiguë. Mais dans ce cas, pourquoi autant de publicités nous proposent-elles des jeux vidéo destinés à nous rendre plus intelligents ? Pourquoi cherchons-nous en permanence à nous améliorer ? La réponse est simple : on n'est jamais trop intelligents !" (page 320).
Suffit-il d'être intelligent pour ne pas se comporter de façon stupide ?
"Une étude [...] suggère que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les personnes intelligentes sont plus vulnérables aux biais cognitifs (ces raccourcis qui faussent le jugement). En effet, les capacités mesurées par les tests de Q.I. n'ont que peu de liens avec ce que l'on appelle un comportement intelligent au quotidien. Keith Stanovich propose de parler de « dysrationnalité » pour décrire le fait de se comporter de façon irrationnelle malgré une intelligence normale. [...]
Cela s'explique par les contraintes subies au cours de l'évolution : réfléchir longtemps demande de l'énergie, du temps, ce que l'on ne peut pas toujours se permettre. Nous avons donc développé une façon de penser globale, bourrée de raccourcis, qui nous permet de réfléchir rapidement. Ainsi, le cerveau humain aurait accès à deux circuits pour traiter de l'information : l'intelligence rationnelle, mesurée par le Q.I., et un autre, l'intuition.
" (pages 324-325).
De façon intéressante, utiliser une langue étrangère "durant l'expérience réduisait la sensibilité aux biais cognitifs et augmentait la rationalité des prises de décisions ! Les chercheurs expliquent que l'usage d'une langue étrangère placerait une distance avec les connotations émotionnelles associées aux mots de notre langue maternelle." (page 327)

L'article finit par une citation d'Einstein : "Je ne suis pas tellement intelligent, mais je me concentre sur les problèmes plus longtemps".

 




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