Littérature Russe et d'Europe centrale
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(Malé Svatoňovice, Bohême, 09/01/1890 - Prague, 25/12/1938)
"Il est l'un des plus importants écrivains tchécoslovaques du XXe siècle. Il laisse huit romans, huit pièces de théâtre, ainsi que des nouvelles, essais, critiques, récits de voyages, livres pour enfants... - La Maladie Blanche (Bílá nemoc, 1937). Drame en trois actes et quatorze tableaux. traduit du tchèque et préfacé par Alain Van Crugten. 157 pages. Maladie bien curieuse, appelée par les professionnels "maladie de Tcheng", et vraiment pas sympathique du tout. Ah ! Elle peut avoir du bon, cette maladie ! Place aux jeunes : des postes vont se libérer ! Comme dans L'Aveuglement (de Saramago) et bien sûr dans d'autres livres ou films dans lesquels une épidémie se déclare, l'armée prend les choses en main. Et, ici, elle les prend d'autant mieux qu'elle est déjà au pouvoir. Epidémie, dictature militaire, rumeur de guerre... Un remède à cette maladie blanche pourra-t-il être trouvé ? La paix pourra-t-elle paradoxalement venir de l'épidémie ? - La vie et l'oeuvre du compositeur Foltyn (Život a dílo skladatele Foltýna, publié pour la première fois en 1939). Traduit du Tchèque par François Kérel. 171 pages. Bibliothèque cosmopolite Stock. Comme la plupart des Čapek, il ne faut pas trop en dire, car la découverte de l'histoire est un élément non négligeable du plaisir que l'on a à lire ses livres. Ce roman retrace la vie d'un compositeur - on pourrait dire un Artiste avec un grand "A", puisqu'il donne dans la grande poésie et la grande musique - reconstituée grâce à des interviews : un ami de jeunesse, actuellement juge, qui fut un de ses camarades de classe ; une ancienne camarade de lycée... On retrouve l'humour de Čapek, qui aime bien égratigner l'évolution de la société ! "Pourquoi est-ce que je l'aimais tant ? Comme si on savait jamais pourquoi ! C'était fou comme il m'impressionnait, parce que c'était un artiste et qu'il composait ; cela me plaisait qu'il soit si instruit, si mondain et si tendre, et surtout qu'il soit si faible et si doux !" (page 58). On voit la double identité de Foltýn : il est faible, oui... mais dans le même temps, il joue à l'Artiste qui compose dans des affres immenses le grand oeuvre de sa vie, son opéra, Judith... ou bien Abélard et Héloïse, dont il est l'auteur du livret et de la musique, s'il vous plaît ! Une oeuvre grandiose, qui va impressionner le monde entier ! Si, si. A travers d'autres interviews encore : professeur d'université, musiciens,... on comprendra tout. La fin est un peu perturbante, quand on sait que ce roman est posthume et qu'il est théoriquement inachevé. Encore un bon livre de Čapek ! - R.U.R. Rossum's Universal Robots (en fait, Rossumovi univerzální robotia). Drame collectif en un prologue de comédie et trois actes. Traduit du tchèque par Jan Rubeš en 1997 et préfacé par Brigitte Munier. Minos. La Différence. 219 pages. Contrairement à l'idée qu'on pourrait s'en faire, ces robots sont des êtres biologiques, et pas mécaniques. Rossum, philosophe et jeune chercheur, s'isola dans une île : son but était de reproduire la matière organique par la synthèse chimique. Bref, créer de la vie, artificiellement. L'expérience réussit en 1932. Mais il voulait parvenir à créer un vrai homme, à l'identique. Cela l'occupa des années... Hélène Glory, la fille du président, vient en visite sur l'île où se trouve la fabrique de robots. Elle est aussi la représentante de la Ligue de l'Humanité, dont le but est d'améliorer la condition des robots. "DOMIN
Lorsqu'un robot est créé, il ne sait encore rien faire. Il faut le "charger." Ah, toujours son humour ! "HELENE
Le but final semble très louable, même si... On a eu un peu ça avec l'importation massive de produits chinois à bas prix. Un commissaire européen au commerce avait dit que c'était une chance, que ça allait faire augmenter le pouvoir d'achat des Européens. Qui n'auraient plus de travail, bien sûr, mais qu'importe ! Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu (là, je parle de la pièce, pas de politique européenne, même si, hem...).
Le Dr Gall, directeur du Département de la recherche physiologique, fait à un moment une remarque assez pertinente (et un peu provoc) :
Côté cinéma, Perte de sensation (Gibel sensatsy, 1935), réalisé par Alexander Andrievski est semble-t-il inspiré de la pièce de Čapek.
Les travailleurs se font remplacer par ce qui est clairement une machine non humaine, ici un R2D2 soviétique.
- Le Dossier Makropoulos. (Věc Makropulos, 1922). Comédie en trois actes. Traduit du tchèque par Michel Chasteau. 95 pages. Editions de l'Aube (le volume comporte également R.U.R. et la Maladie Blanche, deux pièces qui ont été rééditées récemment). Nous sommes dans le bureau d'un avocat. Vitek, son aide, fait du classement. C'est une bien étrange femme, Emilia Marty. Son chant est incroyable, et son physique, sa présence, font tourner les têtes : On a vite compris ce qu'il en est, d'autant plus que si on aime un petit peu l'opéra, on connaît l'Affaire Makropoulos (1926), de Janacek (la traduction "Le Dossier" au lieu de "L'Affaire" est une tentative de restitution d'un jeu de mots en tchèque, comme l'explique le traducteur dans une Note sur la traduction du livre).
"[...]Věc Makropulos risque de frapper l'auditeur par son écriture austère, soumise au dialogue extrêmement dense préservé par Janacek ; sa science de la « parole chantée » y éclate cependant à nouveau, permettant à ces échanges rapides, martelés, agressifs, prosaïques, elliptiques et expressionnistes, de susciter des personnages vivants et identifiables, grâce à la variété rythmique et thématique du discours vocal, ainsi qu'à la partie orchestrale qui opte cette fois pour un pointillisme acerbe. L'ouverture, pleine d'angoisse et d'agitation, juxtapose des épisodes contrastés, où la fébrilité des cuivres, des vents et des cordes graves s'oppose au chant des violons". (Piotr Kaminski, Mille et un Opéras). Même si le lecteur a vite deviné ce qu'il en était, ou peut-être à cause de cela, la pièce est amusante : les autres protagonistes sont en effet un peu lents à comprendre, eux, créant un effet burlesque. C'est logique : nous sommes face à une pièce de théâtre, alors que les personnages, eux, sont supposés vivre dans la vie réelle, et ce genre de choses n'arrive généralement pas dans la vraie vie.
- Voyage vers le Nord (Cesta na sever). Illustrations de Karel Čapek. Préface de Cees Nooteboom (traduite par Isabelle Rosselin). Traduit du tchèque par Benoît Meunier en 2010. 284 pages. Le texte est accompagné des beaux petits dessins de l'auteur. Au début, Čapek dit avoir déjà fait un voyage dans le Nord : "ses ports, ses escales ont pour noms Kierkegaard, Jacobsens, Stringberg, Hamsun, etc. ; c'est toute la carte de Scandinavie qu'il me faudrait couvrir des noms de Brandes et Gjellerup, Geijerstam, Lagerlöf et Heidenstam, Garborg, Ibsen, Bjørnson, Lie, Kielland, Duun, Undset et Dieu sait qui encore ; Per Hallström, pourquoi pas. [...] Mais tout cela ne fut guère utile, et un jour, il faut bien s'en aller admirer certains endroits de cette terre, ceux où l'on se sent chez soi ; alors on s'émerveille, on hésite entre deux éblouissements : on avait déjà vu cela, ou bien on n'aurait jamais pu se l'imaginer. C'est bien en cela que la grande littérature est étrange : elle est ce qu'une nation a de plus national, mais la langue qu'elle parle est intelligible et familière à tous. Aucune diplomatie, aucune société des nations n'est aussi universelle que la littérature. Or, les hommes n'y accordent que trop peu d'importance ; et voilà pourquoi ils peuvent encore se haïr ou se sentir étrangers les uns les autres. Puis, c'est la Suède.
Encore un très bon et très beau livre de Čapek, dans un genre bien différent de ses autres livres. - La Guerre des salamandres (Válka s Mloky, 1936). Traduit du tchèque par Claudia Ancelot. Editions Cambourakis, 381 pages. Ces étranges salamandres vont devenir l'objet de curiosité, scientifique et commerciale. C'est souvent très drôle, d'un humour sarcastique. On voit les Anglais hypocrites, les Américains qui réagissent comme souvent un peu vite ("Plus tard, on limita les populaires autodafés de salamandres en ne les autorisant que le dimanche et sous la surveillance des pompiers.", page 241) ; les Allemands qui louent la pureté de la race de leurs salamandres, qui évolue "vers un type racial différent et supérieur, qu'il convenait de placer au-dessus de toutes les autres salamandres" (page 299). Le livre date de 1936... Il est fortement déconseillé de lire la quatrième de couverture, qui spoile effroyablement. Apparemment (imdb ne le mentionne pas), le livre a été difficilement adapté en film, s'il faut en croire (et si j'ai compris) le site http://kultura.idnes.cz/z-capkovy-valky-s-mloky-je-konecne-film-nemci-ho-podporili-cesi-ne-pyp-/filmvideo.aspx?c=A111216_132920_filmvideo_tt
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