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Clifford D. Simak

(Millville, Wisconsin, 03/08/1904 - Minneapolis, Minnesota, 25/04/1988 )

cliffor d. simak

"Clifford Donald Simak (3 août 1904 – 25 avril 1988) est un auteur américain de science-fiction. Les origines modestes de ce fils de fermiers modèleront la plupart des personnages de ses romans. Ses thèmes favoris sont la nature et les robots anthropomorphiques. Son œuvre la plus connue est Demain les chiens.
Il a gagné plusieurs prix Hugo et prix Nebula. En 1976, il reçoit le Prix Damon Knight Memorial Grand Master de la SFWA pour l'ensemble de sa carrière. C'est ainsi que Clifford D. Simak peut être considéré comme faisant partie des écrivains de l'âge d'or de la science-fiction, au même titre que Ray Bradbury ou Isaac Asimov.
" (Plus de détails sur : Wikipedia)

Il est notamment l'auteur de Coraline, adapté au cinéma par Henry Selick (le réalisateur de L'Etrange Noël de monsieur Jack, James et la pêche géante...), Stardust (également adapté au cinéma) et de American Gods, qui devrait bientôt être adapté en série télé.


demain les chiens

- Demain les chiens (City, 1952). Traduit de l'anglais en 1953 par Jean Rosenthal. 311 pages. J'ai Lu.
Le livre commence par une "Note de l'Editeur".
"Voici les récits que racontent les Chiens quand le feu brûle clair dans l'âtre et que le vent souffle du nord. La famille alors fait cercle autour du feu, les jeunes chiots écoutent sans mot dire et, quand l'histoire est finie, posent maintes questions :
« Qu'est-ce que c'est que l'Homme ? » demandent-ils.
Ou bien : « Qu'est-ce que c'est qu'une cité ? »
Ou encore : « Qu'est-ce que c'est que la guerre ? »
On ne peut donner à ces questions de réponse catégorique.
" (page 5).

Le livre est constitué de huit "contes" qui, un peu comme l'excellent Des milliards de tapis de cheveux (d'Andreas Eschenbach), forment finalement un roman.
Chaque conte est précédé d'une présentation, rédigée par un exégète Chien, qui s'interroge sur la véracité de l'histoire qui va être contée, sur son caractère symbolique, et sa signification.

L'Homme a disparu, on le voit. Mais comment ? Que s'est-il passé ? Quand même pas encore une bête apocalypse, un conflit extra-terrestre ?

Le lecteur va découvrir le destin de l'humanité, depuis 1986 (le futur proche pour l'époque), pendant plusieurs milliers d'années, jusqu'à...

Le début est très classique, Clifford D. Simak nous présente un monde futuriste maintenant daté. On a le grand-père qui se refuse à laisser sa vieille voiture crachotante pour utiliser l'hélicoptère personnel, comme tout le monde. Il regrette les gentilles banlieues d'autrefois.

Depuis que l'énergie est illimitée, et grâce aux moyens de locomotions aériens rapides, les villes ont éclaté : chacun habite désormais un coin tranquille à la campagne.
De plus, la culture de la terre a laissé place au "développement des hydroponiques" (page 20). Il n'y a plus de problèmes d'alimentation.
C'est une des originalités de l'oeuvre. Généralement, on nous présente des villes tentaculaires, surpeuplées. Pas ici.

La première histoire est, malgré tout, assez moyenne, les personnages sont parfois grossièrement dessinés, les motivations un peu simplistes.

La deuxième histoire est déjà meilleure. On se rend compte qu'on va assister aux moments importants de l'histoire de l'humanité, qui mettra en scène à chaque fois un membre d'une famille, les Webster.
Ce procédé donne au lecteur une impression de continuité, de familiarité au-delà du passage des années. Un peu de nostalgie, aussi.
L'homme est débarrassé de nombreux problèmes ; il va sur Mars. La robotique se développe. On tente de nouvelles façons de penser, de vivre ensemble.

Un des descendants Webster veut faire une expérience. Ecoutons-le en parler :
"Jusqu'à maintenant, l'Homme a marché seul. Une seule race pensante, intelligente, se suffisant à elle-même. Pensez comme on aurait pu aller plus loin, plus vite, s'il avait existé deux races pensantes, intelligentes, à travailler ensemble. Parce que, comprenez-vous, les deux races ne penseraient pas de la même façon. Elles pourraient confronter leurs idées. L'un penserait à quelque chose que l'autre aurait oublié. C'est la vieille histoire des deux têtes.
« Songez-y, Grant. Un esprit différent de l'esprit humain, mais qui travaillera en collaboration avec lui. Qui verra et comprendra certaines choses qui échappent à l'esprit humain, qui élaborera, si vous voulez, des philosophies que l'esprit humain ne pourrait concevoir.
" (page 97).
Il ne cherche pas encore une alternative au développement de l'Homme, une autre voie, mais un point de vue différent, qui pourrait enrichir sa façon de penser et de voir le monde. L'Homme, grâce à ses mains, envisage son évolution sous forme d'une développement technologique.

Puis vient le quatrième conte.
"De tous les contes, c'est celui-ci qui a donné le plus de mal à ceux qui voudraient chercher une explication, un sens caché à la légende." (page 129).
L'Homme colonise d'autres planètes, grâce à divers procédés (on ne va pas tout raconter). Il tente de coloniser Jupiter, ce qui est bien sûr très compliqué du fait de la gravité, de la pression, et des gaz toxiques... Jupiter est totalement hostile à l'homme.
C'est une très bonne histoire, finalement la plus importante du livre.

Le livre aborde des questions essentielles.
Le bien individuel immédiat doit-il primer sur l'avenir de l'humanité ? Le confort empêche-t-il d'avancer ? Mais à quoi sert-il d'avancer, finalement ? (on a un thème un peu équivalent dans La Fin de l'Eternité d'Asimov). Une civilisation de loisirs sert-elle à quelque chose ? (on pense un moment à certains passages du Cycle de la Culture de Ian Banks, ceux qui abordent la civilisation de loisirs décadente, mais ici la décadence reste très soft). Quelle est alors la raison de vivre ? Quel but a l'existence ?

Où doit aller l'Homme ? Quelles limites doit-il repousser ? Quelles sont les choix de société qui s'offrent à lui ?
Peut-on durablement s'améliorer et supprimer toute guerre, tout conflit ? Est-ce souhaitable ? Peut-on risquer de tout perdre pour se conformer à son idéal ?
La paix, l'absence de conflits, le confort, tout ça, n'est-ce pas totalement ennuyeux, finalement ?


Le livre a un petit côté suranné : on a des rouages, des manettes, et les gens, des milliers d'années dans le futur, se trimballent toujours des liasses de papier. C'est amusant de voir que ce qui n'a vraiment pas été anticipé par Simak, c'est tout ce qui touche à la dématérialisation (du papier, de l'information). Mais ça n'est pas gênant du tout.

Demain, les Chiens est parfois poétique ; il aborde un grand nombre de vraies questions, de façon intelligente, à travers une histoire intéressante et parfois vertigineuse.
C'est donc un excellent livre, tellement supérieur à nombre de romans de SF récents couverts de prix (American Gods, par exemple), qui ne sont que du divertissement. Ici, on a un vrai questionnement (sans vouloir tomber dans le "c'était mieux avant", bien sûr !).

au carrefour des étoiles

- Au Carrefour des Etoiles (Way Station, 1963). Traduit de l'américain par Michel Deutsch. 223 pages. J'ai Lu.

Au tout début du roman, c'est la Guerre de Sécession. Des soldats s'affrontent, puis c'est le silence, les morts sont si nombreux...
Parmi les survivants, il y a un homme : Enoch Wallace. Le héros de notre histoire.
Et ce même homme est toujours frais et bien portant, un siècle plus tard. Ça intrigue, bien sûr. Ses voisins ne posent pas de questions : on est dans l'Amérique profonde, chacun fait et vit comme bon lui semble tant qu"il n'embête pas ses voisins. Et ça tombe bien : Enoch est très discret. Il sort à heure fixe pour faire une balade, avec son fusil sous le bras, et c'est à peu près tout. Il ne reçoit jamais de courrier, à part des tonnes de journaux (qui parlent de la situation internationale très tendue : une guerre nucléaire se profile à l'horizon) et de revues...
Mais les services secrets ont eu vent de l'affaire, et ils y portent une attention soutenue bien que discrète. Mais ils sont aussi intrigués par une pierre tombale bien curieuse.

Il vit dans une vieille maison (voir la couverture du livre). Lewis, un agent des services secrets, s'en approche, en l'absence de son propriétaire:
"Il colla son visage contre la vitre, la main en visière pour se protéger du soleil. Mais il ne distinguait rien à l'intérieur del a pièce. Sinon un puits de ténèbres où ne jouait pas le moindre reflet.
Il ne voyait même pas sa propre image renvoyée par le verre. Tout se passait comme si la fenêtre absorbait la lumière incidente, l'aspirait et la capturait sans la réfléchir.
Lentement, Lewis fit le tour de la maison, les sens en alerte. Toutes les fenêtres étaient aveugles. Tous les murs étaient comme revêtus d'une pellicule dure et glissante. Il frappa le bardeau à coups de poing : il eut l'impression de taper sur du rocher.
" (pages 21-22).
Etonnant, non ?


Contrairement à Demain, les Chiens, ce n'est plus le destin de l'Homme, mais sa place dans la Galaxie qui se joue.
Mais on retrouve dans ce roman des thèmes similaires : la façon dont des races très différentes peuvent vivre ensemble, qu'est-ce qui peut rassembler au-delà des différences de formes, de logique... Peut-il y avoir une compréhension mutuelle, de la tolérance, une fraternité ?
Toujours comme dans Demain, les Chiens, on voit que l'évolution de la science humaine part dans une certaine direction, en omettant la compréhension des forces "surnaturelles". (page 87) ; on a également le thème (ici mineur) de la transformation qui peut être nécessaire pour coloniser (ici, ce sont des Andromédiens qui changent de forme pour coloniser les planètes les plus exotiques, page 83) ; ou encore, de façon également anecdotique, mais qui contribue à donner un air de famille, l'importance d'une maison, de la nature...

Il y a de jolis passages. Ainsi, à un moment, Enoch manipule un "mélangeur à parfums - c'était le meilleur nom qu'il avait trouvé - permettant de créer toutes les odeurs que l'on désirait : il suffisait de choisir celle que l'on voulait et d'activer l'appareil - aussitôt, la pièce embaumait jusqu'à ce que l'on arrêtât le mécanisme. Enoch avait connu de grandes joies grâce à ce cadeau ; un soir d'hiver, après de longs tâtonnements, il avait réussi à recréer l'arôme des pommiers en fleurs et, jusqu'au soir, tandis que, dehors, hurlait la tempête, il avait vécu une journée de printemps." (page 96)
Joli, non ?

Mais que fait donc Enoch dans cette maison ? (indice : c'est écrit sur la quatrième de couverture).

Un vrai bon roman (qui a reçu le Prix Hugo en 1964), avec pas mal d'originalités, mais un peu moins bon que Demain les Chiens. En comparaison, c'est plus de la SF de "chambre".
On peut lui reprocher quelques ficelles romanesques, dans la deuxième moitié : des événements surviennent tous en même temps, de telle sorte qu'il y ait du suspens, il y a quelques hasards...

A noter qu'il est très étonnant de voir un élément ressemblant (à un détail près, certes essentiel) à ce que l'on trouve dans un certain livre de Christopher Priest... Dire quoi serait déflorer l'intérêt du livre en question de Priest. Simak aurait pu en explorer les dimensions métaphysiques (comme Priest l'a fait), mais il n'a curieusement pas insisté dessus... ça n'était vraisemblablement pas le sujet qu'il voulait traiter. N'empêche que c'est troublant.



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