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TAKAHASHI Gen'ichirô
(01/01/1951 -)


takahashi gen'ichiro


"Takahashi naît à Onomichi, préfecture de Hiroshima et fréquente le département d'économie de l'université nationale de Yokohama sans en être diplômé. En tant qu'étudiant radical, il est arrêté et passe un an et demi en prison, ce qui lui laisse des séquelles d'un perte de capacité linguistique.
Dans le cadre de sa réhabilitation, ses médecins l'encouragent à commencer à écrire.

Depuis avril 2005, il est professeur au département international de l'université Meiji Gakuin. Tanikawa Naoko, la présente femme de Takahashi et son ancienne épouse Murai Yuzuki sont aussi écrivaines.
Sayonara, Gyangutachi (Sayonara, Gangsters), le premier roman de Takahashi, est publié en 1982 et remporte le prix Gunzō de littérature du premier roman. Il a été acclamé par la critique comme l'une des œuvres les plus importantes de la littérature japonaise d'après-guerre. Il a été traduit en portugais (brésilien) anglais, italien.
En outre, son Yuga de kansho-teki na Nippon-yakyuu (« Baseball japonais : élégant et sentimental ») remporte le prix Mishima en 1988, et son Nihon bungaku seisui shi (The Rise and Fall of Japanese Literature) le prix Sei Itō.

En 2012, Sayonara Christopher Robin (« Au revoir, Christopher Robin ») remporte le prix Tanizaki.

Il est également un essayiste reconnu, traitant différents domaines allant de la critique littéraire aux courses hippiques.
" (Wikipedia)



sayonara gangsters     sayonara gangsters, version US       sayonara gangsters, version italienne
Couvertures française, américaine et italienne.

 


- Sayonara Gangsters (Sayonara Gangsters, さようなら、ギャングたち, 1982). 223 pages. Books Editions. Traduit de l'anglais (américain) en 2013 par Jean-François Chaix d'après la traduction du japonais de Michael Emmerich.
La précision "(américain)" est amusante. Finalement, c'est dans l'esprit du bouquin (et Emmerich est un traducteur bien connu, la traduction en anglais doit donc être de qualité).

Au début du livre, John Smith Jr., septième président des Etats-Unis "cette année-là", fait un virulent discours anti-gangsters. La page d'après, il mord dans un chewing-gum, sa tête explose. Les gangsters ont eu sa peau. Faut pas les chercher.
Ça, c'est le tout début. Après cette mise en bouche, on arrive à l'histoire elle-même (si l'on peut dire...)
"Il fut un temps où chacun avait un nom. Et on dit que les gens recevaient leur nom de leurs parents.
Je l'ai lu dans un livre.
Il y a peut-être longtemps, très longtemps, c'était vraiment comme ça.
[...]
Plus tard, chacun a commencé à se donner un nom. J'ai quelques vagues souvenirs de ça.
" (page 13).
Les moeurs évoluent :
"Nous demandons à la personne dont nous désirons qu'elle nous nomme de nous donner un nom.
C'est notre manière de faire la cour.
J'ai donné mille noms et les ai perdus mille fois. J'ai circulé sans nom quelque temps avant de rencontrer Livre-de-Chansons.
À force de donner des noms, on devient prudent.
" (page 18)

Notre héros est prof de poésie. Il est un peu poète, aussi. Ça peut aider, d'associer la pratique à la théorie.
C'est quand il était encore à l'école qu'il a pris conscience de son état de poète.
"Notre professeur d'histoire se ramène et se plante devant moi.
- Alors, mon garçon, tu es sûr que l'homme qui a découvert l'Amérique en 1492 s'appelle Fausto Copi ?
- Non. Excusez-moi, je me suis trompé. C'est Marlon Brando.
- Tu restes debout une heure de plus.
" (pages 38-39)
A côté de lui, planté à attendre dans le couloir, il y a un autre type. À l'heure qu'il est, il doit encore y être, planté dans son couloir. C'est ce type-là qui lui dit : "Je vais te confier quelque chose. Mon vieux, tu as tout ce qu'il faut pour être poète, réellement. D'un point de vue holistique, c'est évident." (page 39).
Mais la poésie, ça ne fait pas vivre son homme. Alors, notre héros a fait des boulots plus ou moins risqués, par exemple dans une usine d'automobiles :
"J'étais en train de penser à ce que Rimbaud avait dû ressentir dans le wagon qui quittait en bringuebalant la gare de l'Est à Paris le 23 août 1891, quand j'ai accidentellement posé le coude sur un moule de moteur à quatre cent quarante degrés." (page 45).
Ou encore :
"Je travaillais sur une presse de vingt tonnes qui s'abattait toutes les treize secondes et aplatissait des pièces de fonte brute, et je murmurais un poème.
« Mange ton ananas       Savoure ton faisan
Stupide Staline              Ta fin est proche »
" (page 45)
Terrible distraction, l'accident du travail est proche !

Mieux vaut être prof de poésie, c'est moins risqué (même si ça dépend des élèves !).

On trouve également un immeuble assez bizarre. Je ne parle pas tant du cabaret du quatrième étage, de la maison close du cinquième que de la rivière du sixième.

A part ça, on fera la connaissance de Virgile, transformé en frigo... le passage est un peu longuet, là. Il ouvre sa propre porte pour avaler quelques bières bien fraîches.
On verra une Grande Roue s'autodétruire, un spectacle à vous donner les larmes aux yeux ("Eclaboussée de sang, la Grande Roue continuait de se démanteler avec des cris si épouvantables que tout le parc d'attractions tremblait.", page 85)
On rencontrera aussi un drôle de gugusse : "Henri IV en avait terminé avec son lait-voka et s'endormait dans son panier." (page 19). Henri IV est est un chat ("un affreux matou géant noir"). Il aime le lait-vodka. Il aime aussi qu'on lui fasse la lecture. Il peut même réclamer des nouvelles de Thomas Mann.

On a aussi un suicide par indigestion de fromage blanc. On essuie une petite larme en écoutant un gangster faire une tirade très sensible sur les bonbons ("Les bonbons à la cannelle ont le goût des anges, les bonbons à la menthe ont le goût des satyres", page 168).
On pourra aussi voir notre héros voler dans un magasin. Le voici à la caisse :
"- Ne vous donnez pas la peine d'enregistrer ces articles. Je compte les voler." (page 213).

Et je ne parle pas du MONSTRE GILA. Pourra-t-il être décrit grâce à la poésie ? La Chose Incompréhensible finira-t-elle par savoir ce qu'elle est ? Et que dire de l'homme lambda avec sa carte de visite d'homme Jovien ? Pourra-t-on le persuader que la mort du lancer de balle ne se pratique pas sur Terre ?
Questions cruciales !

 

Un livre totalement surréaliste. Ça passe ou ça casse. Ou encore : parfois ça passe, parfois ça casse.
C'est foutraque, du n'importe quoi, mais c'est souvent amusant et déstabilisant.
Et vraiment original (à un moment, on pense au manga Ikigami, écrit beaucoup plus tard).
Bien sûr, pour peu qu'on n'accroche pas, le livre paraîtra insupportable.

 

 

la centrale en chaleur

 

- La Centrale en chaleur (Koi suru genpatsu, 恋する原発, 2011). Traduit par Sylvain Cardonnel. Books Editions. 253 pages.

 

Plusieurs citations ouvrent ce livre. Parmi elles : "« Ce livre dépasse les limites de l'impudence ! J'exige la condamnation de l'auteur. » Un internaute."

Le narrateur commence par visionner un film. Au début, c'est une parodie obscène du début de 2001, l'Odyssée de l'Espace, la scène avec le monolithe (ou son sosie) et les singes autour.
Sur le monolithe, il est écrit :

"Avis à tous les Singes :
défense d'uriner sur le monolithe

 

Il s'agit juste d'un avis.

Nous

Le message proprement dit commence ici

sommes puissamment solidaires
des victimes du dernier désastre.

Oh ! Oh ! Pas mal ! Tout sosie de monolithe sois-tu, tu n'y vas pas par quatre chemins ! Hautement plus intellocorrect que le monolithe de Kubrick, enfin, je veux dire beaucoup moins monothéiste. Moins autocentré. Plus contributif socialement. Pas mal ! Pas mal du tout ! Et modeste avec ça !" (page 19)


Le narrateur va devoir réaliser un film pornographico-philanthropique pour venir en aide aux victimes de Fukushima.
Les mots importants sont écrits en gras et en caractères de taille plus grande que le reste du texte. Les mots importants, c'est par exemple ce qui défile à l'écran, là :

"Fuck ! Le tsunami
Fuck ! Fukushima
All We Need is Love !
All We Neeed is Chatte !
All We Need is Bite !
All We Need is Sex !

&

All We Need is Masturbation !

Ça craint sérieux. Je... Je... je suis gravement ému. Je... Moi... Les larmes aux yeux... Solidarité, lutte, chanson à texte, cela n'a pourtant rien à voir ! Que se passe-t-il ? Qu'ai-je ?! Moi... Il s'est passé tant de choses, je flanche." (page 23).

Mais ça n'est pas tout ça de vouloir faire un chouette film porno : il faut commencer par trouver un scénario. Ben oui. Et surtout pas un truc trop compliqué, du genre "Ichiyô Higuchi VS Oussama Ben Laden" (page 41). Surtout pas de références à Sôseki ou à Tayama Katai ! Ces trucs-là font des flops ! "Font pas dresser les queues, tes films ! Tes films ne font pas bander ! Ça fait combien d'années qu'tu fais le metteur en scène dans le porno ? Parce que nous, on ne donne pas dans l'artistique ! Tu bandes : tu raques. [...] Dis, depuis quand tu t'es mis à faire le rabatteur pour les Presses universitaires ?" (pages 43).
Autre problème : par le passé, nos héros avaient voulu sortir une vidéo pornographique dédiée aux victimes du 11 Septembre. Mais personne, dans la presse, ne parle du porno charitable ! Pas une seule ligne dans la presse, rien ! Trop dur. "Oh mélancolie, luxe des âmes pauvres." (page 45 ; merci Montherlant).

Bon. Ce coup-ci, il faut mener le projet à son terme et disposer d'un vrai scénario.
"- Pas de politique, pas de lutte révolutionnaire. C'est non. Pas de religion et pas de littérature non plus. Combien de fois faudra-t-il te le répéter ?
- Je vous demande seulement de me laisser finir ! La partie chatte démarre juste après ! D'la chatte à gogo !
" (page 50).

Le brainstorming continue.
"- Patron, écoutez-moi bien de vos deux oreilles. Le titre, c'est Pénétrations clandestines : des lycéennes contre les al-Quaida.
- Retoqué.
- Mais patron ! J'ai juste dit le titre ! [...] Ecoutez juste un peu l'histoire ! Alors voilà : un groupe de lycéennes en voyage scolaire en Afghanistan se fait kidnapper par les al-Qaida. Vous me suivez ? Ensuite, après avoir été copieusement baisées dans le camp des al-Qaida, les al-Qaida les transforment en ninjas ! Or, pendant ce temps, à New York, un groupe d'autres lycéennes arrivant pour un séjour en familles d'accueil voit son avion détourné par les autres al-Qaida. Les filles, qui ont pressenti le danger pour leur vie, se lèvent toutes pour sauver celle des autres passagers...
- Et, là encore, elles baisent avec les al-Qaida, c'est ça ?
- E-xac-te-ment.
" (page 57).


Au passage, on aura quelques considérations sur la primauté des DVD pornos par rapport au support papier :
"[...] c'est qu'avec les imprimés, faut aussi se farcir du texte. [...] C'est ce genre de texte qui les ennuie les djeunes. La pseudo-littérature, ça fait chier ! qu'ils disent. [..] Une société sans écriture. Voilà ce qui nous attend !" (page 64).

La lecture, de toute manière, ne sert qu'à "retenir par coeur les opinions d'autrui" (page 145). Alors...


À un moment, on apprend qu'il n'y a pas de liberté d'expression au Japon. Pourquoi cela ?
"- Ben parce que le peuple nippon pense que la liberté d'expression n'est pas un bien nécessaire ! Parce qu'il pense que cela ne change rien que cette chose-là existe ou non." (page 68).

Tout fiche le camp, décidément... Nous vivons une époque bien difficile. À tel point que certains réalisateurs envisagent une reconversion.
"- Que vas-tu faire si t'arrêtes le porno ?
- Suivre une formation d'infirmier en gériatrie-gérontologie, m'a-t-il répondu. C'est un secteur en forte expansion.
- Bon sang mais c'est bien sûr ! ai-je dit.
Je serai tout à fait honnête en avouant que j'étais un peu jaloux.
" (page 65).

 

 

Vers les trois quarts du livre, on trouve une "étude littéraire du désastre" qui parle de Susan Sontag, d'un texte de Kawakami Hiromi, de Nausicaä (le film de Miyazaki, dont on nous dit que "la version intégrale dure huit heures (si bien que personne ne l'a vue)", page 197 - cela me semble faux ; je crois que si personne ne l'a vue, cette version, c'est parce qu'elle n'a jamais vu le jour).
Cette partie, sérieuse, est assez faible et se finit par un très curieux : "
Il est à craindre que des désastres se produisent en tous lieux. Nous ne nous en étions seulement pas rendu compte." (page 211).
Qui est censé avoir écrit cette étude littéraire ? Un personnage, ou bien l'écrivain Genichiro Takahashi ? On croirait un grand naïf un peu bébête qui vient de découvrir qu'une centrale, ça peut être dangereux et que les tremblements de terre, ça peut tuer... Sans remonter jusqu'au grand tremblement de terre de 1923, celui de Kobé date de 1995...


La Centrale en chaleur est un bouquin provocateur.

Il s'agit, dit la quatrième de couverture, d'"une tentative courageuse de réinventer le rire, intervenue précisément à un moment - la célébration du premier anniversaire du séisme - où la communion dans le recueillement était de rigueur dans l'archipel."

C'est un roman foutraque, qui confine souvent au n'importe quoi (un directeur artistique sans doute extraterrestre fait disparaître KFC de la surface de la planète ; des sosies - ou pas ? - de tous les puissants de la planète, y compris un certain leader Nord-Coréen, participent à une copulation à grande échelle), parfois très marrant (à condition d'aimer l'humour bien gras), parfois très lourd.
Il a beau tourner autour du fait qu'il faut un scénario au film, lui-même n'en a pour ainsi dire pas.

 


On notera qu'un autre roman japonais se déroulant dans le milieu de la pornographie est disponible en français : le très bon Les Pornographes, de Nosaka Akiyuki.


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