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SEKIGUCHI Ryoko
(Tokyo, 21/12/1970 - )

sekiguchi ryoko

 


Ecrivain, poétesse et traductrice, vers le français (notamment Tawada Yoko) et du français en japonais (Echenoz, Rahimi...)
Elle vit à Paris depuis 1997, où elle a étudié l'histoire de l'art à la Sorbonne. De plus, elle a obtenu un doctorat en littérature comparée et en études culturales à l'Université de Tokyo.

"J'ai voulu quitter le Japon et devenir immigrée pour pouvoir faire l'expérience de l'aliénation, du déracinement, me libérer du joug du pays natal comme peuvent le faire les étrangers au Japon. C'est une chose qu'il faut avoir vécue pour le comprendre." (Ce n'est pas un hasard, page 60).

Elle publie ses livres en français et en japonais.

ce n'est pas un hasard    

 

- Ce n'est pas un hasard. Chronique japonaise (2012) P.OL. 188 pages.
En mars 2011, Sekiguchi Ryoku se trouve à Paris. Suite aux événements du 11 mars, elle se met à écrire une chronique, sans fioritures, sans vouloir faire de la littérature.

"[...] ce que je suis en train d'écrire, ce n'est pas de la littérature.
C'est un « rapport ».
Je dresse un rapport, le plus sincère possible.
" (page 39)

Il commence ainsi :
"Je commence par la veille.

Le 10 mars 2011.
J'achève un échantillon de traduction du livre d'Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne. Je ne suis pas mécontente du résultat.
" (page 7).

Puis, c'est le 11 mars. Le tremblement de terre, le tsunami. Bientôt, ce sera la menace nucléaire.
"Un appel. Je décroche. Un ami français. « Je suis devant la télé, il me dit, les tsunamis sont impressionnants... » Là, je m'emporte. C'est plus fort que moi, brusquement, je lui coupe la parole : « Impressionnants ou pas, je m'en fous ! Pour nous, ce n'est pas une image, c'est la réalité qui nous tombe sur la tête ! » Pourtant, au moment où je dis cela, dans la distance, ce ne doit pas être pour moi autre chose qu'une image." (page 10).
Tout de suite, le réflexe : même si on aime parler des autres pays, on n'aime pas que des étrangers - par définition mal renseignés - parle du nôtre (cette attitude sera explicitée plus loin).
De plus, mais comme on le verra également plus tard, le 14 mars :
"Je travaille en laissant défiler les informations. Ou plutôt, non. La vérité, c'est que je n'arrive pas à travailler. Je suis comme hypnotisée. J'ai découvert plus tard qu'il en allait de même pour mes amis." (page 19).
Ce qui est immense exerce toujours une part de fascination, même s'il peut s'agir de la fascination devant le serpent.

11 mars     11 mars 2011     11 mars 2011



Le 12 mars.
"Dans le bus 61, il y a à mes côtés une mère et ses deux enfants, un garçon et une fille. Ils crient à tour de rôle les pays où ils voudraient passer leurs vacances d'été. « Moi, je veux aller au Brésil » ; « Moi, au Mexique », comme on liste les noms de pays appris à l'école. À un moment, le garçon dit : « J'irais bien au Japon - ah, en fait non, ça sera pour plus tard. »" (pages 15-16).

11 mars 2011
Explosion de cuves de stockage de gaz naturel dans la préfecture de Chiba, près de Tokyo.

Le 14 mars.
Comme toute catastrophe, certains lui assignent un but. "Shintarô Ishihara, le maire de Tokyo, un réactionnaire notoire, clame que « l'identité des Japonais est souillé par l'égoïsme. Les tsunamis sont là pour la purifier. C'est un châtiment céleste. »
Il y a toujours des abrutis pour tenir ce genre de discours. Ils attendent la catastrophe, ils l'espèrent même, pourvu que ce soit dans une région autre que la leur, pour « réveiller la jeunesse japonaise » - comme ils l'ont été en leur temps après la guerre, même s'ils ne l'ont vécue que de loin. Ce sont les mêmes qui en appellent à l'état d'urgence pour raviver un héroïsme inutile.
" (pages 17-18)

11 mars 2011
(photo extraite de Books, numéro mars 2012. (c) JIJI Press/AFP)

"Moi qui ai toujours écrit des histoires qui se terminaient bien, cette fois-ci, peut-être que c'en sera fini. Comme j'aimerais pouvoir lire la dernière page de mon livre, tout de suite." (pages 21-22).
"Paul, mon éditeur, dit que j'écris peut-être pour exorciser. Oui, sans doute. On coince l'événement entre des mots, des phrases, pour le compacter, l'enfermer comme on enferme dans le réacteur les particules radioactives." (page 29).
Faut-il (ou "peut-on") aller voir Orlando Furioso au Théâtre des Champs-Elysées, pendant que le Japon vit sous la menace nucléaire ?

 

Ryoko Sekiguchi mentionne un livre de Rebecca Solnit (connue en France pour L'Art de marcher), A Paradise Built in Hell: The Extraordinary Communities That Arise in Disaster (non traduit en français) consacré "à cette communauté presque utopique qui surgit après les grandes catastrophes." (page 31). Après une catastrophe, naturelle ou non (inondation, attaque terroriste...), on voit naître des élans de solidarité "quand quelque chose comme un sentiment d'égalité s'installe face au désastre auquel tout le monde est confronté" (page 31).

Les catastrophes touchent les écrivains et les artistes en général de façon différente du reste de la population, pourrait-on dire. Quand on fait un travail classique de bureau (informatique, paperasse, etc.), on peut suivre l'évolution de la situation quasiment en direct grâce à Internet : même si son travail en est un peu perturbé ou ralenti, il continue son long chemin balisé par les normes. Chez les artistes, par contre, le travail se nourrit de la vie.
"L'important, quand on s'interroge sur « ce qui est possible après une catastrophe », question maintes fois posée de par le monde, c'est d'avoir à l'esprit que l'on est aussi à la veille d'autres catastrophes à venir, donc qu'il faut également s'interroger sur ce que l'on peut écrire avant une catastrophe, ou entre deux catastrophes, qui est l'état permanent dans lequel nous vivons." (page 38).

Pendant ce temps : "Une amie à Tokyo me dit qu'elle sent bouger la terre même quand ça ne bouge pas." (page 44).

Bien sûr, les médias français couvrent l'événement. "On me rapporte que la radio française a diffusé plusieurs interviews dans lesquelles la traduction énonçait le contraire de ce que disaient les Japonais interviewés." (page 60). Ce n'est malheureusement pas la première fois, on m'avait parlé d'un reportage en Russie dans lequel on présentait - avec force interviews - des gens manifestant pour une opinion politique, alors qu'en fait, ils manifestaient contre... Si l'on ne connaît pas la langue, comment être sûr de ce que l'on nous rapporte ?
Mais les médias japonais ne semblent pas vraiment meilleurs : "La télévision japonaise se repaît d'interviews inhumaines avec les sinistrés, comme une bête se jette sur sa proie." (page 66)

Des archivistes déterrent des descriptions de catastrophes du passé. "Une autre description du 3 octobre 1707 rapporte (à Nagoya) « une lumière entre les nuages, comme un éclair ». Une grande secousse le lendemain, suivie d'un tsunami." (page 64). Intrigant. On aurait bien aimé en savoir plus.

11 Mars 2011
Yamada, une ville de la côte nord-est. Photo (c) Pieter Ten Hoopen/Agence Vu. Books, mars 2012.

Un poète, Ryôichi Wagô, "continue d'écrire, depuis son appartement sinistré de Fukushima, où il est resté seul [...]" (page 67)
"Ryôchi Wagô parle de répliques, et des « centaines de millions de chevaux qui passent sous la terre. »" (page 85). Il y a eu plus de mille répliques en un mois.

Faut-il rester au Japon ou s'éloigner, ne serait-ce que pour un temps ? Dans les couples mixtes, notamment, le débat fait parfois rage et exacerbe les tensions.

La peur, souvent irrationnelle et bête, s'installe, qu'elle soit en France ou au Japon.
"Nao, une autre amie japonaise qui vit à Aix-en-Provence, s'assoit un jour dans un café. Un monsieur qui se trouve à côté d'elle lui demande poliment si elle est japonaise. Elle répond que oui. Un instant après, elle s'aperçoit que le monsieur s'est discrètement déplacé à une autre table, loin d'elle." (page 98).

Edifiant : "Yumi me raconte l'histoire d'un de ses amis, un Japonais, troisième génération des irradiés de Hiroshima, qui n'a pas pu se marier. Le père de la fiancée a refusé de lui donner sa fille. Trois générations après. Lui qui est né à Tokyo et qui n'a plus de contacts avec Hiroshima." (page 117).
Toujours au Japon : "Dans certains départements, on va parfois jusqu'à refuser le parking aux voitures immatriculées à Fukushima ou à Miyagi." (page 69).

Ryoko Sekiguchi reparle de son désir d'écrire sur la veille de la catastrophe, et évoque Mrs Dalloway : "Si j'arrivais à écrire sur la veille, alors peut-être, à la fin du récit, déviant le cours des choses... ? je sais bien que cette idée est stupide. Mais je ne peux pas en abandonner le désir." (page 73).

Micro-débat : l'ouvrage papier est-il supérieur au numérique en cas de guerre ? "On peut lire dans la tranchée. On peut lire même s'il n'y a pas d'électricité." (page 73). "Mais en cas de coupures de courant programmées, l'argument ne tient plus." Grâce aux batteries, bien sûr.
"Une écrivain, Aki Satô, parle sur son blog de la lueur rassurante de son écran d'ordinateur.
Georges de La Tour à l'âge du numérique.
" (page 74).

de la tour
La Madeleine à la flamme filante, vers 1638-1640. Musée d'art du comté de Los Angeles.

"Je prends conscience de ce que c'est que de faire l'objet de discours massifs, parfois violents. Je me rends compte surtout que c'est une situation à laquelle il est rare que les Occidentaux, et tous ceux qui, comme moi, viennent de pays développés, soient confrontés. Nous débattons des affaires du monde. [...] C'est une bonne chose de pouvoir exprimer une opinion sur tout. [...] Les autres pays, le discours des « autres » ne nous atteignent pas de cette façon. Nous ne sommes pas agressés par ce que les autres disent de nous. Ce que j'ai pu être naïve." (page 77)


Parfois, heureusement pourrait-on dire, c'est amusant. Des rumeurs se répandent. Manger des algues serait bénéfique contre les radiations. Boire de la bière aussi. "Il semblerait que tous les alcools préviennent la contamination à des degrés variables, mais que l'effet de la bière est particulièrement remarquable. [...] Tout le monde est ravi. On plaisante, « Oui, je pensais justement m'en prescrire un peu » [...]" (page 92). Les gens ont besoin de plaisanter un peu, cela fait du bien.

11 mars


Puis, le 3 avril, Sekiguchi retourne au Japon ("A l'aéroport, un agent de la douane me souhaite bon courage", page 123).
Elle mange dans son bistro habituel des mets succulents, "calamars pochés, tofu à l'ail et à la crevette, pâtés de testicules de daurade." (page 126). Les gens n'ont toutefois qu'un seul sujet de discussion.
Le point de vue change alors : "Tant que j'étais en France, je me souciais surtout de la centrale. C'était devenu l'enjeu principal de la catastrophe. Mais vu d'ici, il m'apparaît que l'on n'en a pas fini non plus avec le séisme." (page 134). En effet, les secousses continuent.


Il y a encore de nombreuses choses dans ce livre : la comparaison des hauteurs de bibliothèques japonaises et françaises (les "jolis vases exposés à hauteur de la tête" (page 141) en France), les détails qui peuvent sauver une vie (les immeubles anti-sismiques, c'est bien, mais lorsque l'on est à un étage élevé, il vaut mieux s'éloigner des fenêtres qui risquent de se briser, voir page 136) ; et puis tous ces gens - artistes, etc. - qui annulent leur voyage au Japon, les livres sur les tremblements de terre qui envahissent très rapidement les librairies...
Il y a aussi les noms des morts lus avec hésitation (car les présentateurs ne savent pas comment prononcer les caractères chinois des noms : "Les morts tremblent jusque dans la prononciation de leur nom", page 20), le problème de l'expression de l'angoisse des tokyoïtes, l'étonnement occidental du manque de réaction supposé des Japonais ("Encore une fois, ce n'est pas parce que l'on ne montre pas sa tristesse que l'on n'est pas triste", page 87), l'importance des leçons du passé (les habitants d'un hameau, quasiment tous morts après le tsunami de 1933 - 4 survivants... - ont depuis respecté les consignes des stèles : « Ne construis pas ta maison en dessous de ce point »... et n'ont eu à déplorer aucun mort cette fois-ci), et puis l'interrogation sur ce qui peut changer, à la suite au 11 Mars, dans la vie des gens, dans leurs aspirations. Et comment les oeuvres des écrivains vont en être affectées (là, c'est bien sûr une question posée, sans réponse).

"Je continue à interroger les uns et les autres sur ce qu'ils ont pu lire après le séisme. Deux personnes différentes et qui ne sont pas poètes m'ont répondu qu'elles ne sont parvenues à lire que de la poésie. Certains disent qu'ils n'ont pas pu lire du tout, mais qu'ils ont écouté de la musique ; pour d'autres, c'est le contraire. Je ne parviens toujours pas à identifier le type de mots dont on pourrait avoir besoin après une catastrophe. Mais en tant qu'écrivain, mes interrogations sur l'écriture ont changé ; ce n'est plus « que faut-il écrire après une catastrophe », mais « qu'est-ce que les gens ont besoin de lire ». Quels mots voudront-ils voir, entendre ? Que peut-on leur offrir ?" (page 169).


A lire.

books

En complément de programme : petit compte-rendu de l'article "Fuite poétique à Fukushima", propos recueillis par Shigeo Tanaka (entretien datant de l'automne 2011), traduction de Ryôko Sekiguchi. Paru dans la revue Books de mars 2012, pages 25 à 28.

Ryôichi Wagô est né en 1968 à Fukushima.
wago ryoichi

"A vrai dire, j'étais un peu inquiet, confie le poète Ryôichi Wagô. Je ne savais pas si les sinistrés allaient accepter mes poèmes.[...]

Son inquiétude s'est révélée sans objet. Dans les centres d'accueil, les réfugiés ont fait circuler ses textes sur Twitter avant de les transcrire sur papier. Au mois de juin, ses tweets ont été réunis en deux volumes, Shi no tsubute (« Jets de cailloux ») et Shi no mokurei (« Poèmes pour un hommage silencieux ») qui forment une sorte de trilogie avec un autre livre, Shi no kaikô (« Retrouvailles en poèmes »), qui mélange poèmes et témoignages. Depuis, ces trois ouvrages connaissent un immense succès. Catastrophe et poésie : sans doute la réalité de ce désastre ne pouvait-elle mieux s'exprimer que sous cette forme.
"
Plus loin :
"Jusqu'à ce que cette catastrophe se produise, j'avoue que je pensais n'avoir peut-être plus besoin d'écrire de poèmes, poursuit Ryôichi Wagô. [...] En fait, les occasions d'écrire des poèmes se faisaient de plus en plus rares. Mais la catastrophe a tout bouleversé."
Lorsque sa famille quitte la région lui reste, "puisque j'avais mon travail à l'école et que mes parents demeuraient également chez eux dans la même ville. [...] Ma famille qui évacue la ville, moi qui reste. J'imagine que tous ceux qui ont vécu cette situation ont ressenti la même chose, l'idée de l'ultime séparation. Exactement comme pendant la guerre, je suppose."

Deux poèmes :
"C'est une nuit calme. Une nuit
vraiment très calme. L'haleine
de la radioactivité.
                       17 mars, 22h47

D'abord le grondement de la terre.
Et puis, ça secoue. Quelque chose s'ébat
un instant. Tu vois, ce calme est rempli
de vacarme. Ecoute, la réplique arrive.
                       17 mars, 23h32.
"

Après son cycle Shi no tsubute, dont les poèmes "étaient comme le dépôt laissé par le flot de ses sentiments", Ryôchi Wagô commence Shi no mokurei qui "a pour thème le dialogue avec les morts."
"Le thème de l'apaisement des âmes et du dialogue avec les morts s'est alors imposé à moi." Il se rend dans la baie de Matsukawaura, "où mon père m'emmenait souvent pêcher quand j'étais enfant.
Là-bas, les maisons de mes anciens élèves, que j'allais visiter en tant qu'enseignant, n'existaient plus, ni les familles. Seul soufflait le vent. Dans cette atmosphère de désolation, j'ai réalisé que j'échangeais quelques mots avec les défunts. « Ah ! ici le tsunami est venu. Vous avez dû souffrir. » C'est ainsi que le thème du « dialogue avec les morts » s'est imposé comme une évidence. Plus tard, j'ai entendu que beaucoup de gens disaient : « Quand le vent souffle, on n'arrive pas à dormir, car c'est comme si les morts pleuraient.
"

Un poème issu de ce deuxième cycle :
"Je m'incline devant une tête
de poisson. Qu'as-tu vu, dans
le tsunami, qu'as-tu vu qui
ne t'a laissé que la tête.
Vanité, vanité.
"

Puis, après le dialogue avec les morts viennent les entretiens avec les sinistrés, le "dialogue avec les vivants" : c'est le troisième cycle, Shi no kaikô.

"M'être trouvé face à la mort m'a sans doute permis de renaître. Contrairement aux poèmes abstraits écrits par celui que j'étais avant la catastrophe, les trois livres que j'ai publiés en juin 2011 ont un objectif clair. Avant, je me battais contre quelque chose d'invisible. Cela pouvait être la situation de la poésie contemporaine qui ne permet aux textes de n'être lus que par une poignée de lecteurs, ou le formalisme dans lequel cet art tombe tout en aspirant à la liberté."


On pourra entendre l'auteur récitant un poème sur une musique de Ryûichi Sakamoto et Ryôei Ôtomo, sur http://www.books.fr/video-audio/un-concert-pour-fukushima/

l'archipel des séismes
En couverture, Rikuzenkata, 2 mai 2011.

Pour rester et finir dans la poésie, on trouvera, dans L'Archipel des séismes (Editions Philippe Picquier), des poèmes d'écrivains :

"Archipel des séismes et des tsunamis, centrales et cerisiers en fleurs"
Haïku de Natsuishi Banya (né en 1955). Traduction de Cécile Sakai.

"La bougie est allumée
voici revenus les soirs d'autrefois
le vent léger suspend sa course
le ciel bleu dort à poings fermés

[...] "
Début de On a allumé la bougie, de Tanikawa Shuntarô (né en 1931). Traduction de Véronique Brindeau.


... Mais on trouve aussi quelques senryû écrits par des habitants de Minami-Sanriku. Par exemple, dans la catégorie "Le rire du désespoir - En guise de conclusion" :
"Tsunami géant
le magot de mamie
perdu dans la boue
"

"Pas maquillée
je passe à la télé
incognito
"
(traduction Corinne Quentin et Cécile Sakai).


le club des gourmets

Le Club des Gourmets et autres cuisines japonaises. Traduit du japonais par Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré. Illustrations : La Cocotte. P.O.L. 211 pages.

Textes de Arashiyama Kôzaburô, Dazai Osamu, Kitaôji Rosanjin, Masaoka Shiki, MiyazawaKenji, Nagai Kafû, Okamoto Kanoko, Tanizaki Jun'ichirô.

"Récemment, j'ai constaté une chose curieuse : qu'est-ce que ça bouffe alors, dans les romans japonais ! Les personnages mangent. Beaucoup. Souvent. La scène de table, ou plus largement l'acte d'absorber aliments et breuvages, fait figure de motif immanquable dans la fiction moderne et contemporaine." (Ryoko Sekiguchi, Avant-Propos, page 7)
Ce qui est étonnant, et montre donc à quel point le fait de manger est important mais naturel chez les Japonais, c'est qu'elle ne s'en soit pas rendu compte plus tôt. Pour un Français, cela saute aux yeux, parce que cette nourriture nous est exotique : on la remarque donc. C'est d'ailleurs en discutant avec le public venu à des rencontres que Ryoko Sekiguchi en a pris conscience.
Mais la nourriture a beau être importante en France aussi, cela n'est pas pour autant qu'on la trouve en abondance dans notre littérature :
"Il est vrai qu'en comparaison, dans les romans français d'aujourd'hui, les personnages doivent certainement se cacher pour se nourrir car on les voit rarement mettre quelque chose dans leur bouche. Quant à imaginer un écrivain de renom écrire un livre de cuisine... Sans user d'un pseudonyme, j'entends..." (page 8)

Et c'est bientôt parti pour des aspects très différents de la nourriture dans la littérature : poésie, recettes du XVIII° siècle, récit authentique d'un déjeuner à la Tour d'Argent, considérations sur le saké...

1/ Dazai Osamu : Souvenirs sur le saké. Dazai explique comment il a eu du mal à s'habituer au saké (cela paraît incroyable). "Je finis néanmoins par m'habituer au saké, au prix d'un long, pénible et franchement ridicule périple." (page 12)
"D'ailleurs, jadis, boire seul était une chose fort peu élégante. On demandait nécessairement à quelqu'un de vous accompagner pour vous servir à chaque fois. Déclarer qu'il n'y a de vraiment bon saké que bu seul était considéré comme de la dernière vulgarité et les prémices de la débauche. Rien que de descendre un godet cul sec faisait se retourner sur soi des yeux écarquillés, alors se servir soi-même plusieurs verres coup sur coup, cela vous fermait définitivement les portes de la belle société." (pages 12-13).
On apprend aussi "que boire son saké froid était presque considéré à égalité avec les crimes les plus sordides. [...]
Les temps ont bien changé.
" (page 14).
Dazai mentionne également l'existence d'une technique au nom singulier et à l'efficacité redoutable : "En cas d'extrême besoin, il nous arrive même d'avoir recours à la méthode dire de « la pêche à la daurade avec une crevette », qui consiste à rendre visite à quelqu'un avec deux bouteilles de bière que l'on commence à boire. Cela ne suffisant évidemment pas à se sentir à l'aise, le maître de maison est bien obligé d'ouvrir sa réserve." (page 19).
Après chaque texte, nous avons un commentaire très intéressant de Sekiguchi.
"Parler du saké, c'est révéler sa personnalité et son rapport aux autres et au monde. L'alcool est le dispositif expérimental le plus facile à utiliser pour observer les déformations subjectives du temps, pour décrypter les conversations aussi bien que les non-dits lors des soirées autour de quelque pichet, ou pour une plongée en apnée dans sa solitude..." (page 25).

"[...] dans ce court essai, apparemment anodin, Dazai utilise le dispositif du saké pour contempler sa propre chute avec une certaine distance". (page 25).
"Dans le texte que nous avons traduit, certains détails surprennent même les Japonais d'aujourd'hui : ainsi beaucoup d'entre eux, qui sont habitués à des sakés développés après guerre, tel le ginjô ou le daiginjô qui se servent froids, ignorent sans doute que boire du saké froid était considéré comme le sommet de la vulgarité." (page 26).
Un bon petit texte.


2/ Okamoto Kanoko (1889-1939) : Sushis
Okamoto Kanoko était romancière, poète et essayiste. "[...] Pendant les quarante-neuf années de sa vie, particulièrement les dix dernières où elle fut surtout romancière, elle écrivit avec une énergie débordante de nombreuses nouvelles sur le thème de la nourriture." (page 57).
Dans la nouvelle présentée, les parents de la jeune Minato tiennent un restaurant de sushis. Minato donne parfois un coup de main. Elle a une certaine attirance pour un homme d'une cinquantaine d'années, le « Professeur ». On va en apprendre plus sur la jeunesse de ce mystérieux homme et son rapport à la nourriture.
Une bonne nouvelle.


3/ Anonyme : Cent curiosités au Tôfu (1782). "Les recettes de l'époque ne sont pas aussi précises et détaillées que celles d'aujourd'hui. Elles proposent plutôt une description globale." (page 61). Sekiguchi parle aussi du caractère ludique du texte. Voyons plutôt cette liste, répartie en plusieurs sections (plats courants ou familiaux, plats simples, plats beaux à voir...), et qui comporte parfois des explications, mais le plus souvent seulement le titre plus ou moins évocateur ou étrange :
"1. Tôfu danseur aux bourgeons.
2. Tôfu danseur façon faisan. Dorez le tôfu [coupé en dominos rectangulaires et piqués sur une brochette en bambou]. Accompagnez d'une sauce de soja diluée au saké et portée à ébullition, et de zeste de yuzu râpé.
[...]
6. Tôfu baigneur.[...]
10. Tôfu-éclair.[...]
16. Tôfu sable d'or. Egouttez le tôfu, écrasez-le, incorporez un blanc d'oeuf, étalez sur une planche en bois, saupoudrez de jaune d'oeuf cuit comme un sable d'or, pressez-le bien et chauffez-le à la vapeur. Coupez en carrés. [...]
37. Tôfu apprivoisé. [...]
41. Tôfu à motifs de vagues.
42. Tôfu paysage de plaine [...]
44. Tôfu sous les nuages. [...]
"
On trouve également des sections Plats insolites, ou encore Plats insolites et délicieux : Tôfu aux oursins pour végétariens ; Tôfu grillé des six côtés, Tôfu à la lie de saké, Tôfu danseur à la vietnamienne...
"Le livre eut un tel succès que les années suivantes virent la publication de Cent curiosités au tôfu, suite et Cent curiosités au tôfu, encore, sans parler des livres de recettes sur le même modèle qui apparaîtront par la suite (Cent curiosités aux oeufs, à la bergamote, à la daurade, au radis blanc, aux patates douces...)." (page 72).
Amusant : Sekiguchi écrit que, dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, apparaît "un yôkai (personnage fantastique, comparable aux fairies britanniques) nommé Tôfu kozô (le gamin-tôfu). [...] : c'est un garçon qui porte une assiette sur laquelle est posé un morceau de tôfu, et c'est tout ! Il ne fait de mal à personne, il se contente de marcher avec son tôfu." (page 74).
Voici quelques représentations de cet étonnant yôkai :

masayoshi kitao        katsukawa Shuntei        toku kozo

1/ Masayoshi Kitao (1764-1824). ca 1788 ; 2/ Katsukawa Shuntei, 1816. ; 3/ Masasumi Ryūkansaijin : Tôfu kozô (Kyōka Hyaku Monogatari, 1853)

 

4/ Kitaôji Rosanjin (1883-1959 ; "A la fois céramiste, calligraphe, peintre, artiste de laque, écrivain, gastronome, excellent cuisinier...", page 81 ) : Sukiyaki et canard, brève impression de la cuisine occidentale.

Rosanjin
Kitaôji Rosanjin : Vase argenté avec des lignes en diagonale sculptées et des inclusions d'émail multicolore.



"J'avais entendu parler de la cuisine de canard pratiquée en France en long, en large et en travers, et cela bien avant mon départ du Japon. Mais ces propos se limitant pour la plupart à des louanges à sens unique, je doutais quelque peu de leur validité. Ceux qui me parlaient avec admiration des tenants et aboutissants de la situation en France ou aux Etats-Unis ne connaissaient à vrai dire pas grand-chose sur ce qui se pratique au Japon ; autant dire le monde à l'envers.
Dans la mesure où ce sont généralement des Japonais incultes qui séjournent à l'étranger, comment pourraient-ils se montrer capables d'enseigner quoi que ce soit du Japon aux étrangers ? C'est un gâchis pour le pays et tout autant pour les étrangers. Quand on est tout juste capable de faire l'article des gloires nationales, geishas, mont Fuji, et des biches de Nara qui mangent des galettes de riz dans la main des touristes, il n'y a pas de quoi s'étonner que les étrangers n'en connaissent pas davantage sur le Japon. Sans même parler de cuisine japonaise.
" (pages 75-76).

Kitaôji Rosanjin se retrouve à Paris ; il va à la Tour d'Argent pour manger le fameux canard, "avec Takanori Ogisu, le peintre, son épouse, et Shôhei Ôoka, l'écrivain" (page 77).
Tout ne se passera pas comme d'habitude, Kitaôji Rosanjin mettant son grain de sel dans la recette, à la grande stupéfaction du personnel de la Tour d'Argent...

"Ronsajin Kitaôji réalisa ce qu'il faut bien appeler un Art de la Table total, dans ses restaurants qui n'ouvraient que pour les membres triés sur le volet du « Club des Gourmets », dont il était le fondateur.[...] Perfectionniste acerbe, il était connu pour son franc-parler et ses extravagances à la Grimod de La Reynière [...]" (page 81).

Ce qui est amusant, c'est que Sekiguchi nous donne aussi la version des événements racontée par Ôoka, et qui n'est pas tout à fait la même...

Quelques oeuvres de Takanori Ogisu (Oguiss), qui était présent au fameux repas et faisait office de traducteur (le pauvre):

takanori ogisu     dorades     femme en rouge     affiche
1/ Coin de rue avec publicité (Paris). 1937. On sent une parenté avec Utrillo. ; 2/ Dorades ; 3/ femme en rouge (1932). 4/ Affiche d'une exposition

5/ Shiki Masaoka (1867-1902) : En attendant le repas et autres essais.
"Son activité de poète de haïku est la plus connue, mais au cours des trente-cinq années de sa courte vie, il fut aussi prolifique dans bien d'autres genres comme le tanka, la poésie en vers libres, la poésie en chinois classique, le roman, la critique et l'essai. [...]
J'ai sélectionné trois textes de la fin de sa vie. Il avait contracté la tuberculose en 1888, et resta alité le plus clair de son temps à partir de 1896, date à laquelle lui fut diagnostiqué une carie vertébrale.
Pourtant, malgré d'atroces souffrances que les analgésiques ne suffisaient pas à apaiser, il ne cessa jamais d'écrire. C'est vraisemblablement dans son désir de « manger » qu'il trouvait une partie de cette force presque surhumaine.
" (pages 91-92).

"Par principe, je ne prends jamais de petit déjeuner, et bien que malade, mon quotidien est d'attendre mon déjeuner avec une grande impatience, le ventre vide. Aujourd'hui, le coup de canon de midi a déjà retenti ; et mon repas qui ne vient toujours pas. À mon chevet, ni livre ni écritoire. Et pas une page du journal de ce matin que je n'aie déjà lue. N'ayant rien de mieux à faire, alité la joue dans la main, je contemple le jardin." (page 85)
Il note ses observations, et c'est vraiment bien.

Un extrait de son journal :
"« Tout mon univers dans ce lit de deux mètres carrés »" (page 87).

De très bons textes en mode "mineur".

"Le goût du kaki en bouche
j'entends la cloche
du temple Hôryûji
". (haïku de 1895).

6/ Anonyme : Deux histoires de champignon (extraites des Contes qui sont maintenant du passé) :
* Conte n°18, tome 28 : Histoire de l'abbé du temple du Mont Mitake, qui point ne fut indisposé en mangeant des champignons vénéneux : un petit conte amusant
* Conte n°28, tome 28 : Histoire des nonnes qui dansaient dans la montagne pour avoir mangé des champignons : un conte assez curieux, le comportement des différents protagonistes étant, comme l'écrit Sekiguchi dans ses intéressants commentaires, "assez énigmatique"...


7/ Arashiyama Kôzaburô : Ventre vide et tête en l'air.
"Il n'y a de régime véritable que celui qui mange la faim. Je tiens cet enseignement de Jûzô Itami. [le fameux cinéaste, auteur entre autres de Tampopo]
Je me suis dit : « Mais c'est bien sûr ! » J'ai noté la petite phrase dans mon calepin mental et décidé que dorénavant, chaque fois que j'aurais faim, je mangerais ma faim.
" (page 103).
Une question se pose : comment la cuisiner, cette faim ?
"J'ai réfléchi à plusieurs recettes. Que je vous livre ci-dessous :
* Faim roulée en boulette (à la sauce de soja)
* Tôfu de faim chaud (avec sauce de soja et jus d'agrumes).
* Faim meunière (avec un soupçon d'huile d'olive)

[...]" (page 105).

Mais quel est le goût de la faim ? Est-ce plutôt sucré ou bien salé ?
Un texte sympathique, amusant, il y a de très bonnes choses dedans ("Les plats, ce sont les paroles que dit le chef, recettes sorties de son imagination", pages 113-114) mais quand même un petit peu long.

miyazawa
Exemple d'une petite illustration signée La Cocotte.

8/ Miyazawa Kenji (1896-1933) : Matin d'adieu.
On pouvait déjà lire en français un grand nombre de contes de cet auteur.
"Nous avons traduit ici trois poèmes parmi les plus connus qu'il ait composés sur ce moment qui précède la mort de sa petite soeur, qu'il chérissait plus que tout." (page 126)
Il y a l'image d'une crème glacée céleste, mais le rapport de ces poèmes avec le thème du livre est quand même assez lointain. Qu'importe, un peu de poésie est toujours la bienvenue.
"Les aiguilles du pin
Voici la jolie branche de pin
sur laquelle j'ai recueilli la neige fondue tout à l'heure
tu plaques tes joues chaudes contre les feuilles vertes
comme pour y plonger
tu laisses les aiguilles végétales te piquer les joues
comme pour t'y jeter
ton geste nous prend de court
ton désir était donc si grand d'aller au bois
quand brûlante de fièvre
les douleurs et les sueurs te faisaient souffrir
[...]" (pages 121-122).

9/ Nagai Kafu : Les Yôkan
"Shintarô était l'apprenti du cuisinier au Momiji, un petit restaurant très chic situé dans une ruelle derrière Ginza, quand il fut mobilisé ; il revint deux ans plus tard. Mais avec les rationnements généralisés, l'ambiance du quartier avait bien changé." (page 129).

"Cette nouvelle [...] traite d'une dimension particulière de l'univers culinaire : la cuisine comme marqueur de l'appartenance sociale." (page 140).
C'est une bonne petite nouvelle. Les commentaires apportent beaucoup pour la compréhension des détails signifiants.


10/ Tanizaki Jun'ichirô : Le Club des Gourmets (1919). C'est le texte le plus long du livre (60 pages), et il s'agit d'un inédit : il ne se trouve donc pas dans les deux volumes de La Pléiade (ce qui donne bien envie d'en avoir un troisième...).
Cette nouvelle commence ainsi :
"Sans doute, chez les membres du Club des Gourmets, l'amour de la gastronomie ne le cédait-il en rien à l'amour des femmes. Ils formaient une brochette d'oisifs uniquement occupés à jouer, acheter des femmes et se délecter de mots raffinés. La découverte de mets singuliers et de denrées rares leur était une spécialité et une fierté, comme on se vante de savoir dégotter les jolies femmes. Ah, s'ils pouvaient trouver un chef capable de leur créer ces goûts... [...]" (page 145).
Comment parvenir à de nouvelles sensations, de nouveaux raffinements culinaires ?

Le texte est un mélange de sérieux, de perversions... et parfois d'humour, comme dans ce passage où le comte G sent qu'il va pouvoir découvrir des plats auxquels il n'aurait encore jamais goûté :
"Ce qui provoqua en lui cette sorte de frisson d'impatience irrésistible qui assaille le samouraï à la recherche d'une action d'éclat au moment où il se trouve en lancier de tête pour mener l'assaut." (pages 160-161).

On y trouve un éloge de la cuisine chinoise à une époque où les Japonais ne la vantaient pas particulièrement, semble-t-il...
C'est vraiment une très bonne nouvelle.

Il s'agit donc globalement d'un très bon recueil, avec des textes de styles très variés, et toujours intéressants, accompagnés d'explications qui les mettent bien en valeur.


Le jeudi 25 avril 2013, au Thé des écrivains (dans le 3° arrondissement de Paris), Ryoko Sekiguchi est venue présenter ce recueil.
le thé des écrivains

Elle a parlé entre autres de Tanizaki, de son amour pour la cuisine chinoise, ce qui était exceptionnel à une époque où les auteurs la traitaient plutôt avec dégoût.
Malgré les deux volumes dans La Pléiade, il reste des textes non traduits, notamment des contes indiens... Tout ce côté, qui n'est pas typiquement japonais, n'est donc pas connu chez nous.

En parlant de Kitaôji Rosanjin et du fameux scandale qu'il avait causé à La Tour d'Argent, elle a mentionné le fait qu'une exposition allait lui être consacrée. Ce sera au Musée Guimet, du 3 juillet au 9 septembre 2013 (voir la page : http://www.guimet.fr/fr/expositions/expositions-a-venir/cuisine-japonaise-rosanjin-kitao-ji ).

Une petite rencontre très sympathique, au cours de laquelle quelques extraits ont été lus :

Patrick Honnoré
Patrick Honnoré, co-traducteur des textes ; à droite, de profil, Ryoko Sekiguchi.

Honnoré et Sekiguchi
A la fin, nous faisons tous honneur au wakamé et au saké.

Et c'est le moment des dédicaces, triples : dessin de la Cocotte, petits mots très gentils de Ryoko Sekiguchi (enfin, peut-être... je ne connais pas le Japonais...) et de Patrick Honnoré.
dedicace

 



Sekiguchi sera présente le jeudi 24 mars 2016, à partir de 18h00, à la librairie Nicole Maruani - 171, boulevard Vincent Auriol, 75013 Paris (01 45 85 85 70) pour deux livres : La Voix sombre (Editions p.o.l) et Dîner Fantasma (Editions Manuella).

 

 

 

 

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