Livre.gif (217 octets) Littérature Italienne Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour Italie <-

retour
page d'accueil

 


MARANI Diego

(Tresigallo, 1959 - )

diego marani


"En 1996, traducteur au Conseil de l'Union européenne Diego Marani inventa l'europanto, une langue internationale ironique. Il l'utilise dans un livre humoristique, Las adventures des inspector Cabillot, paru en France.
Son roman le plus célèbre, Nouvelle grammaire finnoise a été traduit dans plusieurs langues et a reçu en Italie le prix littéraire Grinzane-Cavour. Il est l'auteur d'autres romans : L'ultimo dei Vostiachi, L'interprete, Il Compagno di scuola. En tant qu'essayiste, Diego Marani a écrit A Trieste con Svevo et Come ho imparato le lingue. Il écrit régulièrement dans les pages culturelles du quotidien italien Il Sole 24 Ore.
" (merci wikipedia !)

nouvelle grammaire finnoise
Atrani, côte Amalfitaine, le 07/09/2011

 

- Nouvelle grammaire finnoise. (Nuova grammatica finlandese, 2000). Rivages poche/Bibliothèque étrangère, 191 pages. Traduit de l'italien par Danièle Valin.
Nouvelle grammaire finnoise a reçu le Prix Grinzane-Cavour en 2001.
Je ne connaissais pas ce prix. A voir les lauréats, on trouve de tout, Mario Rigoni Stern, Margaret Mazzantini côté livres Italiens et, côté étrangers, Bernardo Atxaga, Pascal Mercier, Cees Nooteboom, mais aussi... L'alchimiste, de Paolo Coehlo !

 

Le livre commence par une citation, "Ei Suomi ole mikään kieli se on tapa istua penkin päässä karvat korvilla", signée Paavo Haavikko (1931-2008).
Pas de traduction.

Puis vient le prologue :
"Mon nom est Petri Friari, j'habite Hamboug [...] et j'exerce la profession de neurologue à l'hôpital universitaire.
J'ai trouvé ce manuscrit le 24 janvier 1946 dans une malle de l'hôpital militaire d'Helsinki, avec une veste de marin, un mouchoir brodé aux initiales S.K., trois livres, un volume du Kalevala et une bouteille vide de koskenkorva. Il est écrit dans un finnois accidenté et pauvre, souvent plein de fautes de grammaire
[...]" (page 11).

"Si je suis retourné à Helsinki, vingt-huit ans après m'être enfui, c'est uniquement pour retrouver l'homme que, à la suite d'une cruelle équivoque, j'ai involontairement lancé vers un destin qui n'était pas le sien. Mais, de lui, il ne reste que ce cahier. [...] Si le Dr Friedrich Reiner avait trouvé le mouchoir avec les initiales S.K. un jour plus tôt seulement, le sort de Massimiliano Brodar aurait été bien différent" (pages 12-13).
Tadaaam ! Et tant pis pour le suspens. On va dire que c'est courageux de la part de l'auteur.

Et c'est premier chapitre : "Le regard du Dr Friari fut la première chose vivante que je vis affleurer." (page 15). Le livre est donc le manuscrit, mais revu et corrigé par le bon docteur, qui pense à son lectorat. De temps à autre, il met une petite page de commentaire.
Dès les premières pages, on a plus de détails, on apprend quasiment tout (on saura vraiment tout - c'est-à-dire quasiment rien de plus, mais ce quasiment n'est pas mal, quoique cela n'apporte pour ainsi dire rien au livre) :
"J'avais été recueilli en fin de vie, la tête fracassée, à l'aube du 10 septembre 1943, le long d'un quai près de la gare de chemin de fer de la ville de Trieste. On n'avait trouvé sur moi aucun papier, aucun objet personnel. A part les vêtements que je portais, je ne possédais rien. J'avais probablement été agressé et dévalisé, frappé à la tête avec le tuyau de plomb retrouvé à côté de moi et encore souillé de sang et de cheveux." (page 29). Il est trouvé par des marins, et les rares indices donnent à penser que notre homme est Finlandais. Ça tombe bien, le bon docteur Friari aussi !
A cause d'une grave lésion cérébrale, le narrateur a perdu la mémoire, mais aussi toute notion de parole. Il lui faut donc rapprendre une langue. On connaît dès le début son vrai nom (Massimiliano Brodar), et on sait aussi que le docteur s'est trompé, que notre homme n'est pas Finlandais, mais bien Italien. Donc, il apprend une langue qui n'est pas la sienne (le finnois ; ça aurait pu être du suédois, mais non) et va chercher à retrouver les traces d'un passé qui n'est pas le sien.

A part ça, le narrateur va donc à Helsinki, c'est la guerre, il y a les Nazis, les Soviétiques qui menacent, ce sont des temps troublés.
Et il rencontre un aumônier qui va prendre en main son apprentissage du finnois, apprentissage qui pourrait - qui sait ? - débloquer ses souvenirs. Cet aumônier Koskela est un des personnages principaux, ses soliloques verbeux vont remplir pas mal de pages du bouquin.
"Les formes d'une langue se réfléchissent inévitablement sur celui qui la parle, elles en modèlent le visage, les maisons, la terre, les habitudes, la nourriture. Un étranger qui apprend le finnois force ses propres caractéristiques somatiques, s'éloigne de lui-même et court le risque de ne plus se reconnaître. Ce qui n'arrive pas quand on étudie d'autres langues, car les autres langues ne sont que des échafaudages provisoires de sens. Le finnois non, il n'a pas été inventé. Les sonorités de notre langue étaient autour de nous, dans la nature, dans le bois, dans le ressac de la mer, dans le cri des animaux, dans le bruit de la neige qui tombe." (page 57). Et blablabla. Je ne sais pas ce que c'est censé être : beau ou stupide. En tout cas, je sais ce que c'est : ennuyeux. A noter que toute ce texte est censé être retranscrit par le narrateur, qui pourtant ne comprend pas la moitié de ce qui se dit. On y croit.

"Le nom est la première chose qu'on apprend dans une langue. Car nommer veut dire apprendre à connaître. C'est pour cela qu'on ne peut nommer le nom de Dieu, car il serait présomptueux de vouloir le connaître. [..] Dans l'ancien temps, c'était le sorcier, le chaman, qui connaissait la voie, c'était lui qui se droguait avec des champignons hallucinogènes et qui voyait au-delà du bois, par-delà la réalité. Au fond, il est vrai que la connaissance n'est qu'une voie et les voies possibles sont si nombreuses." (page 60). Ca s'inscrit pleinement dans la catégorie "pseudo-profond mais vraiment bidon".

On apprend quand même que "le finnois n'aime pas le concept de sujet qui accomplit l'action. Nul n'accomplit rien en ce monde, mais tout arrive naturellement, car cela doit arriver, et nous ne sommes qu'une des nombreuses choses qui pouvaient arriver. Dans la phrase finnoise, les mots se regroupent autour du verbe comme des satellites autour d'une planète et celui qui est le plus proche du verbe devient sujet. Dans les langues européennes, la phrase est une ligne droite. En finnois, c'est un cercle à l'intérieur duquel il se passe quelque chose. Dans notre langue, chaque phrase se suffit à elle-même ; dans les autres elle a besoin d'un discours pour exister, sinon elle ne veut rien dire." (page 60).
Ce résumé de l'introduction du Finnois pour les nuls n'est pas inintéressant, même si on imagine volontiers que c'est un peu excessif. Déjà, le finnois semble être considérée comme une langue non européenne, ça peut se discuter. Et qu'en est-il de l'estonien, tiens ?

Tout cela ne fait pas un roman, alors on a droit à des passages qui veulent faire littéraire : "Maintenant que je vivais, je pouvais aussi mourir. Cette porte béante devant moi m'intimidait. Entrer voulait dire se plonger dans la vie, laisser chaque cellule se mélanger à des millions d'autres, devenir une partie de ce fourmillement désordonné d'organismes qu'est l'existence, où l'individu est insignifiant et où la vie et la mort ne sont que des moments, des passages vers un ailleurs, vers un point de l'univers où tout sombre et disparaît." (page 93).
On ne peut pas dire que ce soit très bon (et je suis gentil). De plus, on est très loin du finnois accidenté et pauvre dont parlait le bon docteur en début d'ouvrage. Là, c'est carrément réécrit.

Ah, on retombe sur un truc pas inintéressant : "Ici, chez nous, le printemps est la plus mauvaise saison. [...] Ce qui meurt l'hiver ne pourrit qu'au printemps, car le gel le conserve pendant de longs mois. De la forêt viendra une odeur de bois pourri, d'animaux morts, d'eau stagnante." (page 94).
Dès qu'on en revient dans l'anecdote, c'est mieux. Au lieu de lire le bouquin, on aurait pu feuilleter un Géo spécial Finlande. En plus, on aurait eu des photos.

Et on aurait pu éviter des inepties.
1/ "Nos solitudes, si semblables, si voisines, se touchaient mais sans se mêler, comme deux gouttes de liquides différents." (page 94). Prenons deux liquides différents : de l'eau et du vin. Eh bien, ça se mélange ! Le vinaigre aussi, ainsi que le coca, le sprite, le jus d'orange... les liquides qui ne se mélangent pas, c'est plus l'exception que la règle.

2/ L'Assomption de la vierge est qualifiée de "mythe bien à eux" (aux Russes), ce qui est vraiment très discutable.

3/ On lit aussi "Pour les orthodoxes, la mort n'existe pas et le paradis ressemble à ce monde-ci, à quelques corrections près." (page 125). C'est Koskela qui parle, pas l'auteur, mais quand même, ça fait se poser des questions. Peut-être est-ce un moyen subtil de montrer que la santé mentale du pasteur est très chancelante ?
Mais alors, comment le lecteur pourra-t-il faire la différence entre des inepties, et de vraies informations concernant des domaines qu'il ne maîtrise pas forcément ?

4/ Et encore, à propos de la révolution bolchévique en Russie, qui a débordé : "Finlandais rouges et blancs se sont massacrés et exterminés à tel point que le pays resta vide pendant des décennies. Aujourd'hui encore, on ne parle pas de ces années-là [...]" (page 127).
N'importe quoi ! Frans Emil Sillanpää a écrit Une Brève destinée, ouvrage paru en 1931 (et chez nous en 1940, puis plus récemment en 2000) ! Et on ne peut pas dire que Sillanpää soit un inconnu en Finlande, vu qu'il a eu le Prix Nobel de Littérature en 1939 ! Il a même été le premier et le dernier écrivain finlandais à obtenir ce prix.

Bref. A part les monologues du pasteur, on a aussi droit à des résumés de parties du Kalevala. Ça remplit toujours quelques pages et ce n'est pas inintéressant.


En conclusion, d'un point de vue stylistique et romanesque, c'est très pauvre, alors que le point de départ pouvait vraiment donner quelque chose d'intéressant.

Un livre souvent ennuyeux et très décevant : on ne croit pas un instant aux personnages ou à l'histoire. Faire parler et vivre quelqu'un qui n'est pas de son pays, c'est casse-gueule. On tombe vite dans le didactique, l'anecdote, et on fait facilement des erreurs.

D'autres, qui s'y connaissent plus que moi, ne partagent pas forcément mon avis, voir par exemple : L'ambassade de Finlande à Bruxelles : "Le livre ”Nouvelle grammaire finnoise” de Diego Marani décrit la culture finlandaise en profondeur".
Je ne suis pas sûr que ses livres soient largement diffusés en librairie. Je l'ai cherché dans plusieurs librairies (à Naples), sans le trouver.
Cela me rassure un peu.

 


- Retour à la page de Littérature Italienne -

 

Toutequestion, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)