Essais
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"Jean Clair, de de son vrai nom Gérard Régnier, est conservateur général du patrimoine, écrivain, essayiste volontiers polémiste et historien de l'art. Il est membre de l'Académie française. Il est né d'un père agriculteur au passé socialiste et d'une mère fervente catholique. Reçu au concours de conservateur en 1966 à 26 ans, il est conservateur assistant des Musées de France jusqu'en 1969, puis conservateur au Musée national d'art moderne durant dix ans, et du cabinet d'art graphique du Centre Pompidou entre 1980 et 1989. Rédacteur en chef des Chroniques de l'Art vivant de 1970 à 1975, il est professeur d'histoire de l'art à l'École du Louvre entre 1977 et 1980, et fonde les Cahiers du Musée d'Art Moderne qu'il dirige de 1978 à 19861. Il prend régulièrement part aux débats qui entourent l'art contemporain et la diffusion de l'art1. Texte un peu coupé issu de Wikipedia (à qui l'on dit merci).
L'Hiver de la culture(2001 ; Café Voltaire, Flammarion). 141 pages. Chaque chapitre commence par une citation. Ainsi, le premier chapitre, "Les instruments du culte", commence par « Quand le soleil de la culture est bas sur l'horizon, même les nains projettent de grandes ombres.", Karl Kraus. Le deuxième chapitre, "Le Musée explosé", comporte une citation de Nietzsche : "« Si l'on croit que la culture a une utilité, on confondra rapidement ce qui est utile avec la culture »"... "Directeur d'un musée, il m'était demandé chaque année de définir mon « PC », c'est-à-dire mon « projet culturel ». Un formulaire était joint à la demande. Je le lisais avec perplexité. Quel peut être le projet d'un musée gardien d'un patrimoine ?" (page 11). Jean Clair parle ensuite de l'Amérique du Nord où "les seuls monuments à s'élever au-dessus des plaines à blé ou des champs de pétrole, c'étaient, construits hier, les musées." (page 13). Ils ont tous des formes de tour en béton, "comme de lieux qu'on aurait dit menacés". "L'histoire de l'art américain, de Duchamp à l'art minimal - Don Judd, Robert Morris, Kenneth Noland, David Smith ... -, évoque un art qui, inlassablement, répétera qu'il n'y a rien à lire dans les formes et dans les couleurs de la modernité advenue, aucune mémoire, aucun souvenir, aucun symbole, aucun sens à découvrir ni aucune émotion à sentir, seulement des formes et des couleurs, rien que des formes et des couleurs, qui ne disent jamais rien qu'elles mêmes : « A rose is as rose is a rose... » [il s'agit bien sûr d'un vers de Gertrude Stein,du poème Sacred Emily] un bleu est un bleu est un bleu, un cube est un cube est un cube... [...]" (pages 14-15) Jean Clair parle ensuite de la culture centralisée, non dirigée vers le peuple, qui est d'après lui une tradition française, contrairement à l'Allemagne du XIX° siècle qui, du fait d'une absence de pouvoir central, "continue de cultiver ce goût populaire ou petit-bourgeois, Häuslichkeit, Gemütlichkeit, Biedermaier." (page 31). Et de mentionner Adalbert Stifter et Fontane, "peu familiers chez nous". Il critique l'étiquetage des oeuvres, "comme s'il s'agissait d'un coléoptère" (page 45), la banalisation, l'asceptisation, et finalement "l'oubli des conditions de sa naissance" (page 45). Pourquoi y a-t-il autant de monde dans les musées ? Et pourquoi faut-il emporter un ipod ou assimilé pour avoir autre chose dans les oreilles que les conversations stupides des gens ? (entendu devant une toile de Picasso de la période bleue : "tu vois, il a joué sur le bleu" ; bien sûr, eh banane ! Une mère explique à son enfant que Saint Sebastien est mort transpercé par des flèches, n'importe quoi ! - bon, c'est vrai que c'est une erreur courante - ... quand ce n'est pas le jeune homme qui raconte par le menu et très fort ses états d'âmes à une jeune fille : allez au café, pas à l'expo Redon !). "Je reste perplexe devant ces foules innombrables patientant aux entrées des musées, attendant des heures le privilège incertain de franchir le seuil de ces garde-meubles précieux." (page 52). Alors que, dans le même temps "ces autres lieux du savoir que sont les écoles, les collèges, les lycées" semblent provoquer "du dégoût", ils sont à peine entretenus, "dégradés et comme promis à l'abandon". "Ennui sans fin de ces musées. Absurdité de ces tableaux alignés, par époques ou par lieux, les uns contre les autres, que personne à peu près ne sait plus lire, dont on ne sait pour la plupart déchiffrer le sens, moins encore trouver en eux une réponse à la souffrance et à la mort. Morosité des sculptures qui n'offrent plus, comme autrefois, la statue d'un dieu ou d'un saint, la promesse d'une intercession. [..] J'aime bien : "Les décharges débordent pourtant, et faute de tout pouvoir brûler, on les multiplie.
Jean Clair fait-il allusion notamment à l'"oeuvre" de Boltanski, les tas de vêtements au Grand Palais ? Là encore, à part dans la démarche, dans le baratin justificateur (c'est censé être une vanité monumentale, je crois), cette oeuvre est d'un vide sidérant (mais bien, sûr, on me dira qu'il faut la voir en vrai, ce que je n'ai pas fait ; je ne juge donc que d'après les photos). Je prends les vêtements de mon armoire, je les entasse et puis voilà. Bien sûr, je n'en ai pas assez pour faire un tas de plusieurs mètres. "Le grand défaut de la peinture, de la sculpture, c'est qu'elles ne sont pas drôles. [...] L'art plastique avait pour cette raison même échappé jusque-là à la culture festive dans laquelle notre civilisation croit connaître son accomplissement." (pages 67-68). "Puis sont apparus Versailles et Jeff Koons, le Louvre et ses bouffons. Sont apparues aussi les bandes dessinées appliquées au grand art. [...] Les musées se sont inventé une spécialité de ces échanges entre low culture et high culture. Plaisir de l'avilissement, reflet de ce que Proust eût appelé le snobisme de la canaille, propre aux élites en déclin et aux époques en décadence." (page 69).
Jean Clair dit ensuite qu'il parle d'art, des « beaux-arts»... mais que la danse, le chant lyrique, etc. se portent bien car il y a un "métier, une maîtrise du corps longuement apprise, une technique singulière, année après années enseignée et transmise. Or il n'y a plus ni métier ni maîtrise en arts plastiques. Il ne peut y avoir de master class en peinture, parce qu'il n'y a plus de maître." (page 80-81)
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