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Dag SOLSTAD
(Sandefjord, Norvège, 16/07/1941 - )
Dag Solstad a écrit des romans, des nouvelles, des essais, des pièces de théâtre.
"" (Wikipedia)
C'est à cette époque qu'appartient Honte et Dignité (Genanse og verdighet), livre "" (Wikipedia)
Quoi qu'il en soit, "Solstad ne s'est jamais départi de sa figure archétypique : l'homme aliéné par la société dans laquelle il vit". (Honte et dignité, page 4).
Dag Solstad a remporté de très nombreux prix. Il est aussi un spécialiste du football.
"" (Régis Boyer, Histoire des littératures scandinaves, Fayard).
- Honte et Dignité (Genanse og verdighet, 1994, traduit du norvégien en 2008 par Jean-Baptiste Coursaud). Les Allusifs. 184 pages.
Le seul roman de l'auteur traduit en français.
Il commence ainsi, directement :
"" (page 9).
Nous sommes à Oslo, capitale de la Norvège (ainsi qu'il est souvent rappelé ; la répétition est la base de l'enseignement ; or, notre héros est enseignant...). Elias Rukla, professeur de littérature norvégienne, après avoir dit un "au revoir" un peu artificiel dans sa cordialité à sa femme (car jusqu'alors ils étaient tous deux bien moroses), se rend à pied au lycée où, depuis vingt-cinq ans, il enseigne la littérature norvégienne (il y a également enseigné l'histoire).
Ah, les cours où l'on dissèque Ibsen dans l'ennui le plus profond ! Nous sommes en plein dans l'étude du Canard sauvage. Notre professeur analyse l'importance d'un second rôle, le docteur Relling. Est-ce un personnage superflu ? Cela ne peut être le cas, sinon Ibsen l'aurait supprimé. Or, il est bien là... C'est donc qu'il doit avoir une utilité.
"" (page 19).
Il est normal que les élèves s'ennuient : ce sont des êtres immatures ; les chef-d'oeuvres de la littérature norvégienne leur passent donc naturellement au-dessus de la tête. Néanmoins, notre professeur est payé par l'Etat pour les leur enseigner, ces chef-d'oeuvres de la littérature norvégienne.
"" (pages 24-25).
Elias Rukla va continuer à analyser le rôle secondaire, mais néanmoins essentiel (ce qui apparaît dans un détail, et notre professeur sera à deux doigts d'une découverte), du docteur Relling. Son rôle consiste à commenter l'action et pas à y participer. De même que le professeur Elias Rukla qui analyse, commente, critique la société.
Il n'éprouve plus de plaisir à enseigner les chef-d'oeuvres de la littérature. Il éprouve même parfois de la répugnance pour certaines de ces oeuvres.
Mais il y a pire : les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus comme ceux d'avant. Tout se dégrade.
"" (page 31).
Cet ennui n'est plus un ennui résigné (après tout, on peut se dire qu'un cours de littérature norvégienne, c'est très ennuyeux, en prendre son parti, et puis c'est tout), non : les élèves sont indignés. Alors même qu'ils sont élèves et qu'ils doivent donc s'ennuyer.
Il ne manquerait plus qu'ils prennent conscience de la force que, ensemble, ils représentent... Le professeur les craint un peu.
Et voilà que diverses petites choses vont amener notre professeur à péter un câble (il n'y a pas d'autres façons de le dire). Comme ça. Après tant d'années. Cela peut arriver à tout le monde, mais voilà, lui n'est pas tout le monde, et c'est bien le problème.
Après cette rupture, on en a fini (ouf) avec l'ennui de la classe et l'étude du Canard sauvage, la pièce d'Henrik Ibsen, chef-d'oeuvre de la littérature norvégienne, étudiée en long, en large et en travers entre les quatre murs de la classe de Fagerborg, dans la capitale de la Norvège. Et le lecteur va plonger dans le passé du professeur, revivre toute son histoire jusqu'à ce point très précis.
Le pivot de l'histoire est son amitié avec un étudiant en philosophie, Johan Corneliussen, extrêmement intelligent, ultra cultivé et touche à tout : à l'alcool, aux femmes, au sport et notamment au hockey ("", page 65).
Ah, les bonnes cuites estudiantines ! Et les belles retransmissions sportives à la télé ! Voici une descente de ski. Les champions apparaissent à l'écran les uns après les autres, vêtus de combinaisons alpines, avant de s'élancer :
"." (page 70).
Elias Rukla et son ami sont (surtout ce dernier), on l'a dit, deux esprits brillants. Ils sont cultivés, ils aiment discuter, échanger des idées, faire des allusions culturelles, sportives, artistiques, passer d'un sujet à l'autre.
Mais ils vont se trouver dans une impasse : l'avenir se révèle moins brillant qu'escompté, le temps passe, et tous deux se retrouvent spectateurs d'un monde qui a évolué sans eux, qui s'intéresse à des sujets qu'ils méprisent ou qui ne les intéresse pas.
Que faire ? Devenir tel le docteur Relling de la pièce d'Ibsen, un spectateur/commentateur, rarement impliqué mais parfois ému par le monde, finalement un être extérieur, qui ne trouve plus personne à qui parler (vraiment parler, pas échanger des nouvelles sur le temps ou l'état de santé de tel ou tel présentateur télé) ? Ou bien rompre avec ce mode de vie et participer à ce monde superficiel de marketing et de publicité, et faire de l'argent, même si on le méprise ?
Honte et dignité est un livre à la pâte parfois épaisse (il n'y a pas de dialogues, pas de chapitre, le texte est un gros bloc), aux phrases qui circonvolutionnent souvent, mais pas banal, avec de très bons passages mais d'autres disons peut-être un peu longs (on en a eu un aperçu, je crois ; ceci dit ces répétitions finissent par créer une sorte de musique), qui possède un vrai fond. Disons que ce n'est pas le livre à lire pour se distraire et rire un bon coup (même s'il y a une forme d'humour sinistre).
Dans la notice de Wikipedia, il est écrit que Dag Sostad est un auteur très cérébral, et on ne peut pas dire que ce soit faux.
A noter, tant qu'on est dans la littérature norvégienne, que pendant qu'il parle d'Ibsen, Elias Rukla pense aux "Quatre Grands" (auteurs nationaux norvégiens) : en plus d'Ibsen, on trouve Bjørnstjerne Bjørnson, Alaxander Kielland et Jonas Lie. Notre professeur remplacerait volontiers Lie (qui a un peu vieilli) par Arne Garborg.
Mais, au bout du compte, pour lui les "Quatre grands" qu'il préfère lire, c'est Henrik Ibsen, Knut Hamsun, Tarjei Vesaas et Agnar Mykle. (cf page 36).
Autant Ibsen, Hamsun et Vesaas sont bien connus et largement traduits chez nous, autant Mykle et Garborg sont quasi inconnus chez nous...
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