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Hubert Haddad
(Tunis, Tunisie, 10/03/1947 - )
"" (Wikipedia)
- Le Peintre d'éventail (2013) Zulma. 188 pages.
Le bandeau rouge, "Sublime Japon", annonce la couleur du livre : le cliché.
Avant une plongée dans le passé récent, on commence par quelques pages qui se situent dans le présent - et déjà deux petits agacements : il est fait mention d'une "" (page 10) à propos de la fin de la Seconde Guerre Mondial au Japon alors qu'il s'agit d'une capitulation : il y a une différence entre les deux termes (en gros : la capitulation est une décision militaire ; une armistice est une décision politique ; pour plus de détails, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Armistice#Diff.C3.A9rence_entre_armistice_et_capitulation ) ; et puis on lit "" (page 11), alors que chacun sait qu'il ne faut pas mettre de l'eau bouillante pour faire un bon thé. Et on entame l'histoire du peintre d'éventail.
"" (page 12).
Dès le début, on a le ton :
une accumulation de tout ce qui fait japonais : la petite pension, les bambous, les érables rouges, le pont de bois, tout est là. Deux pages plus loin, on a eu en plus des pèlerins, une maison de poupée, une planteuse de riz, des oiseaux à foison (grive, pluvier, rollier...), et le jardin dont s'occupe Maître Osaki - lequel, comme tout maître qui se respecte, est discret. Ah, j'allais oublier les incontournables haïku.
Ce que Matabei est bien, là, à contempler les paysages et à penser à l'impermanence (comme tout Japonais, bien sûr : on croit qu'ils dorment dans les transports, eh bien non : je suis sûr qu'ils méditent tous sur l'impermanence).
Rapidement (page 21), on prend connaissance du traumatisme qui a conduit Matabei à se mettre à l'écart du monde (ce qui permet habilement de conjuguer les événements contemporains qui parlent au lecteur avec tout le folklore traditionnel). Un accident dont il n'est pas responsable. Mais, comme cela ne suffit pas, on en rajoute une couche avec le séisme de Kobé de 1995. Ça fait beaucoup... et on n'en est qu'à la page 21 !
Matabei finit par remarquer maître Osaki, toujours occupé à son jardin. Il apprend beaucoup de lui.
"" (page 54).
En voilà une pensée idiote, digne d'un Paolo Coelho, voire d'un Marc Levy. Non mais franchement ! Et Hokusai, alors ? Et Hiroshige ? Et Bashô ? Ils ont vécu et sont morts ignorés, peut-être ? Non. Cela veut donc dire qu'ils n'étaient pas des vrais maîtres ? Quelle bêtise.
La stupidité de la phrase éclate encore plus page 119 : ""
À ce moment-là, Matabei remet-il en question la fameuse phrase stupide de la page 54 ? Eh bien, non. Aucune réaction. Matabei continue à appeler Osaki "maître". C'est à n'y rien comprendre, puisqu'il savait depuis la page 54 que les vrais maîtres sont ignorés. Il s'agit sans doute d'une forme profonde d'impermanence, celle du raisonnement. Rien n'a d'importance, les phrases ronflent mais ne portent pas à conséquence.
Dans le même genre (bête) : "" (page 177). Encore une phrase définitive, qui claque. Or, dès la page suivante, on lit : "" Etonnant, non ? Pourtant, Matabei est seul, il n'y a personne pour poser son regard sur lui : la maladie ne devrait donc pas exister.
Bref. Il ne sert à rien de tirer sur l'ambulance. On me dira sans doute que tout cela n'est pas consternant comme je le crois, mais qu'il s'agit de quelque chose qui relève de la poésie.
L'autre point marquant du livre, c'est le style, les énumérations. Voici une petite description du jardin :
"" (page 80).
Tout est très japonais, mais tellement japonais, tellement trop japonais que cela sonne faux : trop, c'est trop. C'est censé être poétique, léger, et tout n'est qu'overdose, comme ces estampes caricaturales destinées à l'exportation.
Et ces phrases qui crient leur poésie... "" (page 147)... "" (page 158)... "" (page 175). Si l'on pouvait savoir exactement quelle est cette heure, ça serait bien pratique pour le tourisme.
Ceux qui aiment ce genre de texte trouveront leur bonheur. Pour les autres, c'est très dur.
Hubert Haddad a l'art de tout gâcher. Je vais faire pareil. On a donc droit au tsunami (pour continuer dans ce qui "parle") : à un moment tout est emporté... mais les carpes, elles, non. Elle ne sont plus dans leur mare, mais dans des flaques, mortes ou mourantes (à cause du sel de l'eau ?), toujours est-il qu'elles sont encore là (page 138). On saura donc ce qu'il faut faire en cas de menace de vague géante : piquer une tête dans la mare la plus proche. Les maisons, les arbres seront détruits, emportés, mais on pourra continuer à barboter tranquillement. C'est totalement ridicule, bien sûr. Ou bien c'est poétique, au choix (il doit y avoir plus de symbolique dans les carpes mourantes que dans les carpes emportées). On notera qu'un passage semble faire un petit écho à la scène de l'inondation dans Bruine de Neige, de Tanizaki (c'est toujours dangereux de faire écho à un chef-d'oeuvre de la littérature, on peut souffrir de la comparaison).
Concernant les personnages, ils semblent répondre à un cahier des charges : ainsi, on a le vieux sage, le jeune apprenti... et bien sûr la jolie fille de service. C'est désespérant.
Passons sur le caractère toujours bâtard d'une oeuvre située dans un pays étranger (à qui s'adresse-t-elle ? on nous dit des évidences pour un Japonais, comme le risque d'étouffement par mochi, ou - et c'est dit à plusieurs reprises - le fait qu'une oeuvre ne doit pas être symétrique, mais légèrement inachevée et donc pas totalement "parfaite") et notons juste que Laszlo Krasznahorkai, avec Au nord par une montagne, s'en est lui très bien sorti (comme quoi c'est possible, mais pas pour tout le monde).
Alors, pourquoi le Peintre d'éventails a-t-il reçu tant de bonnes critiques ? Il condense tous les clichés qui traînent sur le Japon (et cela fait toujours plaisir de se voir confirmé dans ses clichés), à tel point qu'il en est souvent insupportable (j'ai interrompu à plusieurs reprises ma lecture pour lire autre chose, j'ai failli abandonner, heureusement qu'il n'est pas très long). D'autres auteurs ont donné dans le cliché ou l'exotique, comme Kawabata avec Kyôto (qui n'est vraiment pas sa meilleure oeuvre, et de loin). Mais pas à ce point.
Et le fond, me dira-t-on ? J'ai bien peur qu'il n'y en ait pas. À part les clichés (l'impermanence, les vrais maîtres meurent ignorés, etc.).
Un livre raté dans les grandes largeurs.
Dans un genre que l'on pourrait qualifier d'un peu similaire, mais infiniment meilleur, plus profond tout en étant plus modeste, on pourra lire Notes de ma cabane de moine, de Kamo no Chômei.
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