Contes de l'Egypte ancienne
(1994 avant J.-C. - 1000 avant J.-C.)
En couverture : fragment de peinture murale d'une tombe de Deir el-Médineh. Musée du Louvre.
- Contes de l'Egypte ancienne. Traduits de l'égyptien ancien et présentés par Pierre Grandet. Hachettes Littératures. 193 pages.
"" (page I).
Les oeuvres ont été écrites entre le début de la XII° dynastie et le milieu de la XXI°, soit entre 1994 et 1000 avant J.-C.
Un millier d'années à l'histoire tourmentée qui aboutit à la production de deux cents pages de fiction littéraire...
"" (pages II-III).
Les contes étant très minoritaires parmi les écrits égyptiens qui nous sont parvenus, Pierre Grandet se demande si les contes les plus simples n'étaient pas réservés au niveau le plus élémentaire des études scribales.
Le « Scribe accroupi » du Louvre. IVe ou Ve dynastie d'Égypte, 2600-2350 av. J.-C. Saqqara
Après la très intéressante introduction qui nous a présenté la fonction du conte en Egypte, on commence par un prologue, qui comporte plusieurs textes, notamment "Sois un scribe !", qui est une apologie du travail du scribe ("", Introduction, page III) :
"" (pages 12-13).
Puis viennent les contes du Moyen Empire (-2065 à -1781)
Fragment de papyrus contenant une partie de l'histoire de Sinouhé, vers 1850 avant J.-C.
Le premier d'entre eux est le plus connu : Les Aventures de Sinouhé (qui a notamment inspiré le fameux roman de Mika Waltari).
Sinouhé raconte :
"" (page 17).
Le Pharaon décède (il s'agit d'Amenenhat Ier) ; des messagers, porteurs de la nouvelle, en informent le Prince (le futur Sésostris Ier), qui guerroyait alors contre les pays étrangers. Le Prince part immédiatement. La mort du Pharaon doit rester secrète (en fait, il a été assassiné, ce qu'on ne nous dira jamais dans le texte). Or, Sinouhé, qui se trouvait à proximité, a tout entendu.
"" (page 18)
Il s'enfuit donc. Mais pourquoi, au juste ?
Dans Contes et légendes de l'Egypte ancienne, édition pour enfants de Marguerite Divin la bien nommée (chez Nathan - mon vieil exemplaire de 1984 - ou Presse Pocket), on lit : "
Si on réfléchit deux minutes, on se dit que c'est un peu léger : Sinouhé a entendu, certes, mais personne ne s'en est rendu compte, et il s'est tout de suite éloigné. En cas de fuite, qui saurait qu'il avait entendu la nouvelle ? Mais c'est une explication qui a le mérite de la simplicité. De façon générale, les contes dans la version de Marguerite Divin sont explicites, compréhensibles, et souvent les fins manquantes sont inventées (plusieurs pages pour Le Prince prédestiné) : c'est un livre de contespour enfants, pas un travail scientifique, et le texte est très agréables à lire.
Dans la version de Pierre Grandet, on a le texte, tout le texte, rien que le texte (et des notes). Et il faut parfois s'accrocher pour comprendre, car ce qui est évident pour un Egyptien d'il y a trois ou quatre mille ans ne l'est pas forcément pour nous.
Alors, pourquoi Sinouhé s'est-il enfui ? Une note de l'introduction nous livre l'hypothèse de Pierre Grandet : "" (page VI).
Beaucoup plus tard, à un moment, Sinouhé reçoit une lettre du Pharaon. "" (page 28). Une note précise qu'il se prosterne comme s'il s'agissait du Pharaon lui-même, en signe de soumission, et que : "" (page 168). C'est fascinant comme une tradition peut perdurer dans un pays, au-delà des siècles et des religions : il y a un fond d'habitudes ancestrales qui persiste et peut ressurgir très longtemps après, en dépit des changements apparents (ce que Federico Zeri dit souvent dans ses livres).
Un conte très curieux. J'ai du mal à comprendre son immense célébrité. Quelque chose m'a échappé. Bien sûr, il y a le thème de la soumission au Pharaon, ça n'est pas rien, et puis quelques aventures (mais peu), un duel...
Pour finir ce trop long commentaire, on note que "" (page 33) sont des miroirs ; et que lorsque Sinouhé revient en Egypte, pays civilisé, on l'épile et "" (page 33).
Navire égyptien sur la Mer Rouge, vers 1250 avant J.-C. (Reproduction du bas-relief de Deir el-Bahari - cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Navigation_en_mer_dans_l%27Égypte_antique )
Le Naufragé est un Robinson Crusoé des temps Egyptiens (analyse en anglais sur : https://en.wikipedia.org/wiki/Tale_of_the_Shipwrecked_Sailor )
" [...]" (page 36).
Les hommes étaient des durs, à cette époque : je pense que j'aurais commencé à avoir faim et soif bien avant le troisième jour... Mais je suppose qu'il y a plein de symbolisme là-dedans (en plus du fait que le pluriel commence à 3 en Egyptien : il existe le duel, comme en grec ancien, notamment).
Un petit conte bien sympathique et compréhensible.
A un moment, quelqu'un dit :
"" (page 40)
Une note intéressante vient commenter ainsi cette phrase : "" (page 170).
Le Paysan éloquent :
"[...]" (Introduction, page V).
Un conte dont la trame est très amusante. On en trouvera le résumé sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Conte_du_Paysan_éloquent .
Papyrus Westcar, qui contient les contes de Khéops et les magiciens. Fin de la XVIIe ou début de la XVIIIe dynastie.
Khéops et les magiciens : c'est un ensemble de plusieurs petits contes très compréhensibles.
Puis, viennent les contes du Nouvel Empire (-1150 à -1069)
La Prise de Joppé. Il s'agit d'un texte très court (trois pages) du fait de lacunes, qui raconte l'astuce du général Djéhouty pour s'emparer de Joppé (le port de Jaffa).
Le Prince prédestiné. Il était une fois le fils d'un roi. Après sa naissance, les Hathor (sept déesses "", note page 175) déclarent :
"" (page 89).
Tadam ! Comment faire pour échapper au Destin ? Il est bien dommage que la fin du conte soit perdue...
Page du conte Les Deux frères, Papyrus d'Orbiney, fin de la XIX° dynastie (vers 1185 avant J.-C)
Les Deux frères. Deux frères se brouillent (la cause en est une méchante femme), et la suite est pour le moins étrange, mais intéressante. Réusumé sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conte_des_deux_frères .
Vérité et mensonge. C'est l'histoire de deux frères, un bon (c'est Vérité) et son méchant cadet (c'est Mensonge). Le méchant va causer du tort au gentil, bien sûr... Une bonne petite histoire.
L'Ennéade d'Héliopolis. Le lecteur va assister au conflit qui oppose Horus et Seth pour prendre en charge les fonctions d'Osiris. Qui l'emportera ?
Le conflit est verbal, mais aussi physique : il y a même une tentative de viol de Seth sur Horus ! "!" (page 131). La suite est assez amusante...
Note : "" (page 179).
Puis vient la dernière partie, La fin d'une époque, avec deux contes moins intéressants.
Mésaventures d'Ounamon. Il arrive des tonnes de mésaventures au pauvre Ounamon, et encore, on n'a pas la fin... (on en trouvera le résumé sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d%27Ounamon ).
Malheurs d'Ourmaï. Une pluie de malheurs s'abat sur le pauvre Ourmaï. Du point de vue de l'histoire, ça n'est pas passionnant, mais le texte est important, car il offre "" (Introduction, page X).
Et on finit par un petit texte qui loue le beau métier de scribe.
"" (page 162).
Dans tous ces textes, il y a énormément d'éléments qui échappent au lecteur de base du XXI° siècle : les histoires ne sont pas toujours très limpides et il faut recourir à des notes fréquentes pour ne pas être perdu. Mais cet inconvénient est finalement la conséquence d'un grand intérêt : on est proche du texte d'origine, il n'y a pas d'adjonction de folklore moderne. On est plongé dans l'Egypte ancienne - un monde très différent du nôtre -, via des textes qui ne nous étaient pas destinés.
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