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Pascal MERCIER, de son vrai nom Peter Bieri
(Berne, 23/06/1944- )
Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri, est un écrivain suisse. Après des études à Londres et Heidelberg, il a obtenu un doctorat de philosophie pour une étude sur la philosophie du temps, après quoi il a travaillé comme assistant de séminaire philosophique à l'université de Heidelberg.
De 1990 à 1993, il est professeur d'histoire de la philosophie puis, de 1993 à 2007, il occupe une chaire de philosophie des langues de l'Université libre de Berlin.
Il publie des ouvrages philosophiques (Analytische Philosophie der Erkenntnis, 1987, Das Handwerk der Freiheit. Über die Entdeckung des eigenen Willens, 2001, Was bleibt von der analytischen Philosophie ?, 2007... ) sous son vrai nom, et des romans sous le pseudonyme de Pascal Mercier.
Il a connu un grand succès international grâce à son troisième roman, Train de Nuit pour Lisbonne (2004).
- Train de Nuit pour Lisbonne (Nachtzug nach Lisabonne, 2004). 491 pages.. Maren Sell Editeurs, Diffusion Seuil. Traduit de l'allemand par Nicole Casanova en 2006.
En exergue du roman, on peut lire "".
Allons bon, se dit le lecteur, qui ne voit pas de traduction et qui ne connait pas forcément l'espagnol. Voilà un livre qui commence comme un Umberto Eco.
Heureusement, Internet permet de savoir que Jorge Manrique a vécu de 1440 à 1479, et qu'il est connu pour ses Coplas por la muerte de su padre (Sur la mort de son père, 1476). "" (le texte continue par : "". (Lettres européennes, A.Benoît et G.Fontaine, 1992, pages 238-239).
Après, le lecteur peut lire deux autres citations, une de Montaigne (""), l'autre de Pessoa, ce coup-ci traduite - le lecteur doit apparemment connaître l'espagnol, mais pas le portugais.
Les deux citations parlent de l'aspect composite, multiple, d'une personnalité.
Le héros du roman s'appelle Raimund Gregorius. Il vit à Berne, a cinquante sept ans et est professeur de langues anciennes : latin, grec, hébreu...
Gregorius prend comme d'habitude " " (page 13-14). La femme se rend vite compte qu'elle aurait pu l'écrire sur ses mains...
Le quotidien de Gregorius, réglé comme une horloge suisse, va non pas se détraquer, mais en quelque sorte bifurquer. La femme portugaise, son accent, le numéro de téléphone, le retard à l'école, vont faire prendre conscience au professeur qu'il y a autre chose à vivre.
A la rechercher d'une méthode de portugais, dans une librairie espagnole, il tombe sur un livre d'un certain Amadeu Inacio de Almeida Prado, Um ourives das palavras, Lisboa 1975. Le titre veut dire "Un orfèvre des mots". Le libraire lui en traduit un passage :
"[...] " (pages 28-29)
Le livre de Almeida Prado est composé de notes, de réflexions, comme "" (page 29).
Gregorius, qui ne fait jamais de faute de latin, de grec ou d'hébreu, dont le savoir est encyclopédique et dont chaque action est toujours tellement prévisible, va tout laisser en plan et aller au Portugal, à la recherche de ce Prado.
Il "" (page 24). Lui ne voyageait quasiment jamais, il restait professeur, alors que certain de ses élèves, dans le même temps, vivaient, allaient à l'étranger, changeaient.
Son quotidien, Gregorius le rompt donc volontairement, contrairement à un autre professeur, celui de Enfin le silence, de Karl-Heinz Ott.
Le roman raconte l'enquête de Gregorius au Portugal à la recherche du passé de Almeida Prado et, en parallèle, sa lecture du livre, dont les thèmes principaux sont les mots, incapables d'exprimer vraiment la réalité, l'homme, incapable de se connaître vraiment lui-même, et incapable de comprendre vraiment les autres, et Dieu, l'immortalité ("Qui voudrait sérieusement être immortel ? Qui voudrait vivre de toute éternité ?" page 199), et la dictature, le devoir...
Il y a de nombreux passages vraiment très bons et originaux, par exemple une apologie de la désillusion, page 260 :
"" (concernant la dernière phrase, sans doute manque-t-il un mot...)
Et puis tout un tas de réflexions sur différents sujets : "" (page 277).
Mais il y a d'autres passages un peu longs, qui auraient pu être raccourcis, des redites.
C'est d'ailleurs ce qu'a dû penser le correcteur, au vu du nombre de fautes qu'il a laissées : "dans doute" (page 173, pour "sans doute"), la voix était "différence" (page 206, "différente"), "pas cru pas nos yeux" (page 207), "In entendit" (page 295), "N'est-ce pas finalement aussi pour cette raison [que] je suis devenu..." (page 300), "il décrivais" (page 407), "les cheveux toux" (page 445), "Là nuit où ..." (page 476).
Mais peut-être la longueur, la répétition, ont-elle un rôle à jouer dans cette histoire de mémoire, ce voile levé progressivement sur la vie de Prado ?
On peut aussi reprocher au roman d'être trop construit. Par exemple, page 209, lorsque quelqu'un rapporte à Gregorius les propos tenus à un moment par Prado, il dit : ""... et le lecteur comprend bien, parce qu'il a lu ce qu'il fallait dix pages auparavant (Dieu, omniprésent, ne nous accorde pas de liberté). De même, page 374, on parle de "", et hop, huit pages plus loin (page 382), on peut lire : ""
On sent un peu trop qu'on nous donne les éléments au compte-goutte, ce qu'il faut quand il faut.
De plus, le lecteur sent qu'il lit un texte littéraire. Comment le savoir ? C'est très simple : même les Portugais qui parlent français utilisent des imparfaits du subjonctif, comme ça, dans la conversation. "" (page 261).
Ouah ! On l'aura compris, on n'est pas dans le néo-réalisme. Tout est littéraire, cérébral.
A propos de cérébral, on notera aussi le nombre de bons joueurs d'échecs, sans doute très au-dessus de la moyenne de la population... On n'y croit que très moyennement.
Bref : un roman bien écrit, vraiment intéressant, avec des ambitions philosophiques sur la connaissance de l'Autre, de soi-même, du monde, de la destinée, largement au-dessus de la moyenne... mais un peu long, et parfois artificiel. La forme du roman semble parfois n'être qu'un véhicule pour délivrer les pensées de l'auteur, à petites doses, de manière digeste.
Et l'on peut s'interroger sur le titre, qui pourrait laisser croire que le gros du livre se passe dans un train (comme Train de nuit avec suspects, de Yoko Tawada). Mais non. C'est qu'il doit y avoir du symbole dans le titre, très certainement.
A lire en écoutant du fado, par exemple Misia dans le très beau Duas Luas, clip mis en scène par Patrice Leconte : http://www.youtube.com/watch?v=M0R11QNO55I
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